Oussama Ben Laden, la fillette et le scanner

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Voilà qui pourrait faire un titre pour une fable moderne de série B, ou du moins résumer l’actualité qui agite le monde de la sécurité aérienne aux États-Unis. Rassurez-vous, il n’y a là aucun rapport, ou très peu, avec la mort du leader d’Al-Qaïda, dont la couverture médiatique devrait suffire sans que nous ayons à en rajouter une couche. Non, il s'agit de contrôles de sécurité. On connaissait l’épisode des scanners , dont les radiations inquiètent les passagers, et les vidéos de la fillette de 6 ans, puis de l’ancienne Miss USA , victimes de vérifications pour le moins tatillons de la part des agents de la TSA. La dernière affaire en date apporte un autre regard sur la vigilance de la sécurité aérienne outre-Atlantique : un faux Oussama Ben Laden a demandé ni plus ni moins à embarquer avec sa bombe à bord d’un vol Air France. Pour un résultat surprenant.

Le timing était presque parfait : trois jours avant l’annonce de la mort du dirigeant d’Al Qaida, un passager se présente comme suit au comptoir Air France de l’aéroport JFK, à New York : «Mon nom est Ben Laden, et j’ai une bombe dans mon sac ». Simple et efficace, comme le sort qui aurait pu attendre le voyageur, dans un contexte toujours tendu par la recherche active du terroriste. La réaction des employés en aura finalement surpris plus d’un : au lieu de crier au loup, et d’avertir un maximum de forces de sécurité pour prendre les devants, l’apprenti sosie a simplement été soumis au scanner traditionnel, qui a montré l’absence de bombe. Le passager, âgé de 61 ans, en sera finalement quitte pour une amende de 170 euros (250 dollars).

«So what ?» me direz-vous ? Il est tout de même surprenant de voir qu'un homme se présentant comme armé, dans l’un des principaux aéroports du monde, sous l’identité du terroriste le plus recherché de la planète, soit finalement soumis avec calme à des contrôles de routine. Notons au passage que les forces de l’ordre ont finalement été appelées 40 minutes plus tard. Deux leçons peuvent être tirées de l’épisode : les employés de l’aéroport réagissent finalement parfois avec sang-froid, face à ce qui n’était au final qu’un voyageur ivre; ou les contrôles de sécurité américains manquent cruellement de discernement dans leur analyse de risques, entre une fillette de six ans et un apprenti terroriste prétendument armé.

Finalement, le problème réside peut-être dans la simple maxime «l’erreur est humaine». Derrière les contrôles de sécurité se cachent des employés, avec ce que cela implique en termes de différences de perception du risque, de traitement des voyageurs, et donc de possibles erreurs ou excès de zèle. Plusieurs associations américaines ont d’ailleurs récemment appelé de leurs vœux une véritable révolution des contrôles : l’USTA plaide ainsi pour une collecte d’informations qui permettrait de faciliter les déplacements des « voyageurs de confiance », tandis que l’IATA prévoit des «tunnels de technologie » à travers lesquels voyageraient les passagers sans même prêter attention au contrôle. Deux approches différentes, ou complémentaires, qui se focalisent sur l’homme ou sur la technologie. Mais que devront étudier au plus vite les autorités pour faire évoluer un système dans lequel le taux de contrainte semble bien disproportionné au regard de son efficacité.

Florian Guillemin