Le 747, le plus bel avion commercial au monde

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Chacun peut avoir son avis, mais pour moi, le plus bel avion commercial jamais construit est et restera encore longtemps le Boeing 747. En fait, cet appareil représente beaucoup plus qu’un moyen de transport, c’est le symbole des années de prospérité, à une époque où tout semblait possible. Bref, tout le contraire de ce que nous connaissons maintenant.

Il fallait en effet avoir une dose d’optimisme bien ancrée pour que deux visionnaires : Bill Allen le Président de Pan Am et Juan Trippe son homologue de Boeing décident la construction de cet appareil en 1965. A cette époque, le transport aérien n’avait que très peu de rapport avec celui d’aujourd’hui. Cela restait un produit de luxe et seuls 300 millions de passagers pouvaient en profiter contre près de 4 milliards en 2016. L’appareil drapeau était le Boeing 707 dont la capacité ne dépassait pas 150 passagers et il n’était en service que depuis 8 ans.
 
Pour construire le B 747, il a fallu tout inventer et prendre des risques considérables. Boeing a d’ailleurs failli laisser sa peau dans l’aventure. Les difficultés sans nombre se sont accumulées, depuis les moteurs tout nouveaux et peu fiables jusqu’à la voilure qui donnait des signes de faiblesse. Et les aéroports n’étaient pas adaptés à traiter près de 400 passagers, soit près de 3 fois la capacité de l’appareil le plus important.
 
Et puis, cet avion qui aurait pu paraître lourdaud était finalement d’une formidable élégance. Jusqu’à son cockpit qu'il a fallu loger au-dessus du fuselage uniquement afin de pouvoir emporter du fret en conteneurs, car un peu effrayés par leur audace, les concepteurs, qui avaient peur de ne pas pouvoir le remplir avec des passagers, ont par conséquent cherché à limiter les risques en transportant du cargo.
 
Je me souviens très bien de la première fois où un appareil de la Pan Am s’est posé à Orly en mars 1970. J’étais à l’époque tout jeune employé d’Air Inter et la responsable des relations publiques de la compagnie, Monique Britsch, invitée à cet évènement, en était revenue toute éblouie et pour nous faire imaginer la taille de cet avion, elle nous avait dit : "Une Caravelle  passe sous l’aile". Et c’était vrai.
 
Alors a commencé une décennie de frénésie pour le transport aérien. Oh certes, tout n’a pas été rose et on se souvient encore de la crise pétrolière consécutive à la guerre Israélo-Arabe de 1973. Mais cela n’a finalement pas empêché la démocratisation du transport aérien rendue possible par la mise en service des gros porteurs, d’abord le Boeing 747 suivi par le DC10 et le Lookheed Tristar de taille plus modeste mais qui ont eu également une belle carrière.
 
C’était l’âge d’or de Pan Am, compagnie mythique s’il en fut. N’oublions pas que tous les standards du transport aérien à la notable exception du « yield management », ont été créés par cette compagnie. Tous ceux qui ont eu la chance de voler avec elle ne peuvent qu’être nostalgiques de ne plus voir la mappemonde bleue dans les aéroports. C’était le moment où le transport aérien devenait accessible mais où le client était encore roi. Ce temps a hélas disparu et les compagnies aériennes ont avec grande constance dégradé leur service pour réaliser sur le dos des clients les économies qu’elles n’arrivaient pas à faire à l’intérieur d’elles-mêmes.
 
Le transport aérien est devenu un produit de masse. D’ici 10 ans, il transportera plus de passagers qu’il n’y a d’habitants sur la terre. C’est sans doute une bonne chose car plus les gens se connaitront, moins ils auront envie de se faire la guerre… enfin, espérons. Les progrès de cette industrie ont été constants. Les conditions de sécurité se sont sans cesse améliorées à tel point qu’il n’y a pratiquement plus de défaillances techniques. De nouveaux appareils ont vu le jour, plus performants, voire même plus gros. Il est d’ailleurs curieux de constater le scepticisme qui s’attache encore à l'A 380. Rappelons qu’il a fallu à Boeing 10 ans, depuis sa mise en service, pour vendre 500 exemplaires du B 747. Et encore, plusieurs versions ont été nécessaires.
 
Il faudra transporter près de 4 milliards de passagers supplémentaires au trafic actuel d’ici à 12 ans. Comment faire, devant la pénurie des aéroports sans des appareils de très grande capacité ? La crainte des promoteurs lors du lancement du B 747 était que la vitesse soit l’élément dominant du transport aérien. Il n’en a rien été. Le développement s’est fait sur le prix. Et il n’y a pas de raison pour que cela change.
 
Le 14 janvier dernier, Air France a pour la dernière fois mis en l’air non pas un mais deux B 747, tant la demande était forte, pour des vols d’adieux. Une très belle vidéo a été faite le 27 janvier à l’occasion d’une rencontre en vol entre le B 747 d’Air France et la Patrouille de France. Nostalgie !
 
Jean-Louis BAROUX