Start-ups, un nouveau préavis de rêve

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La finance américaine est inquiète et cela n’est pas bon. Les banques se disent prudentes et les gros investisseurs traditionnels se font tirer l’oreille pour innover dans leurs visions d’un financement moderne. Pourtant, l’argent coule à flot dans l’univers des start-ups mais la réalité est plus inquiétante.

Faut-il parler de crise ou de bulle dans les start-ups, et en particulier celles qui alimentent les outils du voyage d'affaires ? Presque, explique Pierre B, ancien gestionnaire financier de haut vol aujourd’hui retraité et reconverti au sein d’un fond d’investissement britannique comme expert conseil: "Aujourd’hui, le souci n’est pas dans le retour immédiat sur investissement, il est normal de jouer et de perdre, mais sur la visibilité de ce retour pour au moins 5% des entreprises aidées".

Quel est donc ce mal qui effraie les financiers ? Le même qui, depuis des siècles, anime l’humanité : perdre son argent. Les premières analyses des cabinets spécialisés démontrent que si les réussites sont flamboyantes… Les échecs, plus silencieux, sont encore plus nombreux. Est-ce à dire que l’explosion de la bulle guette l’investisseur ? Certains le pensent et pas des moindres. L’économie collaborative connaît ses premiers succès grâce à la mise en place d’un tuyau exceptionnel, internet. Mais tous les banquiers le savent, le tuyau ne fait pas la maison.

Nous recevons tous les jours à la rédaction des dizaines de mails émanant de jeunes entreprises, baptisées start-ups, et dont les maîtres mots sont souvent les mêmes : idée révolutionnaire, produit leader, premier sur leur domaine, unique à ce jour… La liste des superlatifs est sans fin. Et pour beaucoup, le communiqué se termine par un appel au financement, que ce soit sur des plates-formes spécialisées où via des cabinets financiers.

Aujourd’hui, tous les domaines sont directement concernés par l’innovation et la créativité, même si tous les sujets ne méritent pas le temps passé et l’argent dépensé. Une analyse renouvelée de la querelle des anciens et des modernes. Lorsqu’on essaie d’obtenir une visibilité sur les start-ups du voyage d’affaires, le travail est bien plus complexe. Non pas parce qu’elles n’existent pas mais parce que la définition même du voyage d’affaires reste encore un peu complexe dans l’esprit des jeunes entrepreneurs. Se déplacer professionnellement d’un point à un autre est une chose. Faut-il pour autant la complexifier à l’aide d’outils multiples dont l’intérêt n’est pas toujours évident ?

Quelles sont les besoins réels d’un voyage d’affaires ? Le premier, c’est incontestablement le transport. Se rendre d’un point à un autre est aujourd’hui une tâche bien plus simple qu’il n’y paraît. La digitalisation de l’information permet de définir très rapidement son besoin et d’y répondre.
L’autre attente du voyageur, c’est l’hébergement. Dans cet univers, où le flou règne parfois en maître, le pragmatisme reste et restera pour des années le point de départ d’un séjour réussi. On le sait aujourd’hui, on achète souvent à l’aveuglette et plus précisément un prix plutôt qu’un lieu. Heureusement, avec les avis d’utilisateurs, internet réinvente le prosélytisme mâtiné d’une vision parfois caractérielle chez certains utilisateurs.
Enfin, quelques activités annexes liées aux déplacements professionnels sont à prendre en compte que ce soit la restauration, l’animation de groupes, la location de voiture ou de tout autre demande qui personnalisera le voyage.

Voilà pour la faisabilité pratique du voyage. Côté acheteurs, les besoins sont plus importants : reporting, gestion des paiements, dématérialisation, sécurité des transactions, récupération des taxes… Pas moins d’une vingtaine de fonctionnalités à piloter à l’unisson. C’est cette simplification qui sera révolutionnaire. C’est là que l’offre est encore faible ou du moins, peu novatrice.

À lire ce descriptif simpliste, et à le pratiquer quotidiennement, on se dit que tout n’est pas aussi facile dans un univers complexe où l’art de la négociation prime autant que celui de l’anticipation. C’est là qu’interviennent les start-ups du voyage d’affaires qui rebâtissent les modèles et unissent entre eux des univers parfois diamétralement opposés. Et voilà qu’aujourd’hui, via l’IA (Intelligence Artificielle) on s’attaque plus au mal qu’aux moyens de le soigner. Faut-il voyager ? C’est la question plus que révolutionnaire qui se pose. Je vous en dirais plus la semaine prochaine, une fois passés les In days du MIT, l’une des plus prestigieuses universités américaines.

Mais revenons à nos start-ups. Que vont-elles apporter en matière de change management ou de BT process ? A en croire l'observateur affûté qu'est Scott Gillespie, "La nature même de l’innovation dans le voyage d’affaires repose sur la capacité des concepteurs à unifier les besoins et non à les segmenter ". On voit bien la complexité de la mission. Et l’homme de l’art de conclure: "le produit le plus abouti est à l’évidence le « end to end ». Mais la réalité démontre à quel point il sera complexe de fédérer les informations, de les certifier et d’en assurer une diffusion". Sceptique sur l’innovation ? Pas vraiment, plutôt circonspect sur la réalisation. Et c’est là que l’imagination des start-ups doit prendre le relais. Non pas sur le superficiel ou l’inutile mais sur le dur, sur ce qui fait le cœur du voyage d’affaires.

A l’évidence, le travail est énorme et le succès promis aux entreprises qui sauront simplifier et donner de l’efficacité accrue aux outils. Nous n’en sommes qu’au début et les start-ups sont le fer de lance de cette vision. Il reste à savoir si elles auront le carburant indispensable. "Des années après sa création, Twitter, le plus gros succès du domaine de la com instantanée, ne gagne toujours pas d’argent", note Pierre, "Et pourtant, personne ne peut imaginer sa disparition. Un cas d’école pour les banquiers".

Enfin, le mot « innovation » fait encore peur aux acheteurs et aucune appli, fut-elle réussie, ne saurait les convaincre si elle ne vient pas d’une référence du domaine. Et tout l’enjeu des prochaines années sera de convaincre les acheteurs puis leur DSI. Un double parcours du combattant.

Philippe Lantris