Quand la pub pollue le parcours du voyageur d’affaires

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Un chiffre révèle à lui seul la situation : 97. C’est le nombre de panneaux, d'annonces ou d’affiches publicitaires que croise un voyageur d’affaires qui prend un taxi place Charles de Gaulle à Paris pour se rendre à Roissy. Ajoutons à cela les affichages mobiles peints sur les camions et les voitures, ceux installés au sein de l’aéroport, ceux présents sur les écrans dans les avions et qui, généralement, précédent le film… Sans compter les pages de pub dans les magazines de bord. Voire celle du wifi! Trop c’est trop, non ?

Ce sont deux étudiants en communication qui se sont amusés à mesurer l’exposition publicitaire d’un voyageur entre son point de départ et le point d’arrivée. Pourquoi un voyageur ? Tout simplement parce que c’est le profil le plus soumis à la pub. Pendant un déplacement en France, comme à l’étranger, son regard va croiser toutes sortes d’annonces. Des plus drôles au plus insipides !

Au-delà, si l’on ajoute les tunnels de la télévision (entre 4 et 11 minutes par heure, selon le diffuseur), les coupures permanentes des grandes chaînes qui flirtent avec la ligne rouge de la loi… On se rend compte que globalement, on est exposé près de 124 minutes par jour par la pub. C’est effrayant et impossible à éviter. A l’heure de l’internet où le spam est devenue la règle d’or du dialogue marchand, on se demande si trop de pub ne tue pas la pub.

Selon les experts, il n’en serait rien et les nouveaux médias digitaux comme YouTube ou DailyMotion truffent les écrans de pubs pour être certains de ne pas perdre une miette du gâteau. Résultat, jamais le téléchargement illégal n’a aussi bien marché. Il évite les écrans intempestifs et permet au spectateur de se reposer des soupes en pot, des glaces alléchantes et autres curiosité alimentaire. Mais il faut se méfier des experts. Rares sont les cabinets d'études dans les médias qui n'appartiennent pas à des structures proches de très grandes agences de pub.

Pour un voyageur, l’effet est amplifié selon les pays où il se rend. Vers l’Asie, un passage en Inde lui apportera l’exotisme faute de comprendre la teneur (assez débile) des messages. Au Japon, il imaginera le produit et se contentera d’une vue d’ensemble. Ailleurs, comme en Chine, où les balbutiements de la pub montrent que tout est à faire, c’est l’originalité des scenarii qui séduira. Bref, son exposition à la pub doublera mais avec, au final, quelques satisfactions, autour de l'exotisme.

Que retiendra notre voyageur de ce bombardement d’images ? Sans doute pas grand-chose. Bien des études démontrent que les cadres sont moins sensibles à la pub que les autres et que, lorsqu’une mission est prenante, elle permet aux voyageurs de trier son environnement visuel. Sur 20 panneaux présents dans un aéroport sur un parcours de pré-embarquement, seule une marque a été retenue par dix voyageurs d’affaires. Et encore, pas toujours la même !

Pierre Barre