Le modèle HOP!

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J’avoue bien volontiers que je ne croyais pas au succès de cet ensemble si disparate que peut sembler Hop!. Il est en effet constitué de bric et de broc en assemblant des compagnies régionales toutes plus ou moins dépendantes d’Air France mais qui avaient chacune leurs spécificités.

Au fond, pour exercer le même métier - desservir des liaisons régionales à faible trafic - chacun des transporteurs avait apporté une réponse différente. Régional opérait des Embraer brésiliens alors que Britair avait choisi des Bombardiers canadiens et qu’Airlinair se concentrait sur des ATR européens. Rajoutez que la gestion des salariés n’était pas homogène et que les avantages des uns était différents des avantages des autres. Le résultat était désastreux puisque, selon certaines estimations, le transport régional du groupe Air France perdait aux alentours de 100 millions d’euros, en incluant CityJet, il faut le dire.

Bref, je ne voyais pas comment, en chapeautant cet ensemble par une quatrième société, cela pourrait résoudre le seul vrai problème : comment perdre moins et si possible gagner de l’argent. La sagesse a été alors de confier ce mouton à 5 pattes à Lionel Guérin. Je ne suis probablement pas très objectif car nous nous connaissons depuis de nombreuses années mais j’ai tout de même gardé assez de distance pour exercer mon sens critique.

Notons tout d’abord que ce choix était loin d’être illégitime. Lionel Guérin a créé et géré pendant plus de 10 ans Airlinair sans perdre d’argent et cela n’a pas été facile. De plus il a une formation de pilote, commandant de bord Airbus 320 et instructeur. Autant dire qu’il a une certaine crédibilité lorsqu’il parle aux représentants du personnel navigant. Enfin il a pris goût à la discussion avec les élus, députés ou sénateurs si importants dans leurs fiefs respectifs. Or ces derniers ont pendant des années été peu considérés par la direction de la compagnie nationale. Donc le casting était le meilleur. Encore fallait-il s’appuyer sur une stratégie ferme et cohérente.

Il aurait certes été plus simple de réunir dans une seule entreprise les 3 exploitants du groupe HOP!. Mais cela aurait inévitablement entrainé des conflits sociaux durs à une époque où ils auraient été particulièrement mal venus. En effet pour les éviter, il aurait fallu harmoniser les avantages sociaux par le haut, ce qui aurait immanquablement conduit à une dérive des coûts qui étaient justement à éviter. Alors on a construit cet ensemble baroque, car il était impossible de faire autrement.

Mais de cet inconvénient, Lionel Guérin a tiré un avantage : la souplesse. D’abord il a concentré le commercial sur une seule marque et société mère : HOP!. Cette dernière achète à ses filiales une production d’heures de vol. On voit bien alors l’avantage que l’on peut tirer de cette situation. Si les coûts de production d’une compagnie sont trop élevés, le groupe achètera moins d’heures de vol, ce qui entrainera une diminution des appareils à opérer et des pilotes en moins. Il est donc vertueux et intéressant pour les compagnies exploitantes de faire baisser leurs coûts en rationalisant leur production. Les arbitrages de programme ne se font plus dans les exploitants mais au niveau de HOP!. D’ores été déjà les résultats sont tangibles et une partie importante de la flotte est en voie d’être supprimée.

Conscient que les filiales ne devaient pas se battre entre elles, mais partager une stratégie commune, Lionel Guérin a confié à chacun des responsables de chaque compagnie des responsabilités globales : l’un étant chargé de la flotte, l’autre des escales et le troisième de la distribution. Nul doute que cela créé une vraie cohésion. Enfin le prix d’achat de l’assistance en escale, sous-traitée à Air France, est maintenant négocié au prix du marché. En clair, entre 2 et 3 fois moins cher que ce qui était pratiqué auparavant. Cela ne fait pas forcément les affaires de la compagnie nationale, mais finalement, à chacun ses responsabilités.

Tout n’est pas forcément gagné. L’exploitation n’est pas encore exempte de tout reproche. Les résultats ne sont pas encore à l’équilibre, celui-ci est prévu pour 2015. Mais une nouvelle dynamique est enclenchée.

Petite question en forme de suggestion : puisque cette organisation flexible donne satisfaction, ne faudrait-il pas créer Air France Express destinée à traiter le trafic domestique indépendant du « hub » et confier le tout à HOP ?

Allez, bonne chance et tous mes vœux de plein succès pour 2014.

Jean-Louis BAROUX