Patricia Morosini, Selectour Afat: « Je ne me refuse pas de penser à Airbnb pour le voyage d’affaires »

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Selectour Afat compte plus de 450 agences Corporate et 30 000 entreprises clientes. Le business Travel représente près de 60% du chiffre d'affaires du réseau. Les agents et partenaires du secteur étaient invités à échanger lors de la 7ème édition des Forces de Vente Affaires qui se sont déroulées à Montréal du 19 au 22 mai 2016. Rencontre avec Patricia Morosini, directrice du voyage d'affaires du réseau.

Lors de cette 7eme édition des Forces de Vente Affaires de Selectour Afat, Patricia Morosini, directrice du voyage d'affaires du réseau a fait le point sur les initiatives du réseau pour que les agences de voyage restent un interlocuteur privilégié des entreprises. Elle a également dévoilé des éléments des stratégies adoptées pour faire face à la montée en puissance des nouveaux acteurs et des nouvelles technologies qui changent petit à petit le visage du Business Travel.

Déplacements Pros : Quelles sont les tendances du voyage d'affaires en 2016 au sein du réseau ?

Patricia Morosini : Le début d'année a été difficile pour la billetterie mais nous sommes un peu près à un niveau similaire à 2015. On se situait environ à -2% à fin avril. Nous avons observé la même baisse sur la SNCF. Captain Train y joue sûrement un rôle. Sinon, l'hébergement est encore une fois en hausse.
 
J'ai remarqué que les agences de province rencontraient plus de difficultés, principalement avec la concurrence. Les clients sont de plus en plus démarchés, surtout par des agences parisiennes. Jusqu'à peu, les agences de province étaient sur des secteurs qu'elles connaissaient, avec des acteurs connus ayant des schémas similaires aux leurs. Maintenant, elles doivent faire face à des acteurs qui couvrent toute la France pouvant proposer des offres très basses. Elles n'en ont pas l’habitude et ne sont pas forcément armées pour mettre en avant leurs atouts comme la notion de proximité de service qui est pourtant une force, par exemple. Nous les aidons donc à mettre en place leurs argumentaires commerciaux : "Qu'est-ce que j'apporte à mon client ?", "Comment mettre en avant ce que je ne facture pas ?", "Je suis plus chère mais je fais tout cela en plus... ". Elles doivent apprendre à valoriser leurs offres, leurs services et leur plus-value, d'autant que nous avons les outils qui nous permettent d'avancer sur ce créneau.

DeplacementsPros.com : Le thème de cette 7ème édition était «Ne laissez pas l'avenir, commencer sans vous ! ». L'avenir semble un grand sujet de préoccupation pour les agences.

Patricia Morosini : Les agences ont une certaine inquiétude en effet pour le futur. Avec le développement du web et du mobile, on peut se demander si les voyageurs d'affaires vont toujours vouloir utiliser un intermédiaire pour faire leurs réservations hôtel, transport et autres. C'est une préoccupation globale des agences, Affaires ou pas.
Mais ces nouveaux services ne répondent pas aux besoins d'assistance des entreprises. Des choses se dessinent chez les nouveaux acteurs mais pour le moment, il n'y a pas de solution qui permette aux sociétés d'avoir la garantie d'être assistées avant, pendant et après les déplacements ou encore d'assurer la sécurité des voyageurs, comme nous le proposons.

L'accompagnement est donc notre force et le développement de notre service H24 le montre. Nous avons plus d'une centaine de points de vente qui sont équipés et plus de 130 comptes clients reliés. Nous gérons maintenant 2.500 appels dans l'année alors que c'était entre 6 et 700 un an auparavant. Et nous sommes encore sur une tendance haussière importante pour cette année.

Déplacements Pros : Sur quels autres éléments Selectour Afat compte-t-il travailler afin que l'avenir se fasse avec lui ?

Patricia Morosini : Nous faisons un gros travail sur la technologie car il est important que les agences aient accès à toutes les solutions qui seront réclamées par leurs clients ou qui leur faciliteront le travail. Nous collaborons actuellement avec Amadeus pour imaginer une solution qui permettrait de gagner en productivité sur le traitement de tout ce qui est files d'appel, un système qui est intégré à Amadeus et permet de recevoir les dossiers quand ils ont une anomalie ou lorsqu'ils sont à émettre. Pour le moment, ces éléments sont traités manuellement par l'agent et sont extrêmement chronophages.

Autre chantier, nous souhaitons créer un club utilisateur pour les back-office. Nous n'en avons pas aujourd'hui et c'est important pour le reporting client. Par exemple, un voyageur d'affaires a besoin d'avoir des statistiques consolidées, utilisables, un reporting qui offre une vraie vision sur son budget. Nous allons créer ce club pour savoir par auditeur ce qui est fait, ce qui devrait l'être et comment ça fonctionne, s'il y a des choses à améliorer. Nous n'avons pas la science infuse au siège, nous avons besoin des autres pour recenser tout cela. Le club Affaires ainsi que les commissions nous permettent d'utiliser l'expérience des agences pour imaginer les services et solutions qui manquent ou pourraient nous permettre de marquer des points vis à vis de la concurrence.

Déplacements Pros : Y-a-t-il des projets pour les voyageurs d'affaires eux mêmes?

Patricia Morosini : Ce qui m'intéresse, c'est d'imaginer ce que le voyageur pourrait avoir besoin demain. Nous allons travailler sur un portail affaires en nous positionnant vraiment sur le profil voyageur d'affaires/utilisateur. Il recenserait et lui donnerait accès à tous les services et les solutions dont il dispose. Mais ce projet débute tout juste...

Une autre piste de réflexion possible serait autour du mobile. J'ai déjà entendu des Travel managers dire qu'il serait pratique d'avoir une appli qui réunit toutes les appli voyage utilisées par le voyageurs d'affaires. Entre les notifications des compagnies aériennes, le check-in de l'hôtel ou encore l'appli de l'agence où est présent le dossier, les voyageurs jonglent avec beaucoup d'applications. Les réunir dans une appli marque blanche, par exemple, pourrait simplifier la vie du voyageur. Le futur pourrait être un peu là. Ça semble toutefois très complexe à mettre en place face aux nombreux acteurs concernés. Mais, le réseau pourrait peut-être jouer un rôle ici car nous sommes au centre de tous les acteurs.
 
Nous sommes également attentifs aux services utilisés par nos voyageurs d'affaires que nous n'avons pas, comme par exemple les services de parking ou de conciergerie. Je suis d'ailleurs en train de référencer Snapcar et je cherche d'autres opérateurs pour avoir une couverture plus large.

Déplacements Pros : Lors du 6ème congrès Selectour Afat, Dominique Beljanski avait indiqué que le réseau ne s'interdisait pas de nouer des accords avec des fournisseurs alternatifs comme Airbnb. Qu'en est-il ?

Patricia Morosini : Comme Dominique Beljanski, je ne me refuse pas d'y penser pour le voyage d'affaires. Je leur ai déjà demandé s'ils envisageaient de se rapprocher de KDS, notre partenaire. Ils ont reconnu que c'était une chose qui pourrait être étudiée. Ce n'est pas fait ! Mais maintenant qu'ils ont cette inclinaison pour le Business Travel, ils s'intéressent aux SBT et donc aux agences. Je leur ai dit que nous n'étions pas farouches face à ce genre de chose... à condition d'avoir des garanties car nous sommes responsables. Nos clients s'attendent à ce que nous jouions notre rôle de conseil donc nous ne pouvons pas faire n'importe quoi.

En tout cas, il ne faut pas avoir peur du collaboratif. A l'origine, nous ne vendions pas les compagnies low-cost. Finalement le besoin client a pris le pas, et cela s'est industrialisé. Les low-cost représentent maintenant une grande part de notre activité sur le marché domestique et moyen courrier, deux marchés importants de nos revenus. Je rapproche donc le collaboratif et les low-cost. Airbnb, Uber et les autres ne m'inquiètent pas. L'avenir sera sûrement d'aller vers ces acteurs car cela fera partie des demandes du voyageur d'affaire digital.

Entretien réalisé par Sophie Raffin