La tarification plus flexible que jamais

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Dans ce nouvel article du réseau Veille en Tourisme, l'auteure (Amélie Racine) évoque un sujet sensible : la perception du prix. Certes, son analyse se veut générique et ne se limite pas au seul voyage d'affaires, mais c'est la réflexion autour des consommateurs qui retiendra l'attention.

La valeur d’un service, d’un produit ou d’une expérience varie d’un individu à l’autre selon sa perception. Plus que jamais, on doit ajuster les tarifs en fonction d’une multitude d’éléments. Pour s’adapter, certaines entreprises choisissent de miser sur la flexibilité de leurs tarifs.

Le consommateur a toujours été concerné par le prix qu’il doit payer pour obtenir ce qu’il désire. Sa perception des tarifs est complexe, car elle peut changer selon l’heure de la journée, l’endroit où il se trouve, son attitude, son humeur, etc. L’usage des technologies et l’avènement de nouveaux modèles d’affaires ont également modifié le rapport à la dépense des gens toujours plus branchés. Ayant plus que jamais accès à l’information, le consommateur d’aujourd’hui compare les prix de plusieurs sources instantanément, a accès à des promotions sur des sites d’achats groupés et voit apparaître des offres géolocalisées sur son appareil mobile, en temps réel. En plus de ces nouveaux processus d’achat, plusieurs entreprises usent de créativité pour revoir la façon de tarifer leur produit ou leur service. TrendWatching, une firme qui décèle et observe les grandes tendances de consommation à travers le monde, a décortiqué celle concernant la tarification. Voici quelques comportements que l’on observe, ici et ailleurs, ainsi que des exemples de stratégies mises en place par des entreprises touristiques de différents secteurs.

Les rabais dynamiques (Dynamic deals)

Les promotions offertes par les entreprises fluctuent régulièrement, sont de plus en plus ciblées et s’avèrent parfois liées à un événement spécifique. Il faut donc comprendre ce qui motive les consommateurs à acheter des produits ou services et utiliser cette connaissance pour stimuler l’achat lors d’une période creuse.
En 2013, le gouvernement espagnol a augmenté les taxes sur les billets de théâtre, passant de 8% à 21%, un bouleversement qui a fait perdre une part importante de la clientèle à l’industrie. À la suite de cette augmentation, la compagnie de théâtre humoristique indépendante Teatre Neu a décidé d’utiliser l’humour pour faire face à la situation en instaurant le système de tarification Pay Per Laugh.

Aucun tarif n’est exigé à l’entrée, mais on demande 0,30 euro pour chaque rire exprimé au cours de la représentation. Pour comptabiliser le nombre de rires, l’entreprise a fait installer un système de reconnaissance facial sur chaque siège qui détecte les sourires des spectateurs. Un maximum de 80 rires peut être facturé, soit l’équivalent de 24 euros. Pour la compagnie de théâtre, le prix du billet a connu une augmentation de 6 euros comparativement au prix courant.

L’originalité du concept lui a valu une couverture médiatique importante, une publicité qui a fait croître de 35% le nombre de spectateurs. Chaque comédie produite avec le système de tarification Pay Per Laugh a rapporté 2800 euros de plus en billets vendus qu’auparavant. Aujourd’hui, d’autres compagnies de théâtre espagnoles ont copié le modèle de tarification de Teatre Neu.

Remettre sur le marché (Recommerce)

Certains individus se définissent comme étant épargnants, écoresponsables et soucieux de leur consommation. Par principe ou pour se déculpabiliser d’acheter de nouveaux produits, ils offrent une seconde vie aux biens qu’ils n’utilisent plus en les revendant, en les échangeant ou en les donnant.
La compagnie aérienne Transavia a tiré profit de cette tendance pour mettre de l’avant la campagne «Bye-bye». L’idée est d’inciter les consommateurs à vendre des objets qu’ils n’utilisent plus afin de s’acheter un billet d’avion et de partir en voyage. En collaboration avec eBay, un «convertisseur objets-vol» a été créé et suggère aux internautes de vendre une variété d’objets pour obtenir un billet à un prix équivalent.

L’amour des gratuités (Free love)

Les consommateurs s’habituent et prennent goût à la gratuité. Les entreprises doivent alors être prêtes à donner pour démontrer leur générosité, tout en veillant à ne pas déprécier la valeur de leur produit ou service.
En décembre 2013, l’auteur américain Alexander Chee a affirmé lors d’une entrevue que l’endroit où il préfère écrire est à bord d’un train. Il a enchéri son propos en disant qu’il aimerait qu’Amtrak accueille des écrivains en résidence. À ce moment, le mot-clic #Amtrak Residency a été créé et sa popularité a capté l’attention de la compagnie Amtrak.
Le projet a rapidement pris forme. En mars 2014, lorsque l’annonce officielle a été faite, le mot-clic a été cité plus de 30 000 fois sur Twitter. En septembre 2014, la première cohorte de 24 écrivains, sélectionnée parmi plus de 16 000 candidatures, s’est lancée dans cette aventure. Au cours de l’année 2014-2015, les 24 résidents sillonneront les États-Unis à bord d’un train sur un itinéraire prédéterminé, durant deux à cinq jours, afin de réaliser leur projet d’écriture personnel. La société Amtrak ne demande rien en retour à ses acolytes. Toutefois, grâce à l’originalité de la campagne, elle profite d’une couverture médiatique à travers tout le pays ainsi que dans les médias numériques et imprimés.

L’épargnant rusé (Dealer-chic)

Le consommateur qui chasse les meilleures aubaines et qui obtient des récompenses exclusives n’est plus perçu comme étant avare, mais plutôt futé. Chaque dollar épargné se traduit par une occasion de dépenser de nouveau. Les technologies sont utilisées pour dénicher de bonnes offres, mais également pour les partager avec d’autres personnes sur les médias sociaux.
 La jeune entreprise (start-up) Hotelied est une plateforme Web qui permet aux voyageurs d’obtenir un rabais sur une chambre d’hôtel en fonction de leur popularité sur les médias sociaux. Pour acquérir une réduction, l’internaute doit fournir des informations sur ses comptes Facebook, Twitter, Google+, LinkeIn et Instagram. Ainsi, une offre lui sera faite selon son niveau de réputation.
D’autres stratégies de tarification peuvent être utilisées. Par exemple, en s’inspirant de la tendance «Récompense inc. (Rewardinc.)», de nombreuses compagnies cherchent à gagner l’attention des consommateurs pour interagir et entrer en relation avec eux sur les médias sociaux. Pour gagner le cœur du public, certaines utiliseront des récompenses pour se rendre plus attrayantes.
Peu importe la stratégie employée, les entreprises doivent tout de même faire attention de ne pas irriter leur clientèle habituelle. Quelle approche pourriez-vous utiliser pour démontrer à cette précieuse clientèle fidèle à quel point vous la considérez?
A propos de l'auteure

Qui mieux qu'Amélie pour parler d'elle :
"Quelques années après avoir complété mon baccalauréat en gestion du tourisme, j’ai collaboré avec le Réseau de veille en tourisme dans le cadre du programme Jeunes professionnels à l’international 2005-2006. J’ai alors eu la chance d’effectuer une étude sur le cyclotourisme en Suisse, en Allemagne et aux Pays-Bas.

Mon parcours professionnel atypique m’a permis d’explorer plusieurs secteurs de l’industrie du tourisme. À titre d’analyste, c’est maintenant un privilège de satisfaire ma curiosité au moyen de la veille. Je suis fascinée par l’apport des technologies dans le domaine du tourisme et sensible à la nécessité d’orienter nos actions vers des modèles durables. Je suis aussi impressionnée par la créativité qui permet aux dirigeants d’ici et d’ailleurs de se démarquer et de continuer d’innover dans leur pratique et leur gestion".

«Le voyage à pied est une ouverture au monde qui invite à l’humilité et à la saisie avide de l’instant.» Philippe Montillier