Rentrée 2016: « crise et prix », deux mots qui reviennent dans le monde du voyage d’affaires

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Comme à chaque rentrée, les questions que se posent les acheteurs voyages sont directement liées à l’actualité qui s’annonce. Brexit, élections, état des marchés mondiaux, attentats, concurrence accrue sont à la une des échanges dans une population professionnelle traditionnellement plutôt discrète. 2016 n’échappe pas à la règle avec deux mots qui semblaient avoir perdus de leur force ces derniers mois : crise et prix.

Pessimistes, nos acheteurs ? A l’évidence, ils le sont à nouveau. Le regard qu’ils portent sur la fin de l’année et le début de la prochaine n’est pas rassurant. Depuis juin dernier, beaucoup évoquent les restrictions budgétaires et le resserrement des politiques voyages liés à la baisse des investissements. Le baromètre FCM Travel/DéplacementsPros qui sera présenté le 23 septembre prochain confirme que les voyageurs aussi sont inquiets. Les entreprises ne cachent pas leurs difficultés à conquérir de nouveaux marchés et la baisse des marges (-1,4%) n’est pas là pour rassurer.

Quelles sont donc les analyses que l’on entend ? La première tourne autour des prix, que ce soit pour les services fournis (TMC et agences de voyages non spécialisés) ou les frais liés aux déplacements professionnels. Côté agence, la spectaculaire montée en puissance d’Amex dans les grandes entreprises se résume en deux mots, signing bonus. Mais ne nous y trompons pas, toutes les sociétés de services se plient à ce passage obligé. Encore faut-il en avoir les moyens. Faire baisser les coûts d’acquisition du voyage est naturellement devenu une obligation. La formule plait dans les grandes entreprises. Amex a ainsi engrangé en quelques mois un grand nombre de nouveaux (ou d’anciens) clients comme Danone ou Orange.

Nouvelle orientation et non des moindres, le BTO (Business Travel Outsourcing) prend de l’ampleur. Certes, son développement reste modeste dans nos pays latins mais aux USA comme en Allemagne, on voit l’entreprise confier à des cabinets d’études le soin de mettre en œuvre les process et de négocier les meilleurs prix. Finis les appels d’offres aux TMC, tout est sous-traité : de l’audit à la mise en place des outils via l’analyse et/ou la formation des utilisateurs. Le coût global suffit au bonheur des financiers qui disposent de ratios clairs pour leurs déplacements professionnels. Qu’importe la méthode. Le risque est délégué.

Dans la mise en place de moyens pour arriver à faire baisser les coûts, on voit également monter en puissance les outils d’analyse du bien fondé d’un déplacement. Basés sur les résultats acquis et les intérêts financiers du client à terme (marges et rentabilité probables), ils permettent de déterminer le seuil de rentabilité du voyage. On ne parle plus de ROI direct mais de retour sur financement. Moins de voyages mais des séjours plus efficaces. Une lapalissade qui plait aux acheteurs.

Autre regard, l’optimisation du déplacement. Eviter le seul A/R de convenance pour mettre à profit le temps sur place. Là aussi, on se dit que ce n’est pas nouveau. Enfin, faire appel à des structures sur place pour jouer le rôle de correspondants commerciaux revient sur le devant de l’actualité. Mais peut-on remplacer le « face to face » ?. La question est aussi ancienne que le commerce moderne.

Faut-il en déduire qu’il y aura moins de déplacements en 2017 ? On peut le croire même s’il serait déraisonnable de faire des pronostics de ce type. Que disent les acheteurs ? Qu’il faut surveiller attentivement la dérive des dépenses. Au-delà, ils veulent que le déplacement soit justifié. Non pas par confort mais par besoin. Enfin, ils se méfient de tout ce qui n’est pas directement enrichissant pour l’entreprise. Fini l’œil sur le prix, désormais c’est l’approche globale qui prime. Une évolution en marche.

La crise européenne qu’annonce le Brexit n’est pas pour rassurer. L’Angleterre est une puissance qui compte sur les marchés mondiaux et sa possible sortie de l’Europe inquiète. Beaucoup sont persuadés qu’une pirouette politique permettra de gommer cette vision caractérielle d’une partie de la population anglaise. Out, le Brexit ? Difficile de tirer des plans sur la comète quand on sait, et les économistes l’affirment, que l’échec de l’Europe sociale engendre des concurrences insurmontables. Le coût du travail des entreprises françaises (malgré une meilleure productivité des salariés) ne permet pas toutes les fantaisies…. D’autant que nos groupes du CAC 40 font aussi leurs résultats financiers à l’international et beaucoup moins dans l’Hexagone. Ils sont nombreux à reconnaître que la peur d’une crise ne repose sur rien de très concret… Mais le moral en berne est le pire ennemi du business, avec ou sans raison réelle.

Il reste le poids de l’époque. Kesaco, demanderez-vous naturellement. Tout simplement l’évolution des sociétés et de ceux qui la font. Rappelez-vous des débats engagés il y a quelques années sur ces génération alphabétiques (x,y,z…) à qui l’on prêtait des vertus et des défauts que l’on pensaient installés dans le temps. On se rend compte que si la technologie a donné un contour aux nouveaux salariés, elle a surtout modifié les habitudes de travail. Et nous n’en sommes qu’au début. Le poids de l’époque se traduit dans les process quotidiens : fees à 1 euro, optimisation des coûts du transport, changement des approches commerciales…

Bref, sans tomber dans le roman noir, on voit bien que la prudence va piloter les dépenses du voyage d’affaires. Un risque fort qui pourrait bien bousculer les habitudes.

Pierre Barre