La fin annoncée du TCT, Total Cost Of Trip, et la montée du « minimalist travel »

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Présenté comme la solution de gestion des voyages d’affaires, le TCT en vogue aux USA depuis deux ans a du plomb dans l’aile. Pour la GBTA, la recherche des coûts cachés n’est plus aussi complexe que le pensaient les acheteurs. La technologie bouscule aujourd’hui les fausses bonnes idées et les entreprises s’engouffrent dans le basique du voyage d'affaires : avion (ou train), hôtel et restauration. La course à la simplicité est engagée aux USA.

Tous les grands concepts développés ces deux dernières années sur la gestion affinée du voyage d’affaires sont désormais remis en cause. La dématérialisation et la montée en puissance des moyens de paiement conduisent les entreprises à repenser leur vision du TCO. Et donc du TCT. A l’origine, l’objectif attendu de ces méthodes d’analyse des coûts était de maîtriser le ROI des déplacements professionnels en réussissant le tour de force de trouver et d’analyser les dépenses cachées, non maîtrisables, à l’origine de décalages importants sur les budgets. Visiblement, aux USA nous n’en sommes plus là.

Si le TCT reprenait l’idée de voir le coût humain et les annexes au voyage (gestion contractuelles, avocats…) intégrés au déplacement, la nouvelle approche est plus sereine : seuls les frais du voyage sont à prendre en compte. Le reste, à l’évidence, fait partie de l’environnement de l’entreprise et ne saurait se mesurer réellement. Simplifier, ne plus perdre de temps avec des détails non réalistes qui amusent les financiers mais n’apportent rien à l’entreprise, voilà les projets portés par les technologies d’acquisition du voyage. Et l’intérêt est évident : faire de la mobilité l’outil de pilotage du déplacement, avec ou sans validation.

Le constat que font les consultants américains est sans appel : la part de la dépense non mesurée face à celle qui est vraiment maîtrisée est inférieure à 6 % par an…. Elle pourrait même se rapprocher du zéro, à condition d’avoir développé des process capables de limiter ces dépenses « invisibles » au premier abord. On parle désormais d’une gestion dématérialisée de bout en bout. Une gestion « au budget » par business unit qui responsabilise et conduit à une autonomie des salariés qui gèrent les achats et assument le suivi financier.

Mais la froideur de la solution ne doit pas gommer la place de l’humain, positionné aujourd’hui au centre des préoccupations formulées par acheteurs du business travel. Cette vision, pourtant indispensable, rend complexe cette recherche de solutions et les fournisseurs ont bien compris que le mot "confort" pouvait devenir la nouvelle vache à lait du voyage d’affaires.

Pour Debora Levi, consultante reconnue, "Le voyage doit se repenser en fonction des objectifs que l’on veut atteindre" et d’ajouter: "Aujourd’hui, on passe plus de temps à organiser le déplacement qu’à en considérer les attentes". Et pour beaucoup, le retour du « minimalist travel » est inéluctable. Les batailles commerciales qui se jouent et le besoin d’être sur le terrain conduisent les entreprises américaines à limiter au maximum la dépense, au risque de froisser leurs voyageurs et de les inciter à ne plus se déplacer. Là sont les vraies économies.

Dans un pays où la culture de la réussite est importante et où les évolutions de carrière passent par la qualité des résultats obtenus par le salarié, ces nouvelles approches font mouche. Finis les frais ancillaires à gogo, désormais, via des centrales d’achat d’entreprises, les négociations avec les fournisseurs sont de plus en plus serrées pour que le prix donné soit le plus complet possible. "On a réussi à le faire dans l’hôtellerie avec le wifi et le petit déjeuner inclus. Il faut désormais le réussir dans le transport aérien ou la location de courte durée", affirme Débora.

Mais cette vision peut, elle aussi, avoir ses limites. "On constate sur le terrain que c’est la technologie qui va bousculer les habitudes des acheteurs", reconnait Debora consciente que "Les décisions et les process seront toujours pilotés par des hommes pour les voyageurs". Une remise en cause de la politique voyages qui se réduit ainsi au strict minimum. Alléchant.

En France, on a connu cette vision du coût global. Certaines sociétés prenaient même en compte le coût horaire de leurs salariés dans les périodes où il n’était pas directement sur place (temps de vol, temps de transfert…). Bref au final, on se faisait peur pour pas grand-chose. Le retour prôné à la simplification fait son chemin dans la nouvelle catégorie d’acheteurs voyages.

Si le sujet anime autant la réunion professionnelle c’est parce qu’au final, il est source d’économies. Ce que nous appelions "la rigueur de la PVE" devient la facilitation du déplacement professionnel. Reste à en déterminer les process réels et à en mesurer l’acceptation au sein des populations de voyageurs.

Ce qui se joue aujourd’hui, c’est la relation des nouvelles générations aux déplacements professionnels. Là encore, la technologie va redistribuer les cartes. Exemple en Californie du sud ou une agence de voyage propose désormais aux entreprises des « packages complets » pour leurs déplacements. Les 30 premières villes d’affaires aux USA sont ainsi couvertes. L’offre comprend le vol, l’hôtel, les transferts aller/retour, les repas ainsi qu’une ou deux pauses café dans un Starbucks. Le tout pour un prix de journée défini au départ en fonction de la durée du séjour. Pour le voyageur aucune dépense à engager et pour l’entreprise, une parfaite maîtrise des coûts. Attractif, mais "Attention, ce n’est pas aussi simple", conclut Debora "Derrière l’apparente facilité se cachent encore bien des questions".

A New-York,
Philippe Lantris.