Quel sort s’acharne sur les compagnies malaisiennes?

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Dire que 2014 aura été une année noire pour le transport aérien malaisien est une litote. C’est la plus belle série de catastrophes à laquelle un pays n’ait jamais eu à faire face. Qui plus est, chacune d’entre elles est différente des autres et pour tout dire inattendue.

La compagnie nationale a été la première frappée et de quelle manière !
 
Il y a tout d’abord la disparition du B 777-200ER immatriculé 9M-MRO, le 8 mars. A ce stade et après 9 mois d’enquête serrée, nous n’avons que très peu de certitudes. Nous savons qu’il y avait à bord  du vol MH 370 Kuala Lumpur-Pékin 227 passagers et 12 membres d’équipage. Nous savons également que l’équipage était expérimenté: 18.365 heures de vol pour le commandant de bord Zaharie Ahmad Shah âgé de 53 ans et plus de 2.000 heures de vol pour son co-pilote de 27 ans, Fariq Abdul Hamid. Nous savons aussi que le transpondeur de l’appareil a été délibérément coupé après 41 minutes et que le dernier contact radar a été enregistré par les militaires malaisiens après 1h34 de vol à 200 miles au nord-ouest de l’ile de Penang. Mais nous savons également que le satellite Inmarsat-3F1 a reçu un « ping » en provenance de l’avion après 7h30 de vol.
 
Or malgré ces constats, personne n’a pu localiser un quelconque débris de l’appareil. C’est comme s’il n’avait jamais été accidenté. Et c’est bien le drame non seulement pour les pauvres passagers, mais également pour leurs ayants droits, car on ne peut pas prononcer de succession en cas de disparition sauf à attendre 10 ans. Imagine-t-on les conséquences personnelles et économiques d’une telle situation ? Et puis tout cela laisse planer un doute sur la qualité d’une compagnie qui peut perdre tout simplement la trace d’un gros long-courrier.
 
Elle ne s’en n’était pas encore remise lorsqu’un deuxième malheur l’a frappée. Le vol MH 070 Amsterdam-Kuala Lumpur - opéré lui aussi par un B 777-200ER - a été abattu en vol le 17 juillet au- dessus de l’Ukraine entrainant la mort de 283 passagers et 15 membres d’équipage. Toutes les investigations montrent que l’appareil a été détruit par un missile tiré par les séparatistes ukrainiens, sans doute par erreur car on voit mal ces derniers cibler directement un appareil civil appartenant à un pays qui n’a absolument rien à voir dans le conflit. Mais enfin, on peut se demander pourquoi la compagnie avait-elle décidé de suivre cette route alors qu’habituellement les vols contournaient cette dangereuse zone.
 
On pensait que le pays avait été assez durement atteint pour cette année mais voilà qu’un vol de la compagnie Air Asia a été perdu le 28 décembre entre Surabaya et Singapour, entrainant la mort de 162 personnes à bord. Les conditions météo sont probablement la cause du drame et, bonne nouvelle si on peut dire, on a localisé l’appareil. Par conséquent il sera possible d’analyser les boîtes noires et de savoir très exactement ce qui s’est passé pour détruire cet A320-200.
 
Ainsi, sur seulement 5 catastrophes aériennes enregistrées en 2014, 3 - et les plus importantes, les plus dramatiques et les plus mystérieuses au moins pour l’une d’entre elles - ont frappé ce petit pays dans ce qu’il a de plus emblématique : son transport aérien.
 
Comment se remettre de tout cela? 50% des passagers ont peur en avion. Ne vont-ils pas déserter les transporteurs malaisiens au profit de leurs concurrents en se disant qu’après tout, « ils ont le mauvais œil » ? La reprise de confiance va prendre du temps. Certaines compagnies et non des moindres, je pense en particulier à Pan Am, ne se sont pas remises de malheurs de ce genre. D’autant plus que dans le cas de Malaysian Airlines, la compagnie était déjà en voie de restructuration sévère pour retrouver une profitabilité qui la fuit depuis plusieurs années.
La remontée va être très dure car la concurrence est sévère dans cette partie du monde, même si la croissance du transport aérien y est plus vive qu’ailleurs.
 
J’apporte à ces compagnies et à ce pays ma plus profonde sympathie en leur souhaitant pour l’année 2015 de retrouver rapidement la confiance de leurs passagers.
 
Jean-Louis BAROUX