Quand les compagnies aériennes nous arnaquent sur la surcharge carburant

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Une phrase pourrait à elle seule résumer le contenu de cet article : «Le prix du kérosène est en chute libre». Concrètement, après avoir baissé de 2,2% à 1,94 € le gallon (4 litres), il est à son prix le plus bas depuis décembre 2010, date de la mise en place des premières surcharges carburant. En avez vous constaté la suppression ? Et la lecture d’un billet d’avion démontre s’il le fallait que les hausses déguisées font finalement partie du quotidien des acheteurs de voyages !

Rien ne vaut un exemple pour comprendre les ce que cela représente dans les faits. Prenons le cas d’un Paris Miami sur American Airlines. Sur ce tronçon, les prix en vols directs sont élevés faute d’une réelle concurrence. Pour éviter la dernière minute, nous avons réservé un billet en classe éco, départ le 17 janvier 2015 et retour le 21 avec une nuit de samedi à dimanche. Prix affiché TTC : 680,77 €. Si l’on détaille le prix, on se rend compte qu’il y a 380,77 € de taxes pour 300 € de transport, soit 150 € par segment. Quatre fois moins cher qu’un Paris Londres en Eurostar en 1ère. Si l’on cherche à comprendre ce que contient l’intitulé « taxes », pas de chance, le site ne détaille pas. Il faut gratter longtemps pour découvrir que la quasi totalité de la taxe, près de 300 €, sont consacrés à la "surcharge carburant". Et si l’on poursuit le calcul, en comparant l’offre tarifaire d’avec celle de 2008 (avant la généralisation des surcharges), le prix du transport seul ne dépasse pas 210 € soit 105 € par segment volé. Futée, American Airlines ne descend pas aussi bas dans l’analyse du prix. Du moins nous n’avons rien trouvé sur son site !

Plus transparente, Air France indique sur le même vol, aux mêmes dates, une surcharge carburant de 294 € pour un tarif global de 847,51 €, soit un écart en défaveur de la compagnie française de 166,74 € pour un montant global de taxe de 401,51 €. On retrouve ici l’effet de la taxe Chirac mise en place en 2006 sur les vols en classe éco. Le même exemple en business sur Air France donne un prix de 2889,66 dont 525,66 € de taxes pour une "surcharge carburant" de 385 €. Soulignons d’ailleurs qu’AF est l’une des très rares compagnies à afficher une transparence totale sur le montant des taxes et surcharges.

Au-delà de ces deux exemples parlants, on se retrouve avec des situations ubuesques comme celles que l’on peut constater sur les billets proposés en prix d’appel par Ryanair et où le coût du transport est globalement inférieur à 2 € ! Idem sur la plupart des low cost qui utilisent le tarif le plus bas comme outil marketing, se réservant le droit d’en limiter le nombre à bord.

Sur les départs province, les écarts sont plus parlants. Prenons l’exemple d’un Nice/Miami A/R aux dates déjà évoquées, en classe éco au tarif le plus bas. Montant du billet proposé par Lufthansa, 600,38 € dont 427,38€ de taxes soit 173 € de transport. 86,50 € par segment. Le prix d'un Paris/Lyon en TGV. Dans ce cas, si l’on détailler bien plus finement l’accumulation des taxes au départ de la province, on constate qu’elles se cumulent pour certaines: taxes françaises et taxes allemandes viennent peser sur le montant final payé par le passager. Pour la compagnie, face à la concurrence des marchés, il est impossible pour la compagnie allemande de vendre au-delà des tarifs moyens pratiqués sur le marché un billet qui, à la base, ne lui rapporte pas grand-chose.

À l’évidence, on pourrait démultiplier à l’infini ce type d’exemple ou l’intégration de la surcharge carburant dans la ligne « taxes » démontre à quel point le prix du kérosène est devenu une marge quasi nette pour les compagnies aériennes. Il est vrai que le carburant représente entre 30 % et 42% du coût d’exploitation d’un vol. Mais le calcul est erroné. A priori on est en droit d’imaginer que le prix du transport prend déjà en compte l’amortissement de l’appareil utilisé et le coût global du carburant nécessaire pour le faire voler. Comme le faisait remarquer il y a peu Jean-Louis Barroux, dans un appareil de 300 places sur un vol long-courrier, ce sont en moyenne 90 000 € qui sont perçues au titre de la surcharge. Ce qui est plus inquiétant, c’est qu’au final personne ne se s’étonne de la situation.

Ce serait une lapalissade de dire que la rentabilité des classes avant, à taxes et surcharges légèrement plus élevées, apparaît ainsi plus évidente et explique à elle seule la bataille qui se porte sur ce créneau. Mais au-delà, si l’on regarde l’univers du low cost, qui ne bénéficie pas forcément de taxes réduites pour exploiter ces appareils, on comprend aisément que seul un volume massif de voyageurs peut permettre une rentabilité de ces compagnies. De fait, l’un des enjeux pour les compagnies régulières est de délester sur des marques low-cost le court et le moyen-courrier qui demande en permanence de nouvelles lignes et de nouveaux process.

Marcel Lévy