La tyrannie du « bonne année »

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Voilà, c'est parti. Pendant les 30 jours du mois de janvier, pas une communication téléphonique, pas une rencontre professionnelle, pas le moindre rendez-vous ne commencera sans cette traditionnelle formule: «Avec tous mes vœux de bonne année pour 2015». Une sorte de passe-partout indispensable, politiquement correct, mais dont la finalité tient plus de la politesse que de la sincérité.

N'allez pas croire un court instant que je sois opposé à toute envie de souhaiter une bonne année à des gens que j'aime. Bien au contraire, c'est un véritable plaisir. À ceux que je connais moins, si leurs possibles soucis en 2015 me touchent, je reconnais que je suis comme tous les êtres humains, persuadé que le malheur n'arrive qu'aux autres. Bref, je fais comme bien d'autres, je me soumets à la dictature du «Bonne année», pour éviter de passer pour un goujat, un malpoli, un orgueilleux, un caractériel… Que sais-je ! Oh j’entends ce que vous vous dites : «Le bal des faux derches est ouvert ». Et pourtant.

Que veut dire cette expression toute faite, «Bonne année» ? A priori, si j'en crois les explications données par les codes du savoir-vivre, elle signifie que globalement, nous nous souhaitons de voir se dérouler l'année pour le mieux dans le meilleur des mondes. Au-delà, professionnellement, elle peut signifier que nous allons faire ensemble de bonnes affaires, développer de jolis projets et mettre en œuvre des technologies de plus en plus attractives. Mais peut-on réellement parler de bonne année dans le voyage d'affaires lorsqu'une grande partie des déplacements débute à l'aube et se termine au plus profond de la nuit? Peut-on toujours évoquer une bonne année lorsque l'on traverse désormais le monde en classe éco en moins de trois jours (c'est la moyenne française) et que les budgets de plus en plus restreints conduisent à faire des choix hôteliers peu adaptés aux déplacements professionnels?

Que veut dire « bonne année » pour un acheteur ? On pourrait imaginer un court instant qu'il pourrait s'attendre à voir ses budgets augmenter, au mieux se stabiliser. La longue liste des vœux qu’il (ou elle) peut formuler dans ce domaine ne tiendrait pas sur une seule page tant les besoins sont différents, les exigences inadaptées à la culture de l'entreprise et les salariés dans l'attente profonde d'un changement en termes de qualité dans leurs déplacements professionnels.

Dans cette liste des vœux pour 2015, le premier constat n'est guère favorable à cette fameuse «bonne année ». À sa façon, Guillaume Pépy - dont les vœux qu'il formule au nom de la SNCF se propagent comme une photo de Rihanna nue sur le net - a mis en œuvre la meilleure illustration de cette fausse idée du "bonne année" : le coup de Jarnac. Et oui, le président de la SNCF a souhaité 365 jours sans nuage aux régions... en les prenant de vitesse pour éviter qu'elles ne limitent les hausses des tarifs du train dans leurs territoires respectifs. "Bonne année" les élus, la SNCF ne vous a pas entendu. "Bonne année" les clients, si vous prenez le TGV vous payerez encore plus cher en 2015. Pire, la vidéo des vœux de la filiale voyages-sncf.com frise le ringard pour ne pas dire le raté pur.

Dans l’aérien, la situation s’améliore. Il reste à souhaiter que le "coup" de la surcharge carburant aura vécu et que désormais toute hausse sera purement et simplement une augmentation des tarifs. Inutile alors de la cacher sous des appellations fallacieuses. Bonne année Air France, et surtout sans grève qui vienne à nouveau pulvériser les résultats économiques encourageants. Bonne année les low-cost, pour qui la féroce bataille qui s’annonce ne sera pas forcément facile à gagner.

Bref, bonne année à vous tous, lectrices et lecteurs, qui faites que chaque jour DéplacementsPros se développe dans l’univers du voyage d’affaires. Et si vous ne croyez pas à la sincérité de mes voeux, le plus bel exemple que je puisse vous donner se résume en un mot : la fidélité. La preuve, nous sommes avec vous tous les jours.

Marcel Lévy