Pour gagner de l’argent dans le transport aérien, mieux vaut diriger un low cost!

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Dernière chronique de l'année pour notre ami Jean-Louis Baroux et s'il faut faire un bilan de ces derniers mois, Jean-Louis n'hésite pas. Pour les dirigeants comme pour les compagnies elles-mêmes, si l'on veut gagner de l'argent dans cette industrie, mieux vaut diriger un transporteur low-cost! Démonstration.

Le transport aérien n’arrive pas à se stabiliser. Il oscille entre des alliances à périmètre variable, des restructurations douloureuses, des rachats et regroupements et il faut le rajouter des créations de nouvelles compagnies. Bref on a l’impression de petits pois dans une marmite. La conséquence est la recherche de la survie et l’un des moyens consiste à couper dans les rémunérations des salariés. Or, comme il faut bien donner l’exemple, les dirigeants sont les premiers touchés. C’est ainsi que le Président d’Air France a renoncé à ses bonus et que celui de Lufthansa a préféré abandonner la profession pour diriger un laboratoire pharmaceutique.

Il est néanmoins un secteur stable dans son périmètre et florissant dans ses résultats : ce sont les «low costs», si décriés lorsqu’ils sont arrivés sur le marché. En fait je parle essentiellement de Southwest et Jet Blue aux Etats Unis, d’EasyJet et Ryanair en Europe et de Air Asia en Asie. Je pourrais bien entendu citer une dizaine d’autres transporteurs en pleine expansion, mais si je choisis ceux-là, c’est parce qu’ils ont fait la preuve de leur longévité et celle-ci n’a pas entamé leur rentabilité.

Les derniers résultats de 2012 sont à cet égard éloquents. Convertis en €, la palme revient à Ryanair avec 569 millions, suivi par Air Asia 451 millions, puis Southwest 312 millions, EasyJet 280 millions, mais le résultat de cette dernière à doublé pour l’exercice 2012-2013, Jet Blue fermant la marché avec un petit 98 millions dont tout de même beaucoup de compagnies se contenteraient.

La conséquence pour les dirigeants est l’envolée de leurs rémunérations. Certe,s il est toujours difficile d’avoir des informations précises, mais Ryanair tout comme EasyJet publient celles de leurs dirigeants. Eh bien la palme revient à Carolyn Mc Call la CEO d’EasyJet, nommée à ce poste depuis le 24 mars 2010. Pour le dernier exercice son revenu s’est avéré très confortable : un salaire de 665 000 £ soit un peu plus de 788 000 € ce qui est comparable à celui du Président d’Air France/KLM, mais à cela se sont rajoutés une provision pour pension de 47 000 £, un bonus versé en cash de 637 000 £ et autant en actions de la société. Tout bien compté, cela fait une rémunération annuelle de 1 986 000 £ soit 2 353 000 €. Pas mal tout de même. Son collègue de Ryanair le flamboyant Michael O’Leary doit se contenter d’un salaire de 768 000 € et d’un bonus de 504 000 € ce qui fait un total encore estimable de 1 272 000 €.
Voilà bien la revanche des petits nouveaux sur les gros. Beaucoup de dirigeants de compagnies régulières même parmi les plus importantes souhaiteraient bénéficier de rémunérations de ce genre. Seulement l’état de leurs compagnies ne le leur permet pas.

Alors certes, ces bons résultats sont obtenus en partie par une modération salariale notoire comparée aux émoluments versés par les transporteurs traditionnels. Un co-pilote de Ryanair recevra un salaire compris entre 5 000 et 6 000 € alors que son collègue d’Air France touchera près du double. Le rapport avec les commandants de bord est identique : entre 7 000 et 10 000 € chez Ryanair contre 17 000 € à 20 000 € chez Air France. Certes rien n’est vraiment comparable. La rémunération moyenne d’Air France intègre les pilotes sur court mais aussi sur long courrier. Au sein de la compagnie nationale le calcul de la rémunération se fait sur une base assez complexe dont les principales composantes sont la masse de l’avion et sa vitesse. Ce qui entraine mécaniquement un niveau particulièrement élevé chez les commandants de bord de A 380 : de l’ordre de 27 000 € par mois. Les pilotes de Ryanair doivent se contenter de piloter des Boeing 737.

Mais les faits sont là. La bonne santé des entreprises passe par un modèle nouveau. Or ce n’est pas demain que les pilotes des transporteurs traditionnels vont renoncer à leur rémunération, et ce qui est vrai du personnel navigant peut s’étendre à toutes les catégories de personnel.
En conséquence, ce n’est pas demain que les dirigeants des grandes compagnies traditionnelles toucheront des rémunérations comparables à celles de leurs collègues à la tête des «low costs».

Jean-Louis BAROUX