La présentation de la réforme ferroviaire par Frédéric Cuvillier

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Comme prévu, le Ministre des transports a présenté en Conseil des Ministres son plan pour la réforme ferroviaire. Cette communication intervient après la remise des conclusions des travaux et des auditions menées par Jean-Louis Bianco et Jacques Auxiette et présente les grands axes de cette réforme dont les principes ont été annoncés par le ministre chargé de transports le 30 octobre dernier, à l’occasion des 75 ans de la SNCF. Le projet de loi devrait être présenté cet été, pour un vote au parlement en octobre prochain. Nous publions ici le texte officiel du Ministère.

La présentation de la réforme ferroviaire par Frédéric Cuvillier
1/ Cette réforme a pour ambition de moderniser le service public ferroviaire français en bâtissant avec l’ensemble des parties prenantes un modèle qui réponde aux besoins des usagers et à l’aménagement du territoire, qui rétablisse l’équilibre économique du système et qui permette la création d’un groupe public industriel intégré, pleinement inséré dans l’Europe du rail.

Son premier objectif est d’améliorer la qualité et l’efficacité de service du système ferroviaire

• en réunissant dans une seule entité les métiers qui concourent à l’entretien, au maintien et à l’exploitation de l’infrastructure, au sein d’un gestionnaire d’infrastructure unifié (GIU) : RFF, SNCF Infrastructure et la direction des circulations ferroviaires seront donc rassemblés ;

• et en renforçant le dialogue entre le gestionnaire d’infrastructure et l’exploitant ferroviaire par l’intégration des deux entités au sein d’un même groupe public.

Il s’agit d’éviter que les problématiques d’entretien de l’infrastructure et de circulation sur le réseau soient disjointes des contraintes de l’exploitation. Cette intégration en un groupe unique offrira les garanties d’indépendance indispensables pour permettre un accès au réseau non discriminatoire à l’ensemble des entreprises ferroviaires autorisées à opérer en France.

Le deuxième objectif est le rétablissement de l’équilibre économique du système ferroviaire. Aujourd’hui, la dette de 31,5 Mds€ portée par RFF augmente de plus de 1,5 Mds€ par an. La gouvernance du futur gestionnaire d’infrastructure ainsi que les synergies et les liens entre ce gestionnaire d’infrastructure et les autres entités du groupe public constitueront un levier majeur pour améliorer la performance économique du système ferroviaire et pour maîtriser son endettement.

Cette réforme aura ainsi pour effet de doter le pays d’un groupe public industriel intégré, avec une taille critique suffisante, capable de devenir un champion européen et mondial dans un contexte d’ouverture croissante des marchés.


2/ La réforme sera marquée par la présence forte de l’Etat au sein du système ferroviaire, par la création d’un véritable groupe verticalement intégré constitué de trois EPIC et par une règle de rétablissement progressif des équilibres économiques.

Le groupe public ferroviaire sera constitué de trois établissements publics :

• un EPIC de tête « mère » qui assurera le contrôle et le pilotage stratégiques, la cohérence économique, l’intégration industrielle et l’unité sociale de l’ensemble du groupe public ;

• deux EPIC « filles » : le gestionnaire d’infrastructure, regroupant les fonctions actuellement remplies par RFF, SNCF Infra et la direction des circulations ferroviaires, et l’exploitant ferroviaire.

Les engagements financiers de RFF seront intégralement repris par le gestionnaire d’infrastructure.

La cohésion du système ferroviaire sera traduira notamment par :

- le rattachement des deux établissements publics « filles » (le gestionnaire et l’exploitant ferroviaire) à l’établissement public « mère » qui sera dotée à leur égard des attributions d’une société détentrice, dans le respect de l'indépendance du gestionnaire du réseau pour ses fonctions essentielles ;

- la direction de l’établissement public « mère » par un directoire constitué par le président du gestionnaire d’infrastructure et par le président de l’exploitant ferroviaire, sans dépendance entre eux, sous l’autorité d'un conseil de surveillance ;

- la désignation par l’établissement public « mère » d’une part prépondérante des administrateurs des deux EPIC filles.

La présence de l’Etat au sein du système ferroviaire sera renforcée. L’Etat sera majoritaire au sein du conseil de surveillance de l’établissement public de tête où seront également représentés le Parlement, les salariés et les régions, conformément aux préconisations de Jacques Auxiette. Sur proposition du conseil de surveillance, l’Etat nommera en conseil des ministres les deux membres du directoire de l’établissement « mère » qu’il désignera également en tant que président du gestionnaire d’infrastructure et président de l’exploitant ferroviaire. L’Etat nommera, à l’exception des représentants des salariés, l’ensemble des administrateurs des deux établissements « filles » y compris ceux proposés par le conseil de surveillance de l’EPIC « mère ».

Au-delà de la nomination par l’Etat du président du gestionnaire d’infrastructure, l’accès transparent et non discriminatoire au réseau des entreprises ferroviaires et le fonctionnement impartial du gestionnaire du réseau seront en particulier garantis par un renforcement des prérogatives de l’ARAF.

Conformément à la recommandation de Jean-Louis Bianco, un Haut-comité des parties prenantes sera créé, constitué des tous les acteurs du ferroviaire. Lieu de débat sur le fonctionnement et les évolutions du système, il sera notamment chargé d'approuver un nouveau "code du réseau".

La pérennité économique du secteur passera par l’instauration d’une règle de rétablissement des équilibres dont le principe sera fixé par le législateur, et dont les modalités seront mises en œuvre par un contrat de performance entre l’Etat et le gestionnaire d’infrastructure, dont l'exécution sera contrôlée par une ARAF rénovée, ainsi qu'entre l'Etat et l'exploitant. Le rétablissement effectif des équilibres économiques nécessitera une amélioration forte de la performance de l’ensemble du groupe, une optimisation de l’offre ferroviaire et une efficacité accrue de l'organisation du travail. L’ensemble des parties prenantes du système ferroviaire, y compris l’Etat, sera appelé à contribuer à ce redressement qui est nécessaire à la pérennisation du nouveau modèle ferroviaire français.

Ces orientations refonderont notre modèle qui sera défendu par la France dans le cadre de la négociation relative au quatrième paquet ferroviaire européen.

3/ Une réforme qui nécessitera une refondation du pacte social et l’adhésion des salariés.

La réussite de ce projet passe par l’adhésion des personnels et leur implication dans la création du groupe public, qui consolide l’unité sociale du système ferroviaire.

Comme le Gouvernement s’y était engagé, le statut des agents de la SNCF sera préservé.

Un cadre social commun à l’ensemble des entreprises ferroviaires est à bâtir. Il s’agit de donner aux salariés et aux entreprises ferroviaires la possibilité de construire ensemble l’organisation et les conditions de travail qui permettront de répondre aux enjeux de sécurité et de qualité de service, de garantir l’absence de concurrence déloyale et d’accroitre la performance économique du système.

Ce cadre social devra tout d’abord s’appuyer sur un « décret-socle » posant les principales règles communes au secteur ferroviaire au regard du respect des exigences de sécurité et de continuité du service public. Ce décret fera l’objet d’une concertation avec les partenaires sociaux.

Le cadre social commun reposera de plus sur la négociation d’une convention collective nationale qui aura vocation à s’appliquer à l’ensemble des entreprises de la branche ferroviaire (EPIC du groupe public et autres opérateurs ferroviaires). Cette convention pourra être complétée par des accords d’entreprises.

Pour préparer la négociation de la convention collective puis l’accompagner dans le cadre d’une commission mixte paritaire, un représentant des pouvoirs publics sera missionné conjointement par le ministre chargé du travail et le ministre chargé des transports dans les prochaines semaines. Cette négociation pourra s’engager à l’issue de la présentation du projet de loi en conseil des ministres.