Pendant les travaux, la vente continue !

91

Voilà quelques mois, notre chroniqueur spécialisé dans l'aérien Jean-Louis Baroux, évoquait à mots couverts la bataille des alliances et des fusions qui allait s'engager dans l'aérien. Il prenait alors pour exemple ce qui se passait dans l'univers du ferroviaire où, malgré des "associations d'intérêt" au sein d'entreprises communes (Thalys, Eurostar...), la concurrence se mettait en place. Entre coups bas et déclarations communes, il fallait lire entre les lignes les premiers couplets d'un "je t'aime moi non plus" assassin. Le rail n'est pas le seul mode de transport dans ce registre !

Globalement, on assiste aujourd'hui, lentement mais, sûrement à une remise à plat du transport aérien. Que voit-on ? Des rapprochements économiques, des volontés de rachats, des interventions bancaires voire même des idées loufoques pour faire parler de soi. Il suffit de regarder autour de soi pour comprendre que si le transport aérien est victime d'une crise économique, lente mais très présente, il reste cependant suffisamment vigoureux pour attirer les convoitises. Prenons le cas de l'anglaise BMI. À ce jour, elle est toujours en difficultés financières et sa mise en vente devrait rapidement se concrétiser. Pour un investisseur, on l'a déjà vu, racheter une entreprise en crise est toujours une tâche complexe. Visiblement pas pour British Airways ou Etihad : les deux compagnies sont persuadées qu'au-delà des pertes financières, il faut regarder les atouts de l'entreprise que ce soit en matière de slots à Heathrow ou en nombre d'avions susceptibles de réintégrer la flotte de l'acheteur, voire plus simplement en projet de re-développement de lignes low cost. Même analyse pour la TAP. La compagnie portugaise suscite bizarrement l'intérêt des deux mêmes compagnies. Peut-on dire qu'il n'y a pas de fumée sans feu ou que la stratégie de développement de ces deux compagnies passe t-elle par l'intégration d'un maximum de concurrents au sein d'un groupe unique ? Sans doute, si on lit les avis d'experts. Au demeurant, nul besoin d'être grand clerc pour savoir qu'Etihad, la compagnie d'Abu Dhabi, dispose de beaucoup d'argent et de pas moins d'envies. On susurre d'ailleurs qu'après les difficultés économiques traversées par Dubaï, l'Emir d'Abu Dhabi posséderait une grosse participation dans la compagnie Emirates, en gage de garantie des fonds avancés à son cousin pour sortir de la crise. C'est sans doute ce qui explique aujourd'hui qu'Emirates ne se soit pas directement positionnée sur le tapis de jeu du rachat d'autres compagnies aériennes.

Bien sûr, toutes ces fusions et acquisitions devront porter leurs fruits pour éviter de coûter trop d'argent aux repreneurs. Mais est-ce là, la vraie question ? Sans doute que non. Car au final, diminuer le nombre de compagnies aériennes sur son propre marché ou récupérer des slots indispensables à son développement n'a pas de prix. Le groupe formé par Iberia, British Airways et American Airlines (qui est le maillon faible du groupe) a beaucoup d'ambition sur le marché mondial du transport aérien. De l'Amérique du Sud à l'Asie, la bataille se fera sur la capacité de ces groupes à répondre instantanément aux besoins du marché et au prix souhaité par le consommateur, qu'il soit grand public ou professionnel. Air France l'a compris depuis longtemps mais reste encore incapable d'appliquer une stratégie lisible, tant pour ses concurrents que pour ces investisseurs. Le retour de Jean-Cyril Spinetta aux manettes devrait bousculer le paysage européen tant ses idées ont toujours été claires, à l'image du rapprochement avec KLM, "il faut être audacieux et prendre des risques dans cet univers où tout est calculé". Tout cela n'est donc qu'un début, il faut continuer le combat !

Hélène Retout