Les « bons » comptes d’Air France/KLM

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Les résultats du groupe Air France/KLM sont connus depuis une quinzaine de jours et il fallait bien ce temps pour les analyser.

Notons tout d’abord, pour s’en réjouir, l’amélioration du résultat d’exploitation par rapport à 2012. Il passe en effet en positif à 130 millions d’euros contre une perte de 336 millions d’euros l’année précédente. Mais à la lecture des comptes, c’est à peu près la seule satisfaction car le résultat net, plombé par les nécessaires provisions affiche une perte historique de 1,818 millions d’euros, en chute de 600 millions d’euros par rapport à 2012, excusez du peu. Les chiffres sont tellement importants qu’il faut les ramener à une échelle plus compréhensible. Et bien cela fait une perte de 4,98 millions d’euros par jour ou encore 207.000 € par heure, nuit et jour, week-ends compris.

Il est donc plus qu’intéressant de voir comment on passe d’un profit d’exploitation de 130 millions à une perte nette de 1,818 millions. La plus grande partie de la perte est logée sous une rubrique « Dépréciation d’actifs d’impôts différés ». Il y en a pour 937 millions d’euros, ce n’est pas rien. Je me suis longuement penché sur de savantes explications fournies par les grands cabinets d’audit sur la question, et je dois avouer n’avoir rien compris à la manœuvre. C’est d’ailleurs bien dommage compte tenu du montant. Un expert-comptable pourrait-il nous éclairer ? Il y a ensuite pour un montant presque équivalent l’addition de provisions de nature différente : 119 millions de pertes sur la participation dans Alitalia, 57 millions perdus sur le portefeuille de « dérivés », 122 millions affectés à la cession de CityJet et enfin 357 millions provisionnés pour le plan de départs volontaires.

Il est probable que la plupart des provisions ne sont pas récurrentes. En fait, l’opération ressemble à un gros ménage sur les comptes. Il ne serait pas étonnant alors que le résultat de 2014 soit très nettement supérieur à celui-ci.

Par contre, il est surprenant que l’on connaisse les résultats séparés des grandes filiales telles que Transavia, qui, par parenthèses, creuse ses pertes à 23 millions d’euros et Servair qui améliore son résultat à 24 millions d’euros, sans que l’on puisse avoir une idée de la répartition des résultats entre KLM et Air France. Même la lecture des résultats sur le site de KLM n’affiche que des chiffres au niveau du Groupe. Est-ce à dire que ceux de la partie néerlandaise sont plutôt bons et que par voie de conséquence, ceux d’Air France sont plus mauvais que l’affichage global ne le montre ? Il serait souhaitable pour la clarté de la lecture d’avoir des comptes séparés par entité économique.

Notons cependant la nette diminution du poste frais de personnel, qui diminue de 180 millions d’euros avec des effectifs en baisse de 4600 salariés. Ce n’est pas rien, d’autant plus que cette économie se fait à chiffre d’affaires constant, ce qui montre une nette amélioration de la productivité. Cependant celle-ci reste très en deçà de celle du groupe IAG mené par British Airways, par exemple, chez qui un salarié produit 310.800 € de chiffre d’affaires annuel contre seulement 256.800 € chez Air France/KLM. Le vrai problème est là. En effet il ne faut pas attendre plus de passagers à offre constante car le coefficient de remplissage pour toute l’année 2013 est monté à 83,8%. Autrement dit il n’y a plus rien à gagner de ce côté.

Le challenge pour le Groupe consiste donc bien à remonter le niveau de la recette unitaire et ce par tous les moyens. Elle a encore baissé de 1% l’année dernière et la seule manière de compenser ce manque à gagner consiste à augmenter encore le coefficient de remplissage ce qui est impossible. La bonne direction est prise : il s’agit de l’amélioration du produit des classes avant, celles qui amènent la meilleure contribution. Après des années de dégradation continue, la compagnie a enfin décidé de rejoindre les standards internationaux, dont elle avait décroché sans vouloir l’avouer. Mais la remontée sera longue. L’ensemble de la flotte B 777 ne sera rééquipé que dans un peu plus de deux ans. C’est très long. Enfin, le pli est pris. Nous attendons maintenant avec quelque impatience, la présentation du nouveau produit Première Classe qui devrait être dévoilé à Shangai vers le mois de juin. Curieux choix d’ailleurs que celui de la Chine pour présenter son nouveau produit alors qu’il est attendu depuis des années par le marché européen. Est-ce que cela suffira à remonter significativement la recette unitaire ? Pas certain. Il manque à cette stratégie d’être soutenue par le circuit de distribution, mais pour cela encore faudrait-il qu’il soit rémunéré, ce qui n’est pour le moment pas dans les objectifs commerciaux de la Compagnie.

Comme le dirait Jean Pierre Raffarin, « la route est droite, mais la pente est raide ».

Jean-Louis Baroux