SNCF, l’été de tous les dangers

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Depuis la grande panne traversée par la gare Montparnasse, les langues vont bon train dans les couloirs de SNCF. Ne serait-il pas temps de changer de Président pour insuffler une nouvelle dynamique à l’entreprise privée ? Question délicate tant le choix est politique. Selon nos sources, Macron y penserait depuis son arrivée à l’Elysée. Info ou intox ?

Guillaume Pepy en a vu d’autres et des infos de ce type il en a entendu des milliers. Mais la rumeur se fait insistante. On ne prête qu’aux riches, même si c'est avec cette formule que la rumeur s'alimente. Il est vrai que depuis le début de l’été, l’agenda des ennuis traversées par SNCF se remplit à vue d’œil : retards, caténaires en panne, TGV qui oublie de s’arrêter en gare, jeune handicapée abandonnée dans un train… La liste est longue comme un jour sans pain. De là à tout mettre sur le dos du patron, c’est un peu rapide. "La SNCF se gargarise de très bons résultats avec ses filiales numériques ou affirme que sa présence à l’étranger. C'est un atout de taille, mais ce n’est pas ce que demandent les Français. Ils veulent que les trains roulent à l’heure, ne soient pas annulés et que les lignes transversales ne deviennent pas les parents pauvres du territoire. Bref, avant de faire le beau chez les autres, commençons par le faire chez nous". Voilà, grosso modo, le discours des associations de consommateurs excédées par les retards et les pannes permanentes sur les tronçons du RER exploités par SNCF ou sur les lignes TER de la plupart des régions françaises.

Mais si le constat est sans appel, la réalité est plus modulée. Première observation de terrain, les syndicats ne demandent pas le départ de Pépy. C’est un interlocuteur jugé honnête même s’il n’est pas forcément complaisant avec eux. A Sud Rail, pourtant vent debout contre la direction, "Changer de tête ne réglera pas les problèmes et il serait illusoire de penser qu’un nouveau venu règlera les difficultés d’un coup de baguette magique". D'autant que l'entreprise est complexe et à moins d'une progression interne, il faut le temps de digérer son fonctionnement complet pour ne pas sortir des rails. Seule certitude, la concurrence du rail a fait peur à SNCF qui s’est lancée dans des choix loin d’être stratégiques. "On a investi dans des bus et du covoiturage en oubliant que la mission première de SNCF, c’est de faire rouler des trains et satisfaire des clients", estime un cadre, membre du bureau de la CFDT, qui requiert l'anonymat.

Autre point complexe, la tarification qui fait la part belle aux petits prix mais tape allègrement sur les achats au quotidien, qu’ils soient pros ou non. Sans les taxes aériennes, un Paris/New York est moins cher qu’un aller-retour en Première pro entre Paris et Marseille !. Une situation qui déplait à la Ministre des transports, Elisabeth Borne, partisane du bon prix tout le temps et qui pourrait demander à SNCF de revoir sa stratégie. Justement, le mot est lâché : stratégie. Ou va SNCF ? La question reste posée. Véritable mammouth du transport en France, l’entreprise publique reste vieillotte et ne délivre pas de message clair pour les vingt prochaines années. Certes, la concurrence qui s’annonce l’oblige à la discrétion mais montrer une ambition réaliste n’est jamais mauvais en matière de com. Dans ce domaine, Pepy est roi.

L’Etat a indirectement sa part de responsabilité dans la situation actuelle, en obligeant l’entreprise ferroviaire à se lancer dans des travaux couteux à la rentabilité complexe. Les 2 LGV, Bordeaux et Rennes, en partie financée par les collectivités, sont des atouts pour l’aménagement du territoire mais leur prix a refroidi une fois pour toutes les autres velléités. Macron a été clair, à l’occasion de l’inauguration des deux liaisons : pas question d’engager de nouvelles dépenses qui s’appuieraient sur des financements publics. Et pourtant, c’est l’Etat qui, pour sauver Alsthom, a imposé une commande à SNCF sans se soucier de son financement.

Gérer une quadrature du cercle complexe, voilà le carnet de route du patron de SNCF. Pepy en a-t-il encore envie, lui qui regardait du ôté d’Air France il y a quelques années ? La réponse viendra sans doute en septembre avec le Plan transport que doit annoncer l’Etat.