Les Amex GBT, Concur, KDS, CWT, HRG…. pourraient-elles être victimes du protectionnisme de Donald Trump ?

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Les choses sérieuses commencent demain avec l’investiture de Donald Trump comme nouveau Président des Etats Unis. Toux ceux qui pensent qu’il ne s’agit que « d’un clown caractériel » se trompent lourdement. C’est un chef d’entreprise, un pur et dur, aux méthodes controversées et provocatrices. Mais pour Trump, les USA ce n’est ni plus ni moins qu’une belle entreprise qu’il faut faire croitre, vivre et se développer.

A priori, Donald Trump n’a pas grand-chose contre les Européens malgré un discours virulent et des critiques au scalpel. Son principal reproche, c’est que nous lui vendons plus que les Etats-Unis ne vendent en Europe. Il suffit d’avoir géré une entreprise pour savoir à quel point cette situation peut mettre en colère tout dirigeant qui se respecte. Les 100 milliards de déficits entre l’Europe et les États-Unis ne sauraient rester en l’état pour un Donald Trump persuadé qu’il suffit de semer la zizanie pour récolter les fruits du business. Car même à la Maison blanche, Donald est un businessman qui n'a qu'une seule devise "pendant la politique, la vente continue... Avec mes enfants".

L’homme n’en est pas à son coup d’essai. Voilà quelques années, en essayant d'entrer au capital d'American Airlines avec sa société Trump Airlines, il avait laissé 80 millions de dollars sur le carreau en affirmant qu’un jour, il les récupérerait. On peut même se demander aujourd’hui si ce jour n’est pas venu ! Globalement ce que veut le nouveau président des États-Unis peut se résumer simplement : que les USA restent en tête de tous les fournisseurs du monde, Chine compris. À l’inverse d’un Warren Buffet qui agira dans la discrétion avec finesse, Trump fait dans les gros sabots. Son père lui a toujours appris qu’il fallait faire du bruit pour être entendu. Lui a rajouté cette devise chère aux cow boys lors de la conquête de l’Ouest : "Bousculer son ennemi ou son ami conduit toujours à un bon résultat".

Il est vrai que l’annonce du protectionnisme renforcé que veut mettre en place le nouvel occupant de la Maison-Blanche a de quoi surprendre les marchés européens habitués à s’entre-tuer de manière plus feutrée. Trump, lui, vient simplement dire que dans le business, tous les coups sont permis. Y compris l’intimidation et le mensonge. En moins de 10 jours, il a rappelé à la plupart des grandes entreprises américaines qu’il fallait produire, acheter des matériels fabriqués aux États-Unis et travailler avec des entreprises locales. Impensable pour lui de voir des Européens s’immiscer dans ce qui fera la richesse du pays. Et dans cet univers là, les Allemands sont montrés du doigt comme une bonne partie du continent asiatique.

Même un fleuron comme Apple se tire les cheveux. Rapatrier la fabrication des téléphones, tablettes et autres produits aux USA coûterait entre 21 et 28% de marge. Impensable pour Tim Cook, le patron, qui affirme en privé que l'entreprise aurait du mal à fiancer l'innovation. Ne parlons pas des AirBnB ou Uber qui pourraient aussi subir quelques sévères contrecoups commerciaux. Que ferait Boeing qui utilise bon nombre de sous traitants européens pour ses appareils, faute de disposer de fournisseurs aux USA. Pire, la réaction des pays attaqués serait dangereuse pour l’avionneur américain... Qui pourrait profiter des contraintes imposées à Airbus. Une chaîne sans fin, irréaliste!
Bref, comme le titrait le Washington Post deux jours après l’Élection de Trump: "Avant de partir combattre il faut toujours vérifier l'état de ses troupes sur le terrain et les risques d'une bataille économique".

Mais le risque, et il existe, c’est que les victimes annoncées de cette politique conquérante se rebiffent. Les Européens ne se laisseront pas faire et ce, malgré les menaces de l’alliée de toujours des USA, la Grande-Bretagne. Si aujourd’hui chacun veut montrer ses muscles, rares sont les entreprises qui, en Europe, accepteront sans broncher les diktats du nouveau président. Volkswagen, qui qualifie la remarque sur les Mercedes de simple plaisanterie d’hommes politiques, sait parfaitement qu’elle possède aussi les moyens de rendre coup pour coup les taxes douanières qu’on voudrait lui imposer. La Chine, qui dispose d’une bonne partie des réserves américaines en dollars, a déjà fait savoir que face à toute agression injustifiée, principalement économique, elle se donnerait les moyens de riposter. Et d’ajouter à voix basse qu’elle les avait !

Alors pourquoi s’attaquer aux européens et à l’Europe ? Pour la fragiliser. Trump sait que décider à 28 d’une seule voix est impossible. Alors il commence à glisser un coin dans la partie la plus faible de la communauté, ses institutions. Instaurer des droits de douane répressifs à 28 prendra du temps. Pour les USA, cela peut se faire très vite ! Bref, en étudiant l’Europe comme on étudierait un concurrent, il sait comment faire mal. Et les premiers pas de sa présidence le confirment. Il frappe tout azimut. Il réfute le développement des compagnies du Golfe, des low cost européennes, des entreprises chinoises présentes sur le sol US. En un mot, il sème d’innombrables petites grenades pour tester ses adversaires. A ce jeu, il oublie que ce sont les Chinois qui ont inventé la poudre et les Vénitiens la ruse.

À l’évidence, si le temps n’est pas au mieux pour les entreprises européennes, la météo n’est guère meilleure pour les sociétés américaines. Qui voudra travailler aujourd’hui avec des entreprises dont les serveurs informatiques sont situés sur le sol américain, la même où le nouveau président explique qu’il faut aller puiser la veille commerciale ?

Sera-t-il raisonnable pour les grandes sociétés européennes dont les budgets globaux sont gérés par des entreprises américaines de poursuivre une collaboration alors que l’on ne sait pas bien comment les informations seront conservées. Qui va les exploiter ? Seront-elles gardées bien au chaud sans être communiquées aux concurrents US ?

En cette période de guerre informatique et d’espionnage industriel, les propos de Donald Trump - même s’ils sont exagérés - ne rassurent pas. Et c’est là que les grandes TMC américaine sont en porte à faux. Déjà en Allemagne, la situation d’Amex ou de CWT sera attentivement étudiée, si l’on en croit nos confrères d’outre Rhin. Qu’en sera-t-il en France ou plusieurs ministères travaillent avec des TMC dont le siège est aux USA ? Peut-on confier raisonnablement les déplacements du Ministère de l’intérieur ou ceux de l’Economie et des Finances à des structures que le nouveau Président Trump appelle à la « lutte commerciale ».

On le voit, l’analyse la plus simpliste ne tient pas la distance. Le problème est plus complexe et ne sera (peut-être pas) aussi provocateur au quotidien. Pour la première fois aux USA, un Président élu n’aura pas de délais de grâce tant il semble détesté par ceux qui l’ont élu. Une situation qui ne vous rappelle personne ?

A Washington,
Philippe Lantris