Le Ministère de l’environnement, l’effet de serre et la bataille «mondiale» qui s’engage

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Contestée, menacée, attaquée en justice, Bruxelles n'en démord pas: son dispositif de dissuasion contre la production de gaz à effets de serre intègre depuis le 1er janvier les compagnies aériennes, point barre. Avant même de détailler les explications «politiques» de la décision européenne, il est nécessaire de dire que ce sont les voyageurs qui paieront, directement et indirectement, les prochaines taxes CO2. Un surcoût de plus qui viendra s’ajouter à la taxe Unitaid mise en place à initiative de Jacques Chirac et toutes les autres liées à la sécurité et la gestion aéroportuaire. Entre 320 et 420 € pour les vols longs courriers !

Face à l' augmentation constante du trafic aérien et à son impact sur le climat, en l'absence de prise en compte des émissions de gaz à effet de serre de ce secteur par le Protocole de Kyoto, l'Union européenne a donc décidé de sensibiliser les transporteurs sur ce sujet : depuis le 1er janvier, toutes les compagnies aériennes desservant les pays de l'Union, y compris les étrangères, doivent désormais acheter l'équivalent de 15% de leurs émissions de CO2 pour lutter contre le réchauffement climatique. Pour illustrer son propos, le Ministère français du développement durable précise que « faire un aller-retour en avion de de Londres à New York génère à peu près le même niveau d'émissions qu'une personne pour chauffer sa maison pendant un an ». C'est en 2003 que l'Union européenne a décidé d'instituer un système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre comme élément central de la politique européenne en matière de lutte contre le changement climatique. À l'origine, le système d'échange de quotas d'émission de l'Union ne couvrait pas les émissions de gaz à effet de serre imputables au transport aérien. C'est une directive de 2008 (2008/101) qui a prévu leur intégration au système. Ce système de quotas obligera toutes les compagnies aériennes entrant ou sortant du territoire de l'Union à racheter l'équivalent de 15% de leurs émissions de CO2 (moyennées sur la période 2004-2006), ce qui représenterait 380 millions d'euros en 2012 et un peu plus par la suite. Un surcoût minime qui commence à être refacturé sur les billets d'avion ( 2 à 14 Euros à terme par billet ) . Les émissions «historiques» des vols au départ ou à destination d'aéroports européens - moyenne des émissions des années 2004 à 2006 - totalisent 219 476 343 tonnes de CO2. Cette mesure devrait faire faire éviter d'ici 2020 au secteur aérien l'émission de 183 millions de tonnes de CO2, soit une inflexion de 46 % par rapport au scénario d'émissions habituel.
Il reste que nos compétiteurs aériens, asiatiques, américains ou Australiens ne voient pas cette taxe d’un bon œil. Pékin menace les compagnies européennes de mesures de rétorsions dont la plus probable serait une taxe d’un montant équivalent à celle payée par les compagnies chinoises. Les fonds ainsi récupérés seraient reversés à ces mêmes compagnies. Côté américain, les menaces semblent s'être arrêtées en même temps que les actions en justice, qui se sont révélées vaines. Mais le plus surprenant dans l'histoire reste bien le passage en force de l'Europe dans cette affaire. Diplomatiquement, elle n'en sort pas grandie alors que, logiquement, la préoccupation environnementale aurait pu être une démonstration en la matière. La planète, de fait, est partagée par tous. Mais manifestement, pas les convictions.

Hélène Retout