Location de voitures: la réalité des prix

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J’observe depuis un long moment le marché de la location de voiture et j’y participe même activement, depuis 17 ans précisément ! J’ai connu les époques fastes où les loueurs, portés par les primes de volume des constructeurs, se concentraient sur l’achat et la revente des véhicules pour réaliser leur marge financière. Les tarifs étaient au forfait « jour + kilomètre » mais peu s’en plaignaient, d’autant que le client était encore suffisamment considéré au regard de ses faibles exigences, et la « mobilité » pas encore un concept réellement étudié.

Vinrent ensuite les époques plus contraignantes, où les constructeurs se détournaient des ventes aux loueurs pour se concentrer sur les ventes aux particuliers, plus rentables et favorisées par les successives aides de l’état (souvenez-vous, toutes ces mesures en "…ette").

Impact immédiat sur les loueurs de courtes durées : les marges d’achat/revente rognées, le modèle économique en place ne pouvait plus fonctionner.
Pour y faire face, et en mobilisant leurs propres ressources, les loueurs prirent le parti d’élever le niveau de service rendu aux clients pour justifier de modifications tarifaires à la hausse. Les programmes de fidélité et de reconnaissance individuelle, comptoirs dédiés, engagement sur les temps d’attente…ont été créés ou renouvelés car le client (et ses préoccupations) revenait au centre de l’équation.

Le marché de la location restait structurellement porteur et continuait même d’accélérer, poussé par la génération Y et les nouveaux usages. Cela permettait ainsi l’intégration de nouveaux acteurs voulant révolutionner l’usage de la voiture, et répondant au phénomène de cette nouvelle « mobilité » décorélée voire opposée à la propriété. C’est ainsi que l’autopartage et dans son sillage le covoiturage firent leur apparition, s’inscrivant dans l’eldorado durable de l’économie du partage.

Enfin, j’ai connu plus récemment un mouvement sans précédent d’acquisitions, fusions et autres accords de marques, qui n’ont de cesse que de hisser des barrières à l’entrée encore plus hautes pour ne pas voir les nouveaux acteurs venir piétiner le pré carré du cœur de marché – ce dernier étant déjà en proie à une vraie guerre des prix.

Alors quand je lis, pour résumer, que la baisse des prix actuelle et pour le moins sévère est due à l’arrivée de nouveaux acteurs tels Drivy, etc…, je manque de m’étouffer !!!

Quel est la réalité de l’évolution des prix ?
1. Le prix est communément la résultante directe des fluctuations d’immatriculations de véhicules neufs. En fonction de l’évolution de ce volume global de ventes, les constructeurs accordent ou non des taux de remise substantiels aux loueurs. Ces toutes dernières années leurs ont donc été propices, avec des taux de financement au plus bas et une absence d’aide à l’achat pour les particuliers. Les loueurs bénéficient ainsi en ce moment de bonnes conditions pour baisser leurs coûts de flotte.
2. La baisse des prix actuelle est donc avant tout la conséquence d’une guerre de parts de marché, lancée en 2011 par la concentration des 4 plus importants loueurs mondiaux. La croissance externe lancée depuis les US a aiguisé les craintes et les appétits des uns envers les autres, qui abandonnent la maitrise de leurs prix au profit de l’effet volume et de la capitalisation par acquisitions horizontales ; et qui finalement essaient volontairement de rendre le marché moins attractif par la baisse des prix.
3. Ne nous y trompons toutefois pas : la baisse des prix n’est pas une baisse des marges! Les loueurs ont bien sûr trouvé des moyens pour rétablir leurs marges en gonflant les paniers moyens, et ce quel que soit le segment; loisirs ou corporate : le nouveau modèle économique est donc bel et bien la vente de produits additionnels !

Pour preuve : en 2015, quand dans l’aérien ou l’hôtellerie la différence entre prix réservé et facturé était de l’ordre respectivement de 2% et 8%, la location de voiture atteignait 36% d’extra fees (source :« L’arbre décisionnel T&E », Carlson Wagonlit Travel, novembre 2015).
Désormais, il faut donc bien distinguer prix facial et prix des suppléments.
Le constat est d’ailleurs sans appel : si cette dernière année les économies annoncées étaient de -15% sur les prix, les budgets déplacements de mes clients n’ont pas évolué à la baisse !

Quel avenir pour l’industrie de la location courte durée ? Quel impact sur le voyage d’affaires ?
• Arrêtons de nous faire croire qu’avec 3% du marché, la location entre particuliers fait chuter les prix de la location de voitures sur le segment de la clientèle loisirs mais également celui de la clientèle d’affaires. La location entre particuliers touche un segment de client qui ne louait pas ou très peu par l’intermédiaire des loueurs traditionnels, une clientèle de particuliers urbains et connectés. Même si les offres sont plus abordables, ces loueurs « P2P » ne proposent pour le moment pas le même niveau de service. Mais ont pour avantage d’évangéliser l’usage plutôt que la propriété. Et cela est in fine bénéfique à tous
• Que les loueurs cessent de se tirer une balle dans le pied en « sur-protégeant » le marché et de fait en dégradant les prix ! A force d’agir uniquement sur les prix, c’est toute l’industrie qui perd aujourd’hui en crédibilité. La location de voitures est devenue dans l’esprit des utilisateurs une commodité au même titre que l’achat d’un ticket de métro. A ce rythme, l’absence de différenciation entre les différents loueurs sera telle qu’effectivement les nouveaux acteurs seront comparables.
• Regardons les prix dans leur globalité et non pas juste sur des remises faciales. Favorisons la maitrise du prix ou sa transparence plutôt que de s’acharner sur des pourcentages de remise finalement fictifs au vue de la structure même des offres tarifaires.

En conclusion, nous sommes face à une industrie mature et en phase de consolidation. La différenciation entre les principaux acteurs se porte aujourd’hui principalement sur des différences de parts de marché et de prix.

Misons donc sur des stratégies de rupture pour redéfinir les règles, les nouvelles technologies nous permettent aujourd’hui d’assister le voyageur en lui proposant des outils mobiles réellement efficaces et adaptés à ses besoins.

Quitte à faire « du prix », imaginons l’émergence d’un vrai modèle low-cost à l’image de Ryanair dans l’aérien. Revoyons les attentes des clients pour aboutir à des modèles économiquement moins coûteux, avec des flottes à modèle unique et standardisé, ou des flottes de véhicules d’occasion, des check-in et check-out online et en self-service, etc…

Sinon, repensons l’approche client en nous rappelant qu’il s’agit avant tout d’un voyageur et qu’il EST en situation de mobilité, que ce soit pour le loisir ou pour ses affaires. Proposons une expérience client avec une approche plus personnelle voire un support de type conciergerie, une personnalisation des services, une offre transparente.

Dans le fameux rapport qualité/prix, ou plutôt service/prix, le client reprend toujours ses droits. Quelle que soit la stratégie adoptée, donnons de la visibilité aux clients sur le service qu’ils sont en droit de recevoir. Et aujourd’hui, dans un monde toujours plus connecté, mieux vaut créer la rupture, avant d’en être la victime et de rester sur le bord de la route.
Nicolas JOB, CEO de Carbookr.com
Nicolas Job est le Co-Founder le CEO de Carbookr.com, une plateforme de réservation de location de véhicules en ligne dernière génération strictement dédiée au Corporate Travel. L’utilisation de Carbookr permet donc d’obtenir une visibilité complète sur le périmètre location, de réellement contrôler la dépense et de maitriser les coûts. Avec plus de 5000 véhicules disponibles, Carbookr dispose d’agences dans toute la France, de plusieurs types de véhicules et de disponibilité jusqu’à la dernière minute.