Pourquoi complexifier le voyage d’affaires alors qu’il est si simple ?

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Les Américains sont surprenants si l’on compare leurs habitudes à celles plus latines de pays européens comme la France ou l’Italie. Là où nous complexifions la réflexion et le travail, ils se bornent souvent à chercher la simplicité voire la facilité, au risque de bousculer leurs habitudes de travail.

Les dernières grandes présentations qui se sont déroulées dans les universités américaines entre le début mai et la fin juin, qu’ils s’agissent des In’Day ou du TravelLab, démontrent que chacune des fonctionnalités propres au voyage qu’il soit d’affaires ou de loisir doit pouvoir se traiter aisément sans mettre en route une machine infernale en termes de coûts ou d’organisation.

Si l’on regarde la plupart des start-ups qui réussissent aujourd’hui, on se rend compte que toutes n’ont pas inventé la poudre ou une méthode de travail révolutionnaire mais que toutes se sont appuyées sur la même idée : faire simple. Quand on écoute les gourous américains des nouvelles technologies, on comprend vite qu’ils s’appuient avant tout sur le besoin et non sur le chemin qui conduira au résultat. L’exemple le plus frappant est celui donné par Airbnb qui a rappelé que depuis des générations la notion de location d’un bien meublé est inscrite dans notre histoire. Il fallait simplement mettre en place des outils qui simplifient l’échange entre particuliers ou les professionnels pour que l’aventure se mettent en route. L’efficacité du résultat prime. Idem pour les VTC ou le covoiturage.

Le monde semble découvrir aujourd’hui le collaboratif. La plupart des conférenciers l’ont rappelé : "Ce n’est pas le collaboratif qui est à la mode, mais la méthode désormais utilisée pour l’optimiser". Au-delà de ce constat, on voit bien que la majeure partie des entreprises américaines reconnaît que les déplacements professionnels doivent se simplifier au maximum pour ne pas peser en ressources humaines au sein des directions Achats. La technologie est devenue naturellement la seule réponse potentiellement acceptable à toutes ces questions.

C’est cette fameuse simplification que j’évoquais en introduction qui nous surprend. Que disent les Travel managers ? "Le Online doit nous permettre d’acheter très vite, au meilleur prix, avec toute la sécurité due à nos voyageurs d’affaires tout en nous permettant d’avoir un regard quasi permanent sur la dépense et le retour sur investissement". Projet simple dont la réponse est compliquée. Et ils sont unanimes pour dire que "l’innovation est la première marche à l’évolution des process".

Ainsi posée, le besoin devient plus clair et d’une certaine manière, la réponse plus proche. Si l’on regarde ce qui se fait en France, ou en Allemagne, on se rend compte que la problématique prend plus de place que le résultat à atteindre. Pour beaucoup de Travel Managers français, l’achat de voyages est d’une complexité rare et demande des investissements importants pour atteindre un début de réponse. La liste des problématiques posées dans notre pays est sans fin : la sécurité, l’achat au meilleur prix, la disponibilité sans oublier une foultitude de détails que l’on retrouve dans le monde de l’hôtellerie.
Pour nos amis américains, la problématique est totalement différente. Si la sécurité reste essentielle, elle sait être modulée. Ainsi, une entreprise US fera le choix d’un outil qui évite de se poser des questions au moment du déplacement. Un pragmatisme nécessaire pour se concentrer sur l’essentiel : le business.

Il reste à déterminer la valeur des outils qui arrivent sur le marché. Une jeune start-up californienne vient de créer une application qui, associée à SBT, permet l’émission en temps réel, via un smartphone, d’un signal de localisation que le voyageur d’affaires peut activer en cas de danger. Nouveau ? Pas du tout. Ce qui le devient, c’est un tracking collaboratif qui permet à d’autres voyageurs de venir en aide à celui qui se déclarera en difficulté. Différence fondamentale, cet outil est ainsi une sécurité de plus pour le salarié américain. En Europe, il serait immédiatement perçu comme un simple mouchard. Une atteinte aux libertés. La vision culturelle est une composante de taille dans l’innovation voyage.

Autre remarque intéressante formulée par les jeunes pousses américaines : Internet a fait basculer les acheteurs dans deux mondes parfaitement différents. D’un côté les moins de 35 ans, proches du voyage digital, les autres entre 45 et 55 ans, parfois dépassés par les technologies, qui se bornent à verrouiller les process plutôt qu'à les ouvrir. Aujourd’hui, ces deux mondes s’affrontent. Demain, il n’en restera plus qu’un très largement ouvert sur l’imagination constructive. Un grand classique de la querelle des anciens et des modernes.

Preuve de ces évolutions outre-Atlantique, le métier de Travel manager disparait au profit de celui d’acheteur (buyer) dont le champ d’action est élargi. Née aux Etats Unis, la fonction TM est ainsi naturellement remplacée par une nouvelle, sans état d’âme. En France, nous en sommes à peine à la reconnaissance du TM. Sans doute nos dix années traditionnelles de retard avec nos cousins d’Amérique.

A Stanford,
Philippe Lantris.