SNCF: un secret loin d’être très secret !

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Alors que Barbara Dalibard, la directrice générale de SNCF Voyageurs, réfute dans les colonnes des Echos l’idée d’un plan secret pour l’avenir de la SNCF, notre chroniqueur va plus loin sur ce sujet. Pour PAT, tout cela n’est qu’un jeu bien huilé. D’autant qu’indirectement, Guillaume Pépy a déjà répondu à la question de la hausse des prix. Explications.

A la suite de fuites sur un plan secret, plus si secret que ça du coup, ça grogne contre la SNCF ! Sentant les entreprises visées, le MEDEF a lui aussi manifesté son inquiétude sur les antennes de BFM..

Un TGV plus cher pour les voyageurs d’affaires et donc les entreprises ? Personne dans les affaires ne sera d’accord. Normal. Bon alors, comment augmenter les recettes du TGV® pour restaurer ses marges ? Faire payer plus cher le voyageur lambda occasionnel, se déplaçant en famille, pour ses loisirs ? Personne ne sera d’accord non plus ! Très politiquement incorrect. Encore plus sans doute que de mettre davantage les entreprises à contribution pour les déplacements de leurs collaborateurs.

Mais on connait tous Pepy avec ses suites dans les idées. Et de se demander d’abord, comme déjà posé dans ces colonnes, si la fuite n’a pas été organisée ?. En effet, rien de tel pour permettre à Guillaume Pepy, le Président de l’entreprise publique, de dérouler devant lui le tapis de jeu et en garder la maîtrise. Et lui offrir encore l’occasion d’avoir le coup d’avance que nous lui avions déjà prêté lors de la récente modification en douce des conditions générales de vente de la SNCF.

Guillaume Pepy a apporté ses réponses et ses explications. A écouter et à regarder sur la chaine Youtube SNCF La Radio.

« Est-il envisageable de durcir les conditions de remboursement et d’échange des billets » ? « Rendre impossible tout changement de billet TGV standard une semaine avant le départ et de rendre aussi l’échange payant à partir de J – 7 avec un prix évoqué de 15 euros », comme le précise l’intervieweur maison.

Le patron de la SNCF ne répond pas directement ni par oui, ni par non. Mais il reformule la question de la façon suivante : « A quel moment et moyennant quel tarif on peut changer à la dernière minute sa réservation ou annuler son billet ? » Et d’ajouter : « On est en train de réfléchir et il n’est pas interdit de réfléchir ».

C'est-à-dire que la réponse à la question arrivée sur la place publique est finalement bien : oui ! C’est envisageable. C’est envisagé sous couvert de réflexion.

Décryptage. Le sujet n’est donc plus vraiment l’augmentation des prix Pro sauf si on leur ajoute un petit snack (sic). L’objectif serait donc plutôt d’augmenter l’attractivité de la gamme Pro. Et pour ça, il y a bien un moyen pouvant conduire à l’augmentation des recettes, autrement que par une seule augmentation directe de tarif. Ce moyen d’action passe paradoxalement par la gamme Loisirs en y intégrant quelques mesures de rétorsion ou de dissuasion supplémentaires applicables à ces billets « standard » comme les nomme G. Pepy.

Pour la SNCF, un bon voyageur d’affaire, c’est un voyageur avec un billet au juste prix de la gamme Pro. Et si ces derniers ne le comprennent pas spontanément ils vont sans doute devoir galérer avec leur billet Loisir inapproprié selon le transporteur, jusqu’à s’en convaincre.
Cela ne date pas d’hier. Nous l’avions analysé et commenté en ce début d’année et auparavant déjà fin 2012.. Et récemment au salon IFTM Top Resa, la SNCF animait un atelier pour expliquer « pourquoi les entreprises ont avantage à prendre du tarif Pro ».

Une question récurrente qui reviendra sans cesse, tant que la SNCF s’irritera de ce qu’une part sans doute non négligeable de sa clientèle affaires voyage qui avec une carte de réduction sociale « famille nombreuse » (jusqu’à 50 % de réduction, un argument à faire valoir son C.V. !), qui – jeune actif – avec une carte de réduction commerciale jusqu’à 28 ans, qui encore avec une carte Senior dès 60 ans.|senior . L’un et l’autre de ces deux tarifs commerciaux, pour ne citer que les plus populaires et répandus, visaient pourtant le marché Loisirs.

Quand la Cour des comptes maugrée dans son rapport que 2/3 du trafic de la grande vitesse ferroviaire relève du déplacement privé, contre 1/3 seulement du motif professionnel, elle s’emmêle sans doute aussi un peu les pinceaux pour bien décompter les uns et les autres. Loisir ou Pro, ce n’est pas marqué sur le front du voyageur ! C’est juste sur le billet et supposé être en rapport avec le prix. Mais force est de conclure que pour obtenir une bonne segmentation du marché, la SNCF devra recourir à quelques artifices. C’est bien la problématique tarifaire de la SNCF qui voudrait faire contribuer les uns à juste hauteur du service somme toute rendu (et de son coût de revient), tout en gardant un modèle de TGV® populaire et financièrement accessible, conforme d’ailleurs à ce que fut la volonté des pouvoirs publics. Lesquels n’ont toujours pas annoncé qu’ils avaient changé de vues ! Pourvu que ça dure…

Certes, le contingentement du nombre de voyageurs avec réduction dans chaque train à réservation obligatoire entrave déjà ces effets d’aubaine et cette dilution tarifaire. Mais quand le chiffre d’affaires de la première classe et de la gamme Pro stagnent ou se tassent, ces limitations d’accès à certains tarifs les plus bas, en organisant leur pénurie, ne semblent plus suffire.

Dans ce cas, il y a une recette que tous les spécialistes en mercatique connaissent (ceux qui réfléchissent comme dit Pepy). La formule consiste à dégrader l’offre de base (standard) pour redonner sa juste valeur au service complet avec toutes les facilités, les souplesses, les attentions imaginables et ainsi rendre paradoxalement très attractif le prix plus élevé. Observez le marché de la téléphonie mobile, avec toutes ces offres de base (moins de 20 € en général, prix psychologique) et les alternatives bien meilleures en termes de services, de facilités, d’options supplémentaires… mais plus chères. Et, sous votre contrôle, amis voyageurs d’affaires, en majorité vous avez quoi comme formule d’abonnement en téléphonie mobile ? Même à 60 ans, même à 26 ans, même avec 3 enfants ou plus…

Alors, si la politique voyage de votre employeur, si les propositions qui vous sont faites par votre agent de voyage, ne vous font pas revenir à la gamme tarifaire Pro (et idéalement en première classe), Pepy saura vous en convaincre. Le service standard du voyageur lambda sera dégradé. Ce dernier est censé se déplacer seulement pour ses Loisirs et supposé naturellement plus souple, moins exigeant et davantage à la recherche d’un prix le plus bas possible qui puisse lui être proposé. Au final, quand les conditions restrictives associées à ces prix Loisir ne conviendront vraiment pas aux voyageurs d’affaires, il leur restera le billet Pro au prix qui va avec. Et vous pouvez être sûrs que, sous réserve de validation des pouvoirs publics, tout sera fait pour que ça ne convienne pas. Mais y a-t-il en l’état d’autres solutions ?

Quand quelqu’un vise la lune, il arrive que les observateurs regardent seulement le doigt.

PAT