Sebastien Calmejane, Easyjet: « Nous sommes désormais bien ancrés dans le monde du business travel »

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D’une année sur l’autre, les annonces d’Easyjet se suivent et se ressemblent : ouvertures de lignes, nouveaux services aux voyageurs d’affaires, arrivées d’avions neufs… En 5 ans, la compagnie orange a réussi son pari : devenir incontournable dans le transport aérien européen. Un objectif déjà atteint en France, son second marché en Europe.

"Depuis trois ans, nous avons proposé des prix agressifs aux entreprises et ajouté de nouveaux services aux voyageurs", souligne Sébastien Calmejane, le patron des ventes pour l’Europe du Sud. "Parallèlement, nous avons apporté beaucoup de flexibilité et sensiblement amélioré les fréquences sur les destinations d’affaires européennes. Aujourd’hui, nous sommes entrés dans l’univers du low fare et quitté celui du low cost qui était l’image la plus souvent attachée à notre marque".

En cette fin décembre 2016, l’actualité d’EasyJet est chargée. La compagnie vient de détailler les 16 destinations qu’elle devrait ouvrir en 2017, elle sera présente sur l’ensemble des grandes villes françaises avec des vols à destination de l’Europe entière comme vers Hambourg en Allemagne ou au Portugal. Dans l’univers du loisir, son credo reste le même : des prix toujours très bas pour les voyageurs qui souhaitent réserver assez tôt leurs déplacements.

EasyJet a balayé les accusations de travail déguisé. Le développement de la compagnie va créer 72 emplois de droit français. Son objectif : permettre aux voyageurs d’affaires d’optimiser les voyages d’un jour sur plus d’une trentaine de destinations européennes. Sébastien Calmejane ne se voile pas pour autant la face. "Les résultats financiers du premier semestre 2016 ont été moins bons que prévu. Le Brexit a bousculé les prévisions économiques que nous avions établies à la fin 2015 et la crise économique a quelque peu ralenti les activités dans plusieurs grands pays européen". Quelle est alors la vision de l’entreprise pour 2017 ? C’est ce que nous lui avons demandé.

DéplacementsPros : Quels sont pour vous les sujets qui auront marqué EasyJet en 2016 ?

Sebastien Calmejane : Je ne veux pas commencer cet entretien par la notion de prix qui n’est pas pour nous le seul objectif à proposer à nos clients Corporate. Même s’il est important, nous savons que ce sont les voyageurs qui font la réputation d’une compagnie et une grande partie de notre activité en 2016 a été d’optimiser les services qui leurs sont destinés. Le tout premier d’entre eux, et nous en sommes conscients, c’est la flexibilité. On doit pouvoir prendre un vol EasyJet le matin et rentrer en fin de journée chez soi. On doit pouvoir modifier son billet sans frais supplémentaires. Nous avons mis en place un service d’échange qui permet un voyageur, victime d’un empêchement, de transmettre ce billet à l’un de ses collègues. Nous sommes aujourd’hui la seule compagnie a proposé ce type de service.

L’introduction de la réservation des sièges il y a quelques temps déjà, l’embarquement prioritaire, notre politique bagage sans limite de poids en cabine ou le second bagage accepté à bord sont autant de points appréciés par les voyageurs.

Au final, si je devais résumer notre vision du voyage d’affaires, je dirais qu’elle s’appuie à la fois sur une offre tarifaire forte et sur la réalité des services aujourd’hui proposés à nos clients, que ce soit au sol ou à bord. Encore un exemple d’avantage innovant, nous allons ajouter un bon d’achat de sept euros pour les consommations à bord sur l’ensemble des tarifs flexibles. Pour le petit café du matin, c’est encore un service qui devrait être apprécié.

DéplacementsPros : Quand EasyJet est arrivée dans l’univers du voyage d’affaires, beaucoup se disait que c’était une source de rentabilité face à l’univers du loisir qui bataillait sans cesse sur les prix. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Sebastien Calmejane : La situation a totalement évolué. Si l’on regarde les parts de marchés qui nous sont attribués aujourd’hui dans le monde du voyage d’affaires - environ 24 % - on se rend compte que nous sommes désormais bien ancrés dans le monde du business travel. Je vous donne un exemple : un voyageur sur quatre à bord du Paris/Toulouse ou du Paris/Nice de la compagnie est un voyageur d’affaires.

Nous avons tout naturellement segmenté le marché. Il nous faut répondre à des attentes très différentes dans le voyage d’affaires et dans celui du loisir, pour qui le prix était le seul élément à regarder. Dans le monde du voyage d’affaires, il faut se plier à des règles. Celle de la politique voyages établie par l’entreprise, celles attendues par les voyageurs sans oublier des éléments basiques comme le nombre de fréquences et les réservations de dernière minute. Avec aujourd’hui plus de 60% des clients du CAC 40, nous pensons avoir atteint un premier objectif. Nous ne souhaitons pas en rester là mais c’est très prometteur. Bien sûr il y a toujours quelques gros mastodontes qui nous snobent. Mais je pense qu’ils nous rejoindront un jour ou l’autre car la pression des voyageurs, souvent très favorables à EasyJet, ne peut être ignorée au sein des entreprises.

DéplacementsPros : Quelles sont vos relations avec les acheteurs et les TMC ?

Sebastien Calmejane : Nous travaillons aujourd’hui avec l’ensemble des TMC. Notre arrivée dans les GDS a permis de simplifier notre intégration dans les SBT et donne de la visibilité aux acheteurs en matière de reporting.

Nous avons mis en place des tarifs modulés, qui ont remplacé les tarifs segmentés, afin de permettre une meilleure lisibilité de notre offre. Cette vision, attendu par les entreprises, correspond à ce que je vous disais il y a quelques instants : la hausse des fréquences est devenue l’un des tous premiers atouts d’EasyJet et ce grâce à la modularité de nos tarifs. Je prends l’exemple de Toulouse avec nos vols sur Orly et sur Charles De Gaulle: la densité en heures ouvrées sur la journée correspond quasiment à un vol par heure !

Nous sommes très à l’écoute des clients corporate avec une force de vente présente sur le terrain. Nous remontons la moindre difficulté rencontrée pour étudier la solution en équipe avec les moyens dont nous disposons. C’est une approche très appréciée.

DéplacementsPros : On voit arriver de nouvelles compagnies low fare sur le voyage d’affaires. Qu’en pensez-vous ?

Sebastien Calmejane : je n’ai pas à commenter les choix que font nos concurrents. Je constate simplement que nous prenons tous les ans de nouvelles parts de marché, que nous avons de nouveaux clients et que nous ouvrons de nouvelles lignes. Dans l’univers des compagnies Low cost ou low fare, nous avons près de 55 % de parts de marché. La compagnie pèse 30 % du transport aérien Français.

Tout cela se construit autour d’une flotte importante, 250 avions à ce jour, 300 fin 2018. L’’arrivée de nouveaux modèles d’appareils comme l’A320 Neo avec 186 sièges correspond aux besoins de baisser les coûts d’exploitation dans le respect environnemental. En 2016, nous avons ajouté 36 nouvelles routes à notre offre. En 2017, nous en aurons une vingtaine de plus. Au final, ce sont plus de 250 routes au départ de 18 aéroports français qui assureront le maillage de la compagnie sur le territoire national.

Nous avons des développements identiques sur une grande partie des pays européens. Nous sommes la première compagnie sur Genève, ville à cheval entre la France et la Suisse. Nous sommes la troisième compagnie européenne la plus rentable avec des taux de rentabilité qui dépasse les 10 %. Il ne nous appartient pas de positionner face à telle ou telle autre compagnie. Ce sont les acheteurs et les clients qui le font. N’oublions pas qu’en Europe, nous avons une cinquantaine de routes spécifiquement adaptées au voyage d’affaires et que nous sommes 45 % moins chers que nos concurrents. Tout est dit.

DéplacementsPros : Il y a toujours des sujets en attente comme l’augmentation des vols au départ d’Orly, ou la création de salon pour les voyageurs d’affaires. Où en êtes-vous?

Sebastien Calmejane : Il est vrai que nous avons, et que nous l’étudions toujours, le projet de regarder la faisabilité d’un salon d’affaires dans les aéroports que nous utilisons. Mais il ne s’agit que d’un projet. Aujourd’hui rien n’est fait et rien n’est dans les cartons pour affirmer que ce sera réalité rapidement. Nous constatons surtout que la demande n’est pas forcément sur cette thématique. En reculant les heures limites d’enregistrement et en optimisant les embarquements, on se rend très vite compte que les temps d’attente à l’aéroport sont limités. Notre récent déménagement à Orly le confirme.

Notre objectif premier est de limiter le stress du voyageur à l’aéroport. A Gatwick comme à Lutton, nous avons repensé notre sens de circulation dans le terminal dédié et optimisé la signalétique pour rendre beaucoup plus fluide le parcours du voyageur.

En ce qui concerne notre présence à Orly. L’aéroport est toujours très compliqué et le nombre de slots disponibles reste faible. Bien évidemment, nous regardons toutes les possibilités et toutes les opportunités qui s’offriraient à nous. Mais il est très difficile de dire aujourd’hui ce qu’elles vont nous apporter et comment nous allons les utiliser.

DéplacementsPros : On constate que les technologies d’acquisition du voyage se déplacent. De l’ordinateur aux Smartphones, les habitudes changent. Le constatez-vous?

Sebastien Calmejane : Il serait difficile de ne pas le voir et de ne pas s’y adapter. La mission d’une compagnie aérienne comme la nôtre et d’être là où les clients l’attendent. Que ce soit sur mobile, via les SBT ou tout autre système de réservation qui viendrait à prendre place sur le marché. Comme je le disais, notre présence au sein d’Amadeus nous ouvre des possibilités d’affichages sur les systèmes de réservation, que ce soit en agence de proximité ou sur mobiles.

Nous avons naturellement beaucoup investi sur le digital. Aujourd’hui, grâce à une meilleure exploitation de la donnée, nous développons notre programme de fidélisation et améliorons de fait l’expérience utilisateur. Notre application mobile a connu une hausse spectaculaire de 30 % en 2016 par rapport à 2015 et aujourd’hui 20 % de nos passagers réservent leur vol via l’application mobile. L’intégration d’Apple pay, les modifications de notre page d’accueil sur le web et les nouvelles fonctionnalités de recherches tarifaires sont autant de points technologiques qui nous permettent de nous adapter à la demande. A écouter nos clients, ce sont des points essentiels à la simplification du déplacement. Ils plébiscitent l’enregistrement des données du passeport qui offre un gain de temps appréciable au moment de la résa.

DéplacementsPros : Selon vous, 2017 sera une année grise, rose ou noire ?

Sebastien Calmejane : J’aimerais avant tout qu’elle soit une année orange, très Orange dans l’esprit de nos clients et de leurs voyageurs. Il est vrai que les années aux incertitudes politiques, et ce dans un grand nombre de pays européens, peuvent conduire à un pessimisme de la part des acheteurs et des entreprises. Nous le voyons bien en Angleterre avec les décisions prises ces derniers mois. Pour autant, à notre niveau, il ne nous appartient pas d’entrer dans un débat qui n’est pas le nôtre. La mission d’EasyJet reste toujours la même : transporter dans les meilleures conditions possibles des passagers d’un point A à un point B et ce, aux meilleurs tarifs, avec le meilleur service et la disponibilité attendue. Quelles que soient les turbulences, ou les décisions politiques qui sont prises.

Quoique nous réserve l’année qui vient, nous serons sur le terrain avec le programme de développement que j’évoquais plus haut et toujours la même volonté d’être irréprochables. Cela ne veut pas dire que nous ne rencontrons pas des soucis sur le terrain. Cela arrive à toutes les compagnies et nous faisons tout pour le gérer. Il n’y a pas de raison que 2017 échappe à notre volonté de réussite qui n’a pas varié depuis notre arrivée sur le sol français.

Entretien réalisé par M. Lévy