Le nouveau modèle du transport aérien court-courrier

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Il a mis du temps à se dessiner, mais maintenant tout s’éclaircit. Le court/moyen-courrier s’achemine vers un produit hybride : du low-cost mais distribué par les systèmes, tandis que le long-courrier sera séparé en deux catégories très marquées : le low-cost très dépouillé et le transport de haut de gamme.

Depuis quelque temps, le court/moyen-courrier donnait des signes de rapprochement entre les transporteurs traditionnels et les compagnies à bas coûts qui ont d’ailleurs imposé leur modèle tarifaire. C’est ainsi que tous les transporteurs ont adopté le même style de tarification basé sur le yield management, concept appliqué avant les low-costs et depuis très longtemps par les « legacys » et les prix en aller-simple, imposés, eux, par les nouveaux entrants. Ainsi, tout le monde utilise les mêmes principes tarifaires.

Il reste à rapprocher les produits. Il n’est pas facile pour un transporteur traditionnel de considérer que son produit n’est plus adapté au marché alors qu’il existe depuis la création du transport aérien. Je veux parler des prestations à bord. La principale différence entre les deux modèles consiste essentiellement dans le service. Les low-costs ont tout de suite adopté un principe simple : on vend du transport, pas de la restauration, mais si les clients en veulent, ils doivent l’acheter et cela deviendra une source de profits non négligeable. Cela signifie que les PNC (Personnels Navigants Commerciaux) acceptent de faire du commerce à bord des courts/moyens-courriers, de distribuer les produits et d’encaisser de l’argent. Bien entendu, ils ont une part du profit réalisé et cela constitue également pour eux un complément de rémunération très apprécié.

La culture des compagnies traditionnelles est très différente et les syndicats s’opposent farouchement à ce que la fonction des hôtesses et stewards soit dégradée au point de les faire devenir de vulgaires commerçants, voire des serveurs de restaurant. C’est ainsi qu’aucune compagnie n’a voulu, jusqu’à présent, sauter le pas. Sauf que British Airways vient de se lancer dans cette aventure. A partir du 11 janvier 2017, les repas seront payants sur la compagnie. Cela aura certainement des effets positifs et sur les comptes et même sur la qualité des prestations, qui devront être de bonne qualité pour avoir des chances d’être achetées par les clients.

Il serait surprenant que les autres compagnies européennes traditionnelles n’emboitent pas le pas à leur homologue britannique. Bien entendu, il faudra négocier avec les syndicats ce qui pourra créer une pomme de discorde supplémentaire dont beaucoup de transporteurs se passeraient volontiers. Mais au fond, les clients sont prêts à mettre la main à la poche si ce qu’on peur propose à la vente à bord leur convient. Et puis personne ne peut s’affranchir du revenu complémentaire que cette formule amène, il faut bien d’une manière ou d’une autre compenser les baisses massives des tarifs aériens.

Dans le même temps, les tenants les plus farouches d’un low-cost pur et dur, c’est-à-dire distribué sans intermédiaires, je veux parler essentiellement le Ryanair et d’EasyJet, sont en train de venir dans les systèmes des compagnies traditionnelles : les GDS et une billetterie électronique qui leur permettra d’accéder à l’ »Interline », seule manière de coopérer avec les grands transporteurs européens.
Au fond les grands gagnants de ce rapprochement stratégique sont les GDS. Petit à petit, ils vont intégrer l’offre des transporteurs low-costs sans perdre celle des « legacys ». IATA, sous la pression de ses membres, a bien essayé de les éliminer en créant le NDC (New Distribution Capability) qui commence à entrer en opération, mais la manœuvre a échoué car les GDS ont délibérément adopté cette nouvelle norme et ils vont devenir les principaux opérateurs de ce qui avait été conçu pour les faire sortir du système.
L’affaire est donc jouée. Sur le court/moyen-courrier, on s’achemine vers un seul modèle hybride. Une tarification délibérément de bas de gamme, un service plus sophistiqué, mais payant, une distribution utilisant à la fois Internet et les GDS.

Il reste à savoir sur quoi se fera la différence et pourquoi les clients choisiront un opérateur plutôt qu’un autre. Certes, les programmes de fidélité continueront à montrer leur importance, même s’ils sont essentiellement de la poudre aux yeux, sauf qu’ils sont appréciés par les clients. Mais qui dit que les opérateurs low-costs ne vont pas les adopter ? Alors encore et toujours, la différence se fera par la qualité des personnels et l’attention que les compagnies aériennes mettront à accueillir les clients à bord.

Jean-Louis BAROUX
A propos de l'auteur

Jean-Louis Baroux fonde en 1983 Air Promotion Group qui deviendra le leader français dans la représentation de compagnies aériennes. En 1991, il crée APG Global Associates, premier réseau mondial de services commerciaux pour le transport aérien. Avec 145 pays couverts et 240 compagnies aériennes clientes, ce réseau est le meilleur observatoire des pratiques commerciales du transport aérien.
Créateur et animateur pendant 17 ans du Cannes Airlines Forum, Jean-Louis Baroux est l’auteur de Compagnies aériennes : la faillite du modèle (2010) et Transport aérien : une profession au bord de la crise de nerfs (2012). Il est également l'auteur de "Peur sur le Vatican" qui est son premier roman.