Mr. Livingstone I presume

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Quels sont les façons de se saluer, s’habille-t-on ou mange-t-on de la même manière d’un bout à l’autre de la planète, … Les différences sont multiples et se font même sentir dans la manière de bâtir une présentation Power Point.

Mr. Livingstone I presume
Auteur du très drôle et très complet « On se fait la bise ?, le guide international des bonnes manières » aux Editions Seuil, un ouvrage qui passe en revue l’ensemble des us et coutumes des pays, Mark Mc Crum détaille pour nous les erreurs à ne pas commettre lors des différentes étapes d’un voyage d’affaires.

Voyage et Business : Une réunion d’affaires est-elle différente selon qu’elle a lieu à Pékin ou aux Etats-Unis ?
Mark Mc Crum : Absolument. Même si la mondialisation a changé beaucoup de choses, il n’en reste pas moins que les façons de faire des affaires à travers le monde sont aussi différentes que les façons de manger. Quiconque n’en est pas convaincu va au devant de gros soucis dans l’arène du business international. Voici un exemple très simple : si vous partez en voyage d’affaires à Pékin, vous devez impérativement avoir des cartes de visite adaptées (NDLR : portant au verso une traduction précise de vos qualifications) et portez une attention soutenue à celle que vous tendra vote homologue sous peine de paraître très impoli.
VetB : Si l’on vous écoute, les différences culturelles sont présentes partout, dès le moment de se saluer…
M. McC. : Oui car des gestes ou des façons de se saluer qui sont considérées comme polies ou neutres dans certaines cultures sont extrêmement mal vus dans d’autres. S’il peut être acceptable dans certains pays de faire la bise à des collaborateurs ou à des partenaires commerciaux, c’est considérer, au Japon par exemple, comme un inadmissible faux-pas. Et ce même si vous connaissez relativement bien la personne.
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VetB : La façon de s’habiller varie-t-elle également d’une culture à l’autre ?
M. McC. : Les règles à ce niveau-là sont plus souples. Un costume et une cravate classiques et sombres habilleront parfaitement un homme d’affaires dans n’importe quel pays ou presque. Les femmes quant à elles devront être attentives à ne pas porter des vêtements trop suggestifs, des jupes courtes ou des hauts sans manches, qui sont très mal vus dans les pays du Moyen Orient et en général dans les pays musulmans.
Les chaussures sont moins problématiques mais porter des chaussures blanches en Grande-Bretagne s’apparente plus à un escroc qu’à un homme d’affaires. Il ne faut pas oublier également que dans les pays arabes, on retire ses chaussures avant de rentrer dans une maison. Mieux vaut sans souvenir et porter une paire de chaussettes propres et sans trous si l’occasion se présente.

VetB : Instrument indispensable du voyageur d’affaires, la carte de visite. S’appréhende-t-elle différemment selon que l’on se trouve en Europe, en Asie ou en Amérique ?
M. McC. :
Bien sûr ! En Amérique ou en Europe, l’échange des cartes de visite se fait souvent de manière décontractée. Les gens l’échangent à leur convenance et sans plus de cérémonie.
Mais dans des pays comme la Chine ou le Japon, c’est une tout autre affaire. La meishi, comme l’appelle les Japonais, est prise très au sérieux, elle est considérée comme une extension de son propriétaire. L’échange de cartes fait l’objet d’un rituel très formaté au cours duquel vous devez étudier attentivement la carte de votre homologue et la ranger soigneusement dans votre mallette ou dans un étui dédié à cet effet… Plus l’étui sera luxueux plus vous témoignerez de l’attention à notre interlocuteur.
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VetB : Les déjeuners ou petits-déjeuners d’affaires sont également régis par leurs propres règles.
M. McC. : La manière de gérer un business au cours d’un repas diffère énormément d’un pays à l’autre. Le petit-déjeuner d’affaires est un passage obligé aux Etats-Unis où les cadres affamés débattent autour de pommes de terre sautées et de pancakes arrosés de sirop d’érable. Il est beaucoup moins populaire en Europe où l’on préfère faire des déjeuners ou des dîners de travail. Autour de la table, il est également important de se souvenir que l’on aborde le business à des moments différents d’un repars selon telle ou telle culture. Aux Etats-Unis ou dans le nord de l’Europe, par exemple, on en vient au fait dès l’entrée.
Dans le sud de l’Europe ou en Amérique du Sud, les gens ont besoin de se connaître et d’apprécier la compagnie de chacun avant de parler boulot. Au Moyen-Orient, il est essentiel de ne pas se précipiter dans des discussions de travail : les gens ont besoin de vous connaître en temps que personne avant de faire du business avec vous.

VetB : Les réunions de travail peuvent-elles également être à l’origine d’incompréhensions ?
M. McC. : Oui. Il faut par exemple éviter de multiplier les contacts visuels dans les cultures asiatiques. Un regard droit dans les yeux pourra être considéré comme inopportun voire comme une tentative d’intimidation. Au Mexique ou en Grèce à l’inverse, l’échange de regards est un signe de confiance. On retrouve également des différences dans la façon dont les gens parlent. Les Asiatiques ont tendance à s’exprimer de manière discrète alors que les Russes ou les Européens du sud seront plus volubiles. En Asie toujours, baisser les yeux peut mettre à l’aide votre hôte et lui donner confiance. Quoiqui’il en soit, il ne faut pas oublier que ces « politesses » ne changent en rien la férocité des négociations commerciales.

VetB : Des différences que l’on retrouve jusque dans la façon de réaliser ses power-points…
M. McC. : Sans être catégorique, il faut savoir qu’en Chine ou au Japon, certains chiffres ou couleurs sont considérés comme de bonne augure et d’autres non. Ainsi, il sera plus heureux d’éviter le vert ou le bleu associés en Chine aux enterrements. Dans la même veine, les chiffres 4, 9 et 13 sont considérés comme portant malheur en Chine et au Japon. A tel point que certaines compagnies aériennes japonaises n’ont pas de sièges avec ces numéros-là dans leurs avions.
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VetB : Qu’en est-il des cadeaux d’affaires, très appréciés en Asie notamment.
M. McC. : Il sera presque toujours reçu avec bonheur. Attention cependant à ne pas commettre d’impairs. Des couteaux, voire des coupe-papiers même s’ils sont de toute beauté, sont signes de rupture au Japon. Soyez également attentif à l’emballage, de préférence dans des papiers élégants aux tons pastels. Ne vous attendez pas à ce que votre interlocuteur déballe son cadeau devant vous. Le risque de montrer sa déception et de perdre la face serait trop grand.

VetB : Quelle est, au cours de vos différents voyages, l’exemple le plus parlant d’incompréhension entre deux homologues d’affaires, à laquelle vous ayez assisté ?
M. McC. : La question est difficile mais j’aime assez cette anecdote qui concerne l’un de mes amis, homme d’affaires de son état, parti au Japon pour une semaine pour signer un contrat. Il passa son séjour à surveiller attentivement ses manières, essayant de se conduire conformément à la culture nippone. Il mangea avec des baguettes, s’inclina poliment à la moindre occasion, fit de nombreux s cadeaux… A la fin de la semaine, son interlocuteur l’invita à dîner pour célébrer le succès de leur joint-venture. « Nous sommes vraiment heureux de vous connaître et de travailler avec vous », l’assura ce dernier. « Mais il faut vraiment que je vous pose une question : pourquoi avez-vous passé une semaine à faire des courbettes comme une jeune fille ?... ». Tout est dit !

Stéphanie Clément