SNCF, une impasse syndicale mais une grève politique

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La grève est donc reconduite pour le 8ème jour. Face à la faiblesse des raisons qui poussent les jeunes syndicalistes à se battre, les vieux routiers de la SNCF sont sceptiques. Ils s’attendaient à voir ressortir des thèmes aussi vieux que la lutte sociale : les salaires, la qualité de l’emploi, la retraite. Bref, autant de sujets qui irritent les salariés du privé. Attention, une grève peut en cacher une autre.

Même au sein du Ministère des transports on se rend à l’évidence : cette grève est politique. La gauche de la gauche veut s’opposer au gouvernement pour le conduire à une vraie politique… de gauche. Manuel Vals, le réformateur, devient ainsi l’ennemi du salarié. On s’attendait à une écoute forte du monde ouvrier, les cheminots constatent que l’épreuve du pouvoir lamine toutes les grandes idées sociales de François Hollande. La crise aura eu raison des dogmes !

Au-delà, et Patrick Le Rolland avait raison : «Environ la moitié du personnel de la SNCF a aujourd’hui moins de 10 ans d’ancienneté…. Cette incertitude causée par le rajeunissement des troupes et leur éloignement (a priori) des repères idéologiques des générations précédentes (réformisme versus lutte des classes), sont plus que jamais susceptibles aujourd’hui d’entraîner les organisations les plus revendicatives vers des difficultés dont elles veilleront bien évidemment à sortir ». Nous y sommes. Même le patron de la CGT, Thierry Le Paon, reconnaît que «la base veut encore aller plus loin». Il le regretterait bien !

Enfin, les commentaires à l’Assemblée Nationale ce 17 juin sont sans appel. Pour la plupart des députés, et quelle que soit leur couleur politique, tout est de la faute de l’autre. La gauche rappelle à l’envie que la réforme ferroviaire est née de l’UMP. Cette dernière affirme que la réforme est stupide en l’état. Allez donc comprendre. Seule certitude, le voyageur subit et son entreprise avec.

Mais une fois que l’on termine cette analyse politique qui peut varier selon chacun, le constat sur le terrain est sans appel. La faible circulation des trains conduit à payer des billets Pros pour se retrouver, au mieux, debout dans un couloir. «Premier servi, premier arrivé», aurait expliqué un contrôleur refusant d’intervenir pour déloger un couple de voyageurs installés à la place réservée par un autre client ! Que faire face à de telles situations, irritantes ? Arrêter de voyager et reporter ses rendez-vous ou s’y rendre en voiture. Premiers constats chez nos lecteurs, la prudence est de mise. Les réunions de travail avec les clients seront recalées plus tard.

A priori, cette sage décision est dangereuse à une époque ou le cycle de décision est long, crise oblige. Et comme la sortie de grève ne semble pas être au programme, il ne reste plus à patienter pour voir si les 14 % actuels de grévistes vont fondre au soleil. «Il faut savoir terminer une grève», disait Maurice Thorez, leader du Parti Communiste Français lors des grandes grèves de juin 1936. Une citation que reprennent hardiment politiques, syndicats et direction de la SNCF. Certes. Mais que font-ils en ce sens ?

Marcel Lévy