Notre Dame des Landes, un doux (et regretté) parfum de Larzac

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Pendant des années, ma grand mère, déjà âgée, me répétait inlassablement "L'histoire est un perpétuel recommencement". Une de ces phrases que l'on entend mais qui finissent par tomber dans les oubliettes auditives. A la sortie de l'adolescence, persuadé que l'on pouvait refaire le monde avec ses petites mains - prérogative indispensable de la jeunesse - j'ai "fait" un bout de la campagne du Larzac et participé, en 1977, au mouvement d'opposition à l'ouverture de la centrale nucléaire de Creys Malville. Révolutionnaire amateur je me suis opposé, sans tout comprendre, mais profondément convaincu de la justesse de mes idées.

Le temps donne de la couleur aux souvenirs et les enjolive. Si certains restent fidèles à leurs idées, d'autres (et c'est mon cas) évoluent. Je ne suis pas forcément convaincu par le nucléaire mais je reconnais qu'avant de tout casser, il faut avoir de quoi remplacer ce que l'on perd. La bataille du futur aéroport Notre Dame des Landes à Nantes comporte de furieuses ressemblances avec toutes celles menées dans les années 70/80. D'un côté des écologistes venus de l'Europe entière pour prôner un monde d'amour et d'écoute, de l'autre des entrepreneurs persuadés qu'ouvrir une ville sur le monde, c'est assurer la richesse de la communauté. J'ai donc cherché à comprendre. Je n'ai pas réussi. L'actuel aéroport de Nantes est-il déjà saturé ? Oui et non, me disent les experts. Bataille de chiffres et de prévisions. Un remake de "camemberts, courbes et powerpoint" qui disent tout.. et son contraire. "Gouverner, c'est prévoir", me dit un autre. J'ai cru entendre ma grand mère ! Faut-il alors s'arcbouter sur un projet ? Oui et non, me disent les politiques. Certains, y compris ceux proches du premier Ministre, pensent qu'il faut reporter le projet de quelques années, le temps de calmer les esprits ! Une sorte de prudence qui fleure bon les prochaines élections et permet de se faire oublier quelques temps. Pour les paysans locaux, c'est niet, tout simplement. Le projet serait une offense à la terre. Je l'entends. Mais quelle terre ? Celle en jachère financée par Bruxelles ? Celle des revenus au ras du sol qui voit mourir nos agriculteurs ? Bref, mieux vaut un aéroport qu'un couple de jeunes exploitants payé à deux bien moins qu'un Smig.
Vous l'aurez compris, au fond le projet, quelle que soit la décision, ne me passionne pas même si je pense qu'un aéroport, c'est une promesse potentielle de richesse pour une grande ville. Non, au final ce que j'ai préféré, ce sont les images de la télé. Les dreadlocks des opposants, les communautés spontanées, les tenues vestimentaires très années 70, la fougue et la passion des idées. Bref, ma grand mère avait raison ! Et je l'avoue, c'est bon de revivre ses 20 ans !. Une nostalgie que les jeunes ne connaitront pas avant quelques années. quand ils diront à leurs enfants : "Tu vois cet aéroport, ton papa et ta maman se sont battus pour qu'il n'existe pas. Mais ne traîne pas en route, on est déjà en retard pour prendre l'avion".

Marcel Lévy