Plus de la moitié des clients de la SNCF obtiennent satisfaction chez le médiateur

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Dans l’indifférence générale jusqu’à présent, le Médiateur de la SNCF a publié son rapport 2015, disponible sur internet. DeplacementsPros.com est a priori le premier média à le commenter. On y apprend que les clients ont vraiment intérêt à ne pas se satisfaire des réponses de la SNCF ! Comme les années précédentes, nous avons sollicité notre chroniqueur ferroviaire pour un nouveau Coup de Pat

Le Médiateur de la SNCF a publié son rapport 2015 et le document est en ligne sur le site des Médiateurs de services au public   depuis le 1er avril. Comme l'an dernier et le rapport 2014, une lecture entre les lignes permet de se poser les bonnes questions sur la relation clients du transporteur public. Laquelle n’est ni meilleure, ni pire que celle de nombreuses entreprises. Mais comme il s’agit de la SNCF…
 
Plus d’un client sur deux obtient satisfaction… chez le Médiateur.
 
Mauvaise nouvelle ! Car pour que le Médiateur soit appelé à la rescousse, cela signifie que le voyageur s’est vu opposer une réponse négative à l’issue de sa première requête auprès du Service Relations Clients (si ce n’est une deuxième quand il insiste à ce niveau).
 
56 % des prises de position initiales des services de la SNCF retoquées par le Médiateur en 2015. 52 % en 2014 et 2013, 53 % en 2012, 50 % en 2011, 47 % en 2010.
 
Une tendance à la hausse qui pourrait être synonyme d’un durcissement de la SNCF lorsqu’elle est saisie d’une réclamation, d’un dysfonctionnement ou encore sollicitée pour une mesure particulière adaptée à une situation elle-aussi particulière.
 
Demandes a priori sinon légitimes au moins recevables malgré le refus opposé en première intention, conduisant le Médiateur à être plus ouvert ou tout simplement plus souple (33 % de satisfaction totale de la demande de la part du Médiateur là où la SNCF n’avait initialement vu que motif à refus !).
 
Tendance potentiellement inquiétante en termes de politique de relation client car 64 % des saisines du Médiateur ne concernent finalement que les basiques du voyage et donc les promesses faites au voyageur et payées par ce dernier : confort à bord, services, retards…

Un rapport étayé par les suites données à quelques saisines
 
Sur les 4 842 avis qu’il a rendus, le Médiateur n’expose dans son rapport que les tenants et aboutissants de 9 d’entre eux. 4 avec une suite favorable de sa part, 5 avec maintien de la position initiale de la SNCF.
 
Nous en retiendrons ici trois, porteurs d’un message subliminal.
 
Le réclamant n’est pas toujours considéré a priori de bonne foi
 
Dans le résumé d’un dossier sélectionné, on lit que suite à la mise en circulation d’un rame OUIGO différente de celle prévue, le trajet a été effectué debout par plusieurs voyageurs. Réponse du Service Clients à l’un d’entre eux pour lui refuser une juste compensation : "Votre nom ne figure pas sur la liste des passagers ayant voyagé sans place assise ".  Après enquête, le Médiateur constatera pourtant que le voyageur avait bien subi le dysfonctionnement même si son nom ne figurait pas sur la liste !
 
Peut-être hélas assez significatif de refus faits à l’emporte-pièce à des clients en raison de normes, référentiels, règlements, interdits, conditions, procédures… dont la SNCF est avide. Il est évident que si elle n’enquête pas un minimum quand elle reçoit une réclamation, elle risque bien de répondre parfois à côté. Dans un séminaire de l’Amarc, association professionnelle avec laquelle collabore la SNCF, l’animatrice relations clients d’une grande entreprise (américaine !) témoignait que, sauf à devoir ensuite en payer le prix fort par une mauvaise image, à choisir mieux vaut rembourser ou indemniser à tort  que de contester la réalité du dysfonctionnement invoqué par un client.
 
Déjà en 2012, le Médiateur avait souligné que : "Lorsque le client réclame un dédommagement du fait d’un aléa lors de son voyage (défaut de confort, gênes diverses…), il lui est souvent opposé un refus au motif que son billet n’est pas annoté par le contrôleur".
 
Prendre en compte la bonne foi d’un réclamant fait pourtant partie du B.A.-BA de la relation client.
 
Il est heureux que le réclamant ait finalement obtenu satisfaction auprès du Médiateur. Un avoir en Bon Voyage de 20 % du prix de son billet, ce qui ne devrait pas mettre en péril le modèle économique OUIGO. Mais compte-tenu du niveau d’efforts que le client a dû accomplir pour le succès de ses prétentions, il ne manquera pas de percevoir l’aboutissement de sa démarche comme une victoire à l’arraché. Davantage que par une reconnaissance et une mesure de fidélisation de l’entreprise, ce qui est donc au final contre-productif. Commercialement, le mal reste fait. Même chose pour tous les voyageurs concernés par les quelques 2 700 réponses initiales de toutes natures réévaluées par les bons soins du Médiateur.
 
Cela dit, la SNCF traite de l’ordre d’un million de réclamations grandes lignes par an (pour 130 millions de voyageurs) quand le Médiateur n’est saisi que de quelques milliers d’entre-elles. Les volumes soumis à la Médiation sont donc trop faibles pour que cela puisse avoir une valeur statistique certaine, mais il n’y a pas de fumée sans feu.
 
Le réclamant n’a pas toujours le droit à l’erreur.
 
Un voyageur passe une commande sur le site de la SNCF. Paiement en ligne par carte bancaire. Sauf e-billet dématérialisé, la carte bancaire utilisée lors de la commande est nécessaire pour procéder au retrait du titre de transport. Sages protections et précautions pour parer à toute utilisation frauduleuse par un tiers des coordonnées bancaires d’une carte de paiement.
 
Sauf que, chaque jour dans toutes les gares et en raison de toutes sortes d’aléas ou de situations particulières, le voyageur n’est pas toujours en possession de sa carte bancaire. Dans l’affaire que le Médiateur relate, le voyageur avait dû mettre entretemps en opposition bancaire la carte utilisée pour le paiement en ligne. Ce qui l’empêchait donc de retirer son achat et ne lui a pas laissé d’autre choix que d’acheter et de payer un nouveau billet.
 
Ayant dû payer deux fois pour ne voyager qu’une fois, le client réclame le remboursement du voyage non retiré. Il obtient satisfaction du Service Relations Client. Mais pas en monnaie sonnante et trébuchante. Seulement sous forme d’un avoir en Bon Voyage. Insatisfait de ce mode de remboursement (sur le plan comptable il ne s’agit en fait que d’un rabais, remise, ristourne à faire valoir sur un prochain voyage dans le délai d’un an), il saisit le Médiateur.
 
Refus de ce dernier au motif qu’aucune faute n’est imputable à la SNCF. Certes ! Mais le client n’aurait donc pas le droit à l’erreur, autre fondamental de la relation client ? Dommage.
 
Dure est la loi, mais c’est la loi. Enfin, pas toujours
 
1 465 saisines du Médiateur en 2015 ont concerné des procès-verbaux d’infraction. Dans 36 % des cas, le Médiateur a demandé le classement sans suite. Et dans 43 % des cas, minoré l’infraction.
 
Le Médiateur n’est pas un magistrat et n’intervient pas dans un cadre juridique mais au total 79 % de décisions réformées ou déqualifiées par ses soins ne devraient pas laisser sans interrogation la SNCF.
 
Car ce que le Médiateur décide en faisant preuve de tolérance et d’empathie, pourquoi le service dédié au traitement des infractions (voyageurs sans billets ou sans billet valable et tutti quanti) ne pourrait-il le faire ?
 
On sait que la lutte contre la fraude  est devenue une priorité de l’entreprise publique. Mais un voyageur en situation irrégulière  n’est pas forcément un fraudeur. Les "remises de peine" du Médiateur tendent à le confirmer. Même le Défenseur des droits s’en mêle parfois.
 
Vouloir bouter les fraudeurs hors des trains est une chose, faire preuve de discernement en est une autre.
 
Dans son rapport 2009, le Médiateur préconisait d’ailleurs déjà : "Instaurer un droit à l’erreur en matière d’infraction à la police des chemins de fer ".  Et avant, en 2007, il proposait que la SNCF engage une réflexion afin que les services de recouvrement des procès-verbaux adoptent un esprit clientèle plus développé.
 
Ambiance !
 
Des propositions du Médiateur qu’il faudra suivre dans la durée.
 
Traditionnellement, le Médiateur ne se contente pas de proposer la meilleure solution à des cas individuels. Il suggère des pistes d’amélioration pour réduire les points de friction les plus récurrents. Démarche qui relève également de la mission du Service Relations Clients, sur un volume de cas autrement plus conséquent. Espérons que dans cette masse de données remplaçant toutes les enquêtes de satisfaction les situations conflictuelles qui se répètent fassent l’objet d’une analyse poussée en vue de correctifs en amont. Si on en juge par la répétition des mêmes cas d’un rapport annuel du Médiateur à l’autre, rien n’est moins sûr.
 
- Généraliser le Bon Voyage dématérialisé
 
IDTGV  (entreprise juridiquement distincte de la SNCF) et aussi OUIGO   (marque de service de SNCF Mobilités) émettent déjà des avoirs dématérialisés pouvant être utilisés sur leurs sites de commande en ligne. Cohérent et logique puisqu’aucun autre mode de distribution des titres de transport n’est proposé pour ces trains spécifiques.
 
Mais quid de la SNCF maison-mère ? Elle fait tout pour inciter le voyageur à commander sur son site afin d’économiser sur le nombre de ses points de vente dans les gares et ses boutiques. Mais, comme le souligne le Médiateur, la valorisation de ces Bons Voyages papier n’est possible qu’en face en face avec un vendeur.
 
Puisque techniquement la SNCF démontre qu’elle sait faire chez IDTGV et pour OUIGO, pour quelle raison ne généralise-t-elle pas cette dématérialisation ? La réponse de la SNCF au Médiateur sera normalement dans le rapport de l’année prochaine.
 
A noter,  Captain Train se débrouille pour accepter les Bons Voyage malgré son mode de distribution également 100 % à distance. Faire bien ou mieux ce que le concurrent déjà installé fait mal, c’est le moteur des jeunes pousses (startup).
 
- Communiquer davantage en amont sur les campagnes promotionnelles
 
Le Médiateur cite le cas d’une voyageuse qui attendait une promotion annuelle habituelle dite "Petits gratuits" lui permettant en tant que  titulaire d’une carte commerciale Senior + de faire voyager gratuitement avec elle un ou deux enfants dans la période estivale. Elle fut soucieuse d’anticiper dès le mois de mai ses réservations pour juillet au tarif habituel. Sage précaution en période de pointe, conforme aux recommandations de la SNCF. L’offre ne sera finalement proposée dans les canaux de vente que fin juin. Le Service Relations Clients en refusa assez logiquement un bénéfice rétroactif. Position que le Médiateur confirmera.
 
Pour contrer cette déception / insatisfaction, le Médiateur préconise par contre que les campagnes promotionnelles soient annoncées plus en amont de leur période de validité.
 
On verra ce que la SNCF répondra à cette requête de son Médiateur. Mais il est vain d’imaginer qu’elle puisse lui donner satisfaction.
 
Les seuls tarifs et réductions opposables sont ceux du document Tarifs Voyageurs. Le reste, ce sont des promotions ponctuelles pour stimuler les ventes si elles ne décollent pas ou solder les dernières places.
 
Bernard Cieutat, le Médiateur, est certainement épris de service public. Mais là, il sort de son pré-carré en se mêlant de mercatique, de politique commerciale.
 
Que sont devenues les propositions 2014 du Médiateur ?
 
C’est par ce chapitre que se termine le rapport 2015. Bonnes questions !
 
- Service bagages à domicile
 
La question était de savoir si le chauffeur allait ou non jusque la porte de l’appartement prendre en charge les bagages. La réponse est plutôt non. Du moins laissée à l’appréciation du chauffeur. Un ajout dans les Tarifs Voyageurs sur les modalités de prise en charge des bagages est venu enfoncer le clou.
 
- Politique de groupe lorsqu’un incident affecte plusieurs transporteurs SNCF
 
L’interpellation du Médiateur en 2015 concernait l’organisation de l’acheminement des voyageurs par report sur d’autres circulations en cas de perturbations, selon qu’ils soient clients SNCF (lire TGV), IDTGV ou OUIGO. Le Médiateur avait longuement relevé dans son rapport 2015 que les uns et les autres n’étaient pas traités avec les mêmes facilités de report d’un train à l’autre et devaient parfois acquitter un autre titre de transport. La SNCF fait amende honorable. Elle promet de mettre tout en œuvre pour que chaque client soit acheminé à sa gare de destination sans acheter de billet complémentaire. Une politique de groupe, comme la nomme le Médiateur. Et la SNCF de préciser que si le client a tout de même acheté un autre billet, le service clientèle du transporteur défaillant étudiera la demande de remboursement au cas par cas. C’est dit ! Mais parions que le Médiateur aura assurément encore des cas à trancher contre l’avis au cas par cas (sic) du transporteur défaillant. Déjà en 2008, le Médiateur demandait à la SNCF de "mettre en place une politique globale de l’après-vente" !
 
- Exécuter dans des délais raisonnables les avis du Médiateur
 
Une réclamation du Médiateur pour compte propre.
 
Il semble qu’il n’y ait pas que les trains qui sont parfois en retard. A priori, certaines décisions du Médiateur prennent les chemins de traverse et se perdent ou prennent du retard dans les méandres de l’entreprise.
 
Les amateurs du genre liront page 17 du rapport du Médiateur la réponse emberlificotée de la SNCF.
 
PAT
 
(*) Le service de presse de l’entreprise publique a informé notre rédaction que le rapport serait officiellement présenté le lundi 18 avril.
(**) Patrick Le Rolland alias Pat a exercé pendant plusieurs années des fonctions d’encadrement au sein du Service Relations Clients SNCF. Il est l’auteur du recueil 130 lettres caustiques et cocasses à la SNCF, publié en avril 2013 aux Editions La Vie du Rail. La typologie des clients réclamants de la SNCF n’a plus de secrets pour lui et il leur reconnait volontiers quelques bonnes raisons de se plaindre et parfois d’insister.