Respirez, vous êtes morts

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Désolé pour ce titre qui fait roman noir de gare, mais le résultat d'une étude européenne publiée hier mercredi 2 mars fait froid dans le dos. Sa conclusion, du moins : "La pollution de l'air dans les grandes villes européennes a un impact fort sur l'espérance de vie". On savait la voiture dangereuse, désormais on sait que le trafic routier a des conséquences sur notre longévité. Pire, l'étude donne des chiffres clairs : sans pollution, on vivrait en moyenne entre 19 et 22 mois de plus.

A la lecture de telles études, on se dit que voyager dans le monde, généralement dans des villes polluées, est bien plus dangereux que ne l'imaginent les spécialistes de la sécurité. En exagérant, je pense même que l'on pourrait demander une prime de risque pour avoir circulé sur les périphériques de Pékin ou attendu un taxi à Mexico. Imaginez un peu : 10 minutes sur les trottoirs de Shanghai, 20 jours de vie en moins. Des exemples comme celui là, j'en ai plein d'autres. En regardant l'étude, je me suis dit que si c'était le fruit du travail d'une université quelconque, les chercheurs s'étaient peut-être trompés. Que nenni. Trois ans de recherche, 12 pays européens, 60 chercheurs. Autant de cerveaux au même moment, c'est cuit. Selon l'AFP, je cite " Dans les 25 grandes villes étudiées, totalisant 39 millions d'habitants, le dépassement du seuil de 10 microgrammes par m3 d'air fixé par l'OMS pour le niveau moyen annuel de particules fines PM2,5 (moins de 2,5 microns) se traduit par 19.000 morts par an". Hier, une alerte à la pollution aux particules fines a été déclenché en Ile-de-France et en Picardie, avec une concentration de 80 microgrammes par m3 d'air .
Ce projet de recherche, qui porte le doux nom d'Aphekom, n'en finit plus de m'effrayer. Sur les 9 villes françaises étudiées, ce sont Marseille et Lille qui sont les plus meurtrières. Paris arrive en troisième position et Toulouse ferme ce palmarès derrière le Havre que je croyais isolé de tout risque, face à la mer avec un port en grève quasi permanente. Là aussi, j'ai tout faux. Le seul endroit où je serais tranquille, et vous avec, c'est Stockholm. Ici le risque est proche de zéro. Il est vrai qu'il est plus facile d'y mourir d'ennui que de la route. Là, je sens que je vais me faire des amis.
Je vous passe les détails sordides de l'étude qui expliquent comment vous allez mourir (un peu comme quand on ouvre un dictionnaire médical) et je vous fait grâce des "yaka" et "faucon" qui veulent nous expliquer ce qu'il est urgent de faire pour éviter cela (un ashram dans les montagnes afghanes et rien d'autre). Heureusement, j'ai trouvé une bonne nouvelle dans cet océan de gaz carbonique. La baisse des émissions de dioxyde de soufre est constante depuis les années 90. Et grâce à des mesures européennes, cette baisse a permis de sauver (temporairement) un peu plus de 2000 vies dans les 20 villes étudiées. Inutile de sourire, on n'est pas passé loin. Allez hop, je saute dans ma voiture et je pars à la campagne. J'espère qu'il n'y aura pas de bouchons. Quant à vous, je ne sais quoi vous dire. Arrêter de voyager pour mourir à petit feu à Marseille, Lille ou Paris... C'est ballot, non ?

Marcel Lévy