Le FMI prend le passager du transport aérien pour une vache à lait

107

Nous avons évoqué ici, de nombreuses fois, le bras de fer en cours entre l'Europe, l'Asie et les Etats-Unis à propos du CO2. L'Europe va instituer l'année prochaine une taxe carbone à laquelle s'opposent les constructeurs et les compagnies aériennes qui vont devoir passer à la caisse. Le FMI et la Banque Mondiale pourraient mettre tout le monde d'accord: les deux institutions proposent de taxer les émissions de CO2 et les carburants du transport maritime et aérien.

Trouver des financements pour la lutte contre le changement climatique, telle était l'idée soulevée par les ministres des Finances du G20 qui ont lancé un rapport sur la question. La réponse vient d'arriver: le FMI et la Banque Mondiale proposent comme "solution prometteuse" de taxer les émissions de CO2, soit par une taxe carbone, soit par la mise en place d'enchères de droits à polluer. Les deux institutions vont au delà du transport aérien puisqu'elles proposent également de taxer le transport maritime. C'est, autrement dit, la solution choisie par l'Europe pour inciter les compagnies à réduire leurs émissions qui est suggérée.
On pourra toujours dire aux auteurs que les compagnies, maritimes et aériennes, font déjà des efforts sur la consommation et la pollution, pour la simple et bonne raison que c'est leur intérêt, économique. Si la taxation était mise en place, à 25 dollars la tonne de CO2, le FMI calcule que cela pourrait "permettre de lever environ 250 milliards de dollars en 2020" tout en réduisant d'une dizaine de pour cent les émissions de CO2 par rapport à celles prévues aujourd'hui. Les auteurs considèrent que cela coûterait aux pays concernés "moins de 0,1% du PIB en moyenne".
Indolore ? Peut être. Mais si la planète mérite des efforts, a t-on la certitude de l'utilisation des fonds ? Et un codicille attire l'attention: le rapport propose de créer cette taxe dans les pays dits de "l'Annexe II des accords de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques", soit les pays occidentaux, l'Union européenne, le Japon et la Corée du Sud, et l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Autrement dit les Américains ou les Chinois, ceux là même qui refusent de limiter la pollution et protestent contre la taxe européenne, en seraient dispensés. Et pour cause, ils n'ont pas signé les accords ! N'y aurait il pas distorsion de concurrence ?
Mais surtout, instaurer cette taxe au moment même où chacun souligne la faiblesse de la croissance, est-ce vraiment une bonne idée ? Les compagnies membres de Iata ont fait cette année de vrais bénéfices, mais après deux années de vaches maigres et en s'inquiétant déjà de l'année prochaine. Et au fait, qui paierait finalement cette taxe si ce n'est, une fois de plus, le passager ?

Annie Fave