Les combats perdus d’avance

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Ils sont nombreux dans le transport aérien et en règle générale, ils se terminent toujours mal, et ce, quel que soit le pays, la compagnie ou l’organisme concernés. Des exemples anciens ? Il y en a à la pelle.

Prenez par exemple le bras de fer que les contrôleurs aériens américains avaient engagé avec le Président Reagan. Le syndicat des contrôleurs américains PATCO (Professionnel Air Traffic Controllers Organization) fort de son soutien à l’élection d’un président Républicain, contrairement à la tradition qui portait le syndicat vers les Démocrates, réclame des augmentations de salaires et … la semaine de 32 heures. Refus du Président auquel le syndicat répond le 03 août 1981 par un appel à la grève. Celle-ci est déclarée illégale et Ronald Reagan donne 48 heures aux grévistes pour reprendre le travail. Seuls 1650 contrôleurs sur 13000 reviennent à leur poste. Le 05 août le Président américain renvoie purement et simplement les 11345 grévistes en leur interdisant à l’avenir de faire partie de l’administration. Et le 22 octobre de la même année, le PATCO perd son accréditation en tant que syndicat. Fin de partie.

Allez autre exemple américain : la fin de Pan Am. Voilà une compagnie florissante dans les années d’après-guerre et jusqu’au milieu des années 1970. Pendant cette période elle a été la référence du transport aérien international. Elle a créé tous les standards et mis en place les innovations les plus intéressantes : premier système de réservation électronique : Panamac, mise en service des Boeing 747 dont elle avait largement contribué à la conception et d’innombrables nouveautés reliées à l’exploitation. Seulement elle ne possédait pas de réseau domestique. Or le trafic international a été fortement bouleversé entre 1973 année du premier choc pétrolier et 1991, année de la première guerre du golfe. Pan Am a été particulièrement impactée, y compris par le terrorisme sans pouvoir se reposer sur un réseau intérieur à laquelle elle n’a cru que trop tard. Elle s’est lentement enfoncé jusqu’à sa disparition en août 1991.

Plus près de nous le cas de Swissair est intéressant. Puisque la Suisse a choisi de ne pas faire partie de l’Europe, sa compagnie nationale ne pouvait pas disposer des accords d’Open Skies européens. Or le marché suisse était insuffisant pour les ambitions mondiales de la compagnie. Pour accomplir son objectif, elle s’est lancé dans une politique d’achats débridée et particulièrement hasardeuse en mélangeant allègrement les Portugais, le Turcs, les Français et j’en passe. Elle s’est rapidement trouvée dans l’incapacité de gérer des cultures si différentes d’autant plus qu’elle ne pouvait posséder la majorité du capital des transporteurs ciblés. Or ces derniers étaient tous en déficit et ils réclamaient à Swissair d’assurer leurs fins de mois. Le résultat ne s’est pas fait attendre. Le 02 octobre 2001 la compagnie était liquidée à la grande honte non seulement de son équipe de direction, mais de tous les Suisses.

Bien sûr on pourrait multiplier les exemples passés, mais il est intéressant de voir que l’actualité du transport aérien nous fournit de nombreux cas. Je passe sur la bagarre que les transporteurs traditionnels ont menée vis-à-vis des « low costs » dont tous les experts savaient qu’elle serait perdue et que plus tôt les compagnies historiques s’en apercevraient, mieux ce serait. Je voudrais m’attarder un instant sur l’attitude du SNPL autrement dit le Syndicat National de Pilotes de Ligne. Ce dernier est fort de tous les conflits qu’il a gagné depuis la grande grève de février/mars 1971. A cette époque, les discussions avec le SNPL ne pouvant pas aboutir, les 3 principales compagnies françaises : Air France, Air Inter et UTA avaient décidé un lock out pour forcer les pilotes à négocier sur leurs bases. Mais, au bout de 3 semaines, le bras de fer a tourné à l’avantage du SNPL et depuis ce temps-là, ce dernier a toujours considéré qu’il pouvait à tout moment manier la grève comme arme de négociation. Et il ne s’en est pas privé. Le dernier conflit remonte à septembre 2014 sur un sujet d’ailleurs dérisoire : le devenir de Transavia France.

Sauf que la donne a changé. Le développement de Transavia est la seule possibilité que le groupe Air France/KLM a s’il ne veut pas disparaître de la scène européenne. Les menaces du SNPL n’y changeront rien. Le développement qui ne peut pas se faire avec Transavia France se fera avec Transavia Hollande, tout simplement. Le SNPL serait bien avisé de se rendre compte que s’opposer à la croissance de la seule quasi low cost du groupe ne peut qu’entrainer l’attrition du transporteur national et par conséquence la diminution du nombre de pilotes employés sur un statut dont le moins que l’on puisse dire est qu’il est urgent de le revoir… à la baisse.

Le combat du syndicat des pilotes contre la direction de sa compagnie est stupide. Le maintien des avantages acquis est perdu d’avance. Alors autant se servir de la valeur intellectuelle des pilotes pour construire la nécessaire transformation de leur groupe.

 Jean-Louis BAROUX