Le bilan de Giovanni

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Giovanni Bisignani va début juin, lors de l’assemblée générale de IATA à Singapour, quitter le poste de Directeur Général de IATA qu’il aura occupé pendant 10 ans. C’est peut-être le bon moment pour tirer le bilan de son action, il le fait d’ailleurs complaisamment lui-même dans la presse professionnelle.

Notons d’abord que sa présence et son comportement personnel auront été très différents de ceux de son prédécesseur Pierre Jeanniot. Autant ce dernier était diplomate et d’un abord agréable y compris pour son personnel, autant Giovanni Bisignani a eu une présence beaucoup plus abrupte pour ne pas dire cassante. Cette différence, notée par tous les acteurs qu’ils ont côtoyé est sans doute explicable par la taille respective des personnes en question. Cela ne met d’ailleurs pas en cause leur action.
Celle de Giovanni Bisignani s’est déroulée dans une période de crises à répétition dans le transport aérien, ou tout au moins par l’incapacité de ce secteur d’activité à régler convenablement ses affaires économiques. Certes le prix du pétrole a été pendant les 10 dernières années très fluctuant, certes, des conflits internationaux ont fortement perturbé certaines zones, certes l’arrivée des « low costs » a changé les rapports entre les clients et cette activité. Mais enfin est-ce que ces facteurs externes expliquent que pendant les 10 ans de gouvernement Bisignani, le transport aérien ait perdu plus de 50 milliards de dollars ! Le directeur général de IATA se défend de toute implication dans ce résultat désastreux en faisant remarquer que son action a permis au transport aérien d’économiser 58 milliards de dollars. Autrement dit, sans l’apport de IATA, le résultats aurait deux fois plus désastreux.
Bien sûr pendant cette période le secteur s’est considérablement transformé sous l’effet des nouveautés technologiques et la venue d’appareils long- courriers de la dernière génération. Le principal impact positif est sans doute dû à la mise en place et à la généralisation de la billetterie électronique dans le cadre du programme « Simplifying the Business ». Mais celui-ci avait lancé du temps de Pierre Jeanniot et il est regrettable que son véritable promoteur Tom Murphy n’ait pas été reconnu comme il aurait dû l’être. Tout n’a pourtant pas été rose dans cette transformation qui a été faite essentiellement pour le profit des grands transporteurs lesquels sont moins de 20, alors que les autres, c’est-à-dire plus de 800, ont eu de la peine à suivre le mouvement. A tel point que les 2/3 des accords « interline » alors existants sont tout simplement passés à la trappe isolant durablement nombre de petites compagnies.
Il convient également de porter au crédit de Giovanni Bisignani la mise en place et la généralisation du programme IOSA dont l’effet sur la sécurité et la fiabilité du transport aérien a été certain et encore pour de longues années.
Pour le reste l’action du Directeur Général a consisté à diminuer les coûts de gestion de IATA en faisant partir, par des moyens souvent particulièrement brutaux, nombre de collaborateurs. Cela n’a pas été sans conséquences. Certes le fonctionnement de IATA est devenu plus léger mais il est peut-être devenu trop léger. Un savoir-faire important a disparu, en particulier pour ce qui concerne la gestion du BSP à tel point que de graves dysfonctionnements ont été constatés dans certains pays et en particulier en Thaïlande. Gérer près de 300 milliards de dollars n’est pas une mince affaire surtout si l’on veut maintenir un taux d’impayés inférieur à 0,03%.
Giovanni Bisignani a du talent. On n’arrive d’ailleurs pas à cette position sans en avoir. Il l’a beaucoup utilisé pour communiquer en particulier auprès des autorités gouvernementales, avec une certaine réussite, il faut le reconnaître. Mais il a échoué à convaincre les compagnies aériennes qu’elles auraient beaucoup plus à gagner à s’occuper de leurs clients que de conquérir des parts de marché les unes sur les autres comme des crocodiles dans un marigot et ce à coups de rabais sur les prix et de diminution de leur qualité de service. Ceci est la cause première du déficit d’un secteur d’activité qui est portant en croissance en moyenne de 5% par an, c’est-à-dire qu’il double tous les 10 ans.
Reste à souhaiter la bienvenue à son successeur Tony Tyler dont la carrière s’est entièrement déroulée à l’intérieur du Swire Group lequel possède entre autres Cathay Pacific dont il était jusque-là le CEO.

Bonne chance à lui et bonne chance au transport aérien.

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