SNCF : va-t-on vers la fin des années Pepy?

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Il n’était pas facile de succéder en 2003 à un Président emblématique comme Louis Gallois, présenté aujourd’hui comme l’homme du modernisme à la SNCF. Et pourtant, Guillaume Pepy, qui a fait une grande partie de sa carrière à la SNCF, a réussi le tour de force de faire croire aux politiques qu’il connait bien (il a été directeur du cabinet de Martine Aubry) qu’il est à l’origine du renouveau de la SNCF. Et de fait, c’est en partie vrai. Guillaume Pepy est l’homme de voyages-sncf.com et d’IDTGV mais surtout du yield qu’il a mis en place dans le ferroviaire.

Il ne s’agit pas de faire ici le résumé prémonitoire d’un départ annoncé de Guillaume Pepy, ce serait mentir que de le faire croire. Seule certitude pour cet énarque : le changement c’est maintenant. Les mauvais résultats financiers de 2013, la guéguerre avec RFF, la réforme ferroviaire sans oublier les tarifs du train de plus en plus élevés... Guillaume Pepy se trouve à la croisée de chemins, tous semés d’embuches. La colère (feinte ou réelle) du Ministre des Transports (Frédéric Cuvillier) suite à la courtelinesque affaire des quais de gares à raboter pour des TER trop large est la cerise sur le réseau. Le coup de trop.

Sur le fond, les résultats moyens de l’offre Pro, pourtant associée à une technologie innovante et efficace, viennent compléter des résultats en demie teinte annoncés pour le premier semestre 2014. La SNCF doit changer et vite. Pepy le sait. Mais comme me le faisait remarquer notre chroniqueur ferroviaire, Patrick Le Rolland : Pepy est un peu comme François Fillon qui, premier Ministre, déclarait « Je suis à la tête d'un Etat en faillite ». Pepy est au sommet d'une entreprise où tout va mal. Et finalement, puisque ça va très mal, mieux vaut faire avec celui qui est déjà aux commandes que prendre d'autres risques avec quelqu'un d'autre. C’est la carte majeure de l'actuel patron. D'autant que cette affaire des "quais rabotés" va lui servir à donner l'estocade à RFF, son ennemi de toujours.

Mais la méthode Pepy a ses limites, lui qui sait pourtant parler aux cheminots et gérer la douleur des familles après Brétigny sur Orge. Que peut faire le Président de la SNCF ? Chercher des bouc-émissaires ci et là. On peut imaginer le départ de Barbara Dalibard, Directrice Générale de SNCF Voyages, qui prendrait sur elle la baisse des ventes du produit train. On sait que l’ambiance n’est pas terrible au commercial et que quelques oppositions sont nées autour de la politique « prix » et « services ». Mais n’est-ce pas le lot de toutes les entreprises que de voir des collaborateurs vouloir devenir Calife à la place du Calife? On peut aussi penser que quelques directeurs techniques connaitraient le même sort, à la SNCF comme à RFF ? Sinon à quoi bon.

Il reste que ce n’est pas la méthode Pepy que de fuir ses responsabilités en les mettant sur le dos des autres. Difficile alors de continuer à gérer la SNCF sans écouter le client et les salariés. C’est l’enjeu des prochaines semaines. Pepy ne sera pas forcément seul à décider. Il le sait et, comme tout politicien, a sûrement déjà un coup d’avance. Malheureusement, on ne le connait pas encore.

Marcel Lévy