Le nouveau Charles de Gaulle, c’est pour quand?

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Mr Augustin de Romanet de Beaune a présenté les résultats d’Aéroports de Paris pour l’exercice 2013. Et ils sont bons, voire même très bons. Avec un profit net de 305 millions d’€ pour un chiffre d’affaires de 2 754 millions d’€, cela représente un ratio de rentabilité de plus de 11%. Je connais beaucoup d’entreprises très heureuses d’afficher un tel résultat et je ne parle pas des compagnies aériennes dont la meilleure, Emirates, doit se contenter - si l’on peut dire - de 8%, ce qui n’est déjà pas si mal. D’où vient alors qu’on ressente un léger malaise ?

D’abord le bénéfice est en baisse de 10% par rapport à l’année dernière qui avait terminée à 339 millions d’€. Mais ce n’est pas le plus important. Dans une grande entreprise comme ADP, le résultat peut varier d’une année à l’autre sans qu’il y ait matière à s’alerter. Non, l’interrogation vient de l’évolution de la plateforme aéroportuaire principale, je veux parler de Charles de Gaulle.

Sur ce gigantesque aéroport, le trafic n’a augmenté que de 0,7% alors que l’évolution mondiale du transport aérien a été largement supérieure à 5%. Bonne nouvelle pour les riverains car le nombre de mouvements a diminué de 2,8%. Cette régression ajoutée à la diminution constante du bruit des avions devrait conduire à une relation apaisée entre les populations et l’aéroport.

Il faut se rendre à l’évidence, les aéroports parisiens subissent une certaine désaffection de la part des opérateurs internationaux et ils ne sont hélas pas soutenus par la compagnie nationale dont la politique vise plutôt à l’attrition qu’à l’expansion.

Si l’on y prend garde, petit à petit Charles de Gaulle et Orly seront exclus des plans de développement des compagnies aériennes. Et il y a quelques bonnes raisons à cela. D’abord l’évolution des redevances aéronautiques se maintient à un niveau élevé ce qui n’est pas très incitatif alors que tous les transporteurs cherchent à baisser leurs charges d’exploitation. Mais surtout, il n’y a pas vraiment de « value for money » pour les passagers. Bien que des efforts importants aient été faits dans le traitement des clients en particulier à Charles de Gaulle, le niveau de prestation reste encore en dessous de ce qui devient le standard mondial, tiré par les aéroports asiatiques, ceux du Golfe et même les plateformes espagnoles.

Et puis, il y a le problème récurrent de l’accès aux aéroports que ce soit Orly ou Charles de Gaulle. Comment peut-on admettre qu’en 2014, aucune liaison directe en site propre ne puisse être disponible entre le centre de Paris et ses portes d’accès internationales principales ? Il faut appeler les choses par leur nom. Ce niveau de service est tout simplement indigne d’une grande capitale. Il pèse sans doute lourd dans les décisions des clients potentiels de ne pas revenir à Paris après avoir essayé le trajet en RER depuis Charles de Gaulle. Ne parlons pas d’Orly, car la liaison n’existe tout simplement pas. On évoque certes une fois encore le fameux Charles de Gaulle Express. Mais on en parle déjà depuis 10 ans et chaque fois le devis augmente d’au moins 50%. Quand va-t-on se décider à le mettre en chantier ?

Et puis il faudra bien se résoudre à créer enfin un beau et grand terminal à Charles de Gaulle. Augustin de Romanet a évoqué la construction d’un Terminal 4. Il faut voir grand, très grand. A la mesure de ce qui se fait à Dubaï, à Istanbul, à Bangkok ou même de ce qui a été réalisé à Barcelone et à Madrid, plus près de nous. Roissy dispose de tout l’espace nécessaire, donc pas besoin d’expropriations et par conséquent, un temps précieux peut être gagné. Sauf que la construction d’un terminal dimensionné pour au moins 70 millions de passagers, cela prend du temps. C’est pourtant bien ce qu’il faudra faire si la France ne veut pas perdre sa position dans le transport aérien. Sur la base de la croissance moyenne de 5% par an, le trafic double tous les 12 ans. Or, Charles de Gaulle est actuellement aux alentours de 65 millions de passagers. Il faut donc penser en accueillir le double c’est-à-dire 130 millions à l’échéance 2025 – 2030. Ou alors, il faudra se résoudre à perdre inéluctablement des positions dont pourtant nous avons été si fiers par le passé.

Les urgences sont là. Les Pouvoirs Publics, comme on dit, doivent prendre les nécessaires décisions. On ne peut plus attendre une énième commission de consultation.

Jean-Louis BAROUX