Mais cessez donc ce bruit que je ne saurais entendre !

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Demain, jeudi 10 mars, s'ouvrira la 14e journée nationale de l'audition. Un rendez-vous annuel qui permet aux Français d'exprimer leur ras-le-bol face au bruit et de mieux comprendre comment lutter contre la pollution sonore. Un sondage, réalisé par Ipsos à cette occasion, affirme que le bruit sur le lieu de travail gêne 39 % des actifs.

Les résultats de ce travail ne sont guère étonnants : 57 % des ouvriers se disent particulièrement gênés par leur niveau sonore ambiant, 36 % des employés reconnaissent les effets induits du bruit et 28 % des cadres supérieurs avouent qu'il pénalise la concentration et freine la productivité au travail. Comme chaque année, l'open-space est montré du doigt par plus de 70 % de celles et ceux qui passent entre huit et dix heures par jour sur leur lieu de travail. Présentée comme révolutionnaire à sa création, la structure n'est plus aujourd'hui "l'outil de travail collaboratif" mis en avant par les architectes des années 80, persuadés que la mise en commun des compétences et des savoirs, dans un espace ouvert, porterait l'imagination des salariés et développerait leur sens du travail en équipe. On sait aujourd'hui qu'il n'en est rien et, sans tomber dans un individualisme à toute épreuve, on revient lentement mais sûrement à ce constat que des petites structures de bureau, trois ou quatre personnes maximum, sont bien plus profitables que d'immenses espaces où seules quelques cloisons viennent garantir l'indépendance de chacun.
Autre constat lié à cet "open space" : le besoin de s'isoler a démultiplié l'usage des casques audio et, par là même, le volume d'écoute de ces sources musicales a explosé. L'habitude étant prise, le port d'écouteurs dans le métro, en marchant, voire même à la maison est même devenu une source de risques et occasionne 23 % des accidents chez les piétons. Enfin, pour les voyageurs d'affaires, l'avion comme le train sont des sources sonores importantes, stressantes, que les casques à réduction de bruit n'atténuent pas toujours.
Il faut donc bien le reconnaître, l'entreprise est bruyante. Si l'on peut considérer que les unités de production sont naturellement plus génératrices de pollutions sonores que le reste de la société, il faut cependant remarquer que les espaces communs, partagés par l'ensemble des salariés, sont eux aussi difficiles à vivre. Que ce soit le restaurant d'entreprise, le hall d'accueil ou la machine à café.... Tous sont de véritables "nids à bruit". Pire, selon ce sondage, 56 % des actifs ne bénéficient d'aucun contrôle auditif dans le cadre de leur travail. Et pourtant, 24 % des risques d'accidents du travail seraient principalement liés au bruit qui empêche la perception de l'accident. La conclusion de cette étude ne se fait pas attendre. Montrée du doigt, l'entreprise se doit désormais de gérer intelligemment ses niveaux sonores. Que ce soit par l'intermédiaire de techniciens spécialisés qui viennent analyser les sources et les traiter ou par la pose de systèmes destinés à casser la propagation du bruit sur les plateaux ouverts, il est clair aujourd'hui que sans une prise en compte réelle de cette pollution permanente, le niveau moyen d'audition des français risque de baisser de quelques pour cent en une ou deux génération. Inacceptable !

Marc Dandreau