Oyez maraud, langueter peut nous estourbir !

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Si vous êtes du genre à ne pas vouloir « franchir le Rubicon » d’un registre grammatical trop familier avec vos interlocuteurs, il va falloir vous y faire : le dictionnaire Robert 2013 (oui, déjà) n’hésite pas à faire bouger le modèle académique et vous invite à vous recycler pour parler « d'jeunes ». Une façon de mieux comprendre ce que la génération Y vous dit !

Même en étant initié à un peu de verlan, vous avez parfois le sentiment de passer à côté de ce que vous disent les jeunes générations de l’entreprise ? Rassurez-vous, leur vocabulaire a fait son entrée au dictionnaire et les jeunes recrues vont pouvoir « comater » (être dans un état de somnolence), « pipeauter » (baratiner) ou « psychoter » (avoir peur) sont se faire rabrouer. A eux les « marrades » (rigolades), à grands renforts de « gloups » (interjection exprimant l’étonnement) et de «LOL» (Lot of Laugh anglais ou, autre version, Laughing Out Loud, l’un et l’autre passé en langage texto français, si si). Ils ont désormais le droit de critiquer l’état du photocopieur « subclaquant » (qui est à l’agonie) en mangeant leur « bento » (repas à emporter, en provenance du Japon).
Et si le vocabulaire français ne suffit pas à élargir le champ de nos échanges, nous pouvons désormais puiser dans les anglicismes importés par l’informatique, intégrant ainsi en toute clarté le « notebook » (petit ordinateur portable, plat et léger), à ne pas confondre avec le « netbook » (le même, mais moins puissant). Nous pouvons également importer des mots de la francophonie, et apprendre à Montréal que « les bobettes » sont un sous-vêtement ou en Belgique que la « prépension », c’est la préretraite.
Et si nous voulons relever le niveau de nos moins de 30 ans, nous pouvons leur apprendre que Michel Serres les appelle gentiment les Petit Poucet et Petite Poucette. Rien à voir avec Charles Perrault, les jeunes utilisent simplement leurs pouces pour communiquer et en particulier pour envoyer les fameux SMS. L’Académicien constate que le dictionnaire, au siècle dernier, n'ajoutait que 4 à 5000 mots entre deux éditions. Aujourd'hui, entre la précédente et la prochaine, l'ajout sera d’environ trente mille mots. «À ce rythme linguistique, on peut deviner que, dans peu de générations, nos successeurs pourraient se trouver aussi séparés de nous que nous le sommes de l’ancien français de Chrétien de Troyes ou de Joinville». On ne lui fait pas dire.

Annie Fave