Pékin, deux, trois, soleil !

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La Chine, ce n’est pas l’Occident. Lapalissade, certes. Manière surtout d’établir que les valeurs installées du côté de Paris, Londres ou Rome, n’ont guère de sens sur la place Tien an Men. A égalité au compteur des milliers d’années d’histoire et de savoir, inutile de chercher les références communes, il n’y en a guère.

C’est aussi ce qui fait le génie des civilisations, des cultures et des panthéons. Alors, il faut débarquer à Pékin l’œil rond, avec la curiosité d’un jeune homme et la tête en alerte. Regarder, assimiler, admettre. Ne pas se formaliser de ces regards qui glissent sans vous voir, ne pas juger de cette incroyable abnégation à toujours faire, pousser, vaincre, ne pas s’étonner de cette urbanisation calamiteuse qui étend la ville (15 millions d’habitants) sur des dizaines de kilomètres, avec un septième, un huitième, et sans doute un neuvième périphérique. Et puis pester en silence contre cette pollution qui noircit les façades, ces embouteillages d’anthologie, ces nœuds routiers qui n’en finissent jamais, ces avenues rectilignes qui glissent sous un ciel bas. Agrément, zéro. Efficacité, maximale. Pékin travaille, travaille encore, travaille toujours. Sans broncher. A l’image de ses chantiers champignon qui poussent du jour au lendemain, ici, là, là-bas, pour élever des tours de verre, percer des autoroutes, aligner les barres de logements dont nos banlieues ne voudraient pas.
Pékin, deux, trois, soleil !
Heureusement, derrière cette apocalypse des apparences, la Chine continue son chemin, rectiligne, regard fixé sur une ligne d’horizon qui raconte demain. Pas d’état d’âme. Juste des réponses adaptées aux questions qui se posent. Faut-il dégager des zones d’habitation ? On rasera un hutong, ces quartiers traditionnels enfermés entre quatre murs percés de portes régulières. Une cité impériale version prolétaire. Une forêt de tours poussera à la place. Un hutong vertical en somme. L’immense majorité des Pékinois avancent dans le même sens. Petits pas pressés et avenir rectiligne, forcément glorieux. C’est le signe d’une société soudée qui travaille en chantant (vu su certains chantiers !), dort uniquement quand nécessaire et ne trahit jamais les siens. Vue depuis la porte monumentale qui ouvre la Cité Interdite dominée par un portrait géant de Mao, les restrictions qui frappent Internet, la balle qui exécute près de 10 000 condamnés par an, la revendication tibétaine et tout ce dont on fait grand cas de l’autre côté de la Grande Muraille, franchement, on s’en fiche totalement. Faire de la Chine l’empereur du monde, marier la petite en la couvrant d’or le 08-08-2008 (jour des Jeux), rouler en voiture allemande, obéir sans broncher au père, au chef du clan, au patron et miser sur les combats de poissons, voilà des occupations autrement importantes. Menées avec la certitude que demain, comme hier, la Chine…

Marc La Vaissière
Pékin, deux, trois, soleil !
A faire, à ne pas faire…
* Le chauffeur, éventuellement le guide parlant au moins l’anglais, si ce n’est le français, sont indispensables pour circuler en ville. Rares sont les panneaux qui ne sont pas rédigés en idéogrammes et l’immense majorité des Chinois ne parle aucune langue étrangère.
* La société, comme l’entreprise chinoise, est pyramidale. S’armer de patience avant de trouver le bon interlocuteur, c'est-à-dire le véritable décideur.
* L’allégeance de chacun des membres de la pyramide envers celui qui est à sa tête est totale, aveugle, définitive.
* Un Chinois ne dit jamais non. Surtout, ne pas en déduire qu’il dit oui.
* Contrairement à ce qui se passe en Occident où le combat (la négociation) peut être frontal, à coup d’arguments et de propositions, en Chine, il ressemble à une partie de Go. On mesure l’adversaire, on l’encercle, on le distrait et quand il étouffe, on lui offre une petite porte de sortie. A Pékin, le face à face n’a aucune chance d’aboutir.
* A propos de face. Ne jamais la faire perdre à un Asiatique. Sa honte est totale vis-à-vis des siens. Il deviendra l’ennemi définitif de celui qui a généré l’outrage.
* Le cadeau est un rituel obligé. Sa qualité monte au fur et à mesure que les interlocuteurs sont plus importants. Un Français se doit de jouer les griffes du luxe.
* Entre deux séances de travail, la conversation est très limitée. La météo et la gloire de la Chine à travers les siècles offrent d’excellents terrains de bavardage. Le foot et le dernier album de Cabrel (pareil pour Madonna) ne veulent rien dire à Pékin. Quant à la liberté de parole, le Dalaï Lama, le poids du PC, la pollution et autres balivernes, ce sont autant de sujets qui disqualifient aussitôt celui qui les aborde.
* S’installer dans un palace pékinois est quasiment une obligation de travail. Les Chinois adorent la flambe et tout ce qui en impose.
* De même, inviter ses interlocuteurs dans un grand restaurant. Tant mieux, ils sont hors de prix. Au final, commander la bouteille de cognac. En retour, ils inviteront peut-être aussi à table. Mais pas plus. Jamais ils ne proposeront de venir chez eux ou de partager un week-end, trop inquiets de ne pas être à la hauteur.
* Se faire imprimer des cartes de visite en chinois. La distribution est systématique avec ses nouvelles rencontres. On la donne posée dans la paume de ses deux mains jointes, en inclinant la tête.
Pékin, deux, trois, soleil !
A voir si vous avez….
Une heure
Impossible de ne pas se rendre sur la place Tien an Men. C’est le centre de Pékin, grande comme un département. La Cité impériale, le portrait de Mao, le Parlement, tout est là. Y compris la foule des Chinois qui, visitant Pékin, adorent cette matérialisation de leur gloire. C’est leur arc de triomphe, leur drapeau et leur parti. Adhésion totale exigée.
Une journée
Tôt le matin, leçon de gymnastique collective dans n’importe quel parc de la ville. Après la place Tien an Men, poussez les portes de la Cité interdite. On peut y passer la journée, à imaginer le maître du monde et ses 9 000 gens qui résidaient dans cette ville à l’intérieur de la ville. Ensuite, shopping dans l’un des centres commerciaux où l’on achète tout, des contrefaçons autant que de vrais pulls en cachemire, chemises, CD, bijoux…, à prix défiant toute concurrence. Le soir, dîner chez Lam, le restaurant bar boîte dessiné par Stark. Délirant et hors de prix.
Un week-end
Pousser jusqu’à la grande muraille. Les entrées les plus accessibles sont à une soixantaine de kilomètres de Pékin. C’est vraiment impressionnant de découvrir ce monument unique au monde. Sur la route du retour, arrêt obligé sur le site des tombes des empereurs Ming, une longue allée au bord de laquelle reposent les maîtres de l’Empire du Milieu. Le dimanche matin, rendez-vous au grand marché. Peintures, artisanat, porcelaines, sculptures… Il y a tout et c’est un vrai bonheur.
Pratique
* Y aller. Air France (36 54 et www.airfrance.fr, Air China (01 42 66 16 58 et Cina Eastern Airlines (01 44 86 03 00 et www.ce-air.com assurent des vols quotidiens entre Paris et Pékin. Le vol dure 11 heures.
* Formalités. Visa obligatoire.
* Heure. Quand il est midi en France, il est 18 heures en été, 19 heures en hiver.
* Argent. Le yuan vaut environ 0,10 €.
* L’aéroport est à 22 kilomètres du centre. Compter une bonne heure et 40 €.
Se renseigner. Office du tourisme de Chine (01 56 59 10 10 et www.otchine.com.