Survivre, difficile pour les compagnies aériennes européennes

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Survivre, c’est bien la question à laquelle doivent répondre nombre de compagnies aériennes européennes. Les alertes se multiplient.

Lufthansa fait face pour la première fois de son histoire à des grèves à répétition et ce depuis un an. Air France/KLM doit poursuivre son délicat travail de restructuration, entendez par là, la suppression de son sureffectif dont personne ne connait vraiment le montant, sauf certains membres du Comex de la compagnie. Cyprus Airways est passée à la trappe, ne pouvant pas faire face au remboursement des aides d’Etat que la Commission de Bruxelles a jugées illégales. SAS n’est pas dans une forme reluisante et TAP attend un potentiel repreneur. Tout cela pour n’évoquer que les compagnies majeures dans leur pays, mais les « petits » transporteurs privés sont bien évidemment touchés, eux aussi.

Notons tout d’abord que le rôle de la Commission de Bruxelles est tout de même un peu trouble. Certes, il est louable de préserver une concurrence loyale entre les opérateurs et d’empêcher que certains d’entre eux soient surprotégés par leurs Etats au détriment de ceux qui ne pourraient pas l’être. Sauf qu’au bout du compte, cette attitude rigide se traduit par la mise en faillite de compagnies historiques sans que l’on en voie bien les avantages. Cela a été le cas de Malev l’année dernière et de Cyprus Airways cette année, et plus près de nous, de la SNCM. Est-on bien sûrs que ce soit la meilleure méthode pour développer un secteur aérien et maritime européen tout de même en assez mauvaise forme ?

Mais enfin pour survivre les transporteurs européens devront bien faire preuve de leur capacité à se réformer, puisque leur performance actuelle est insuffisante pour affronter la concurrence. Où est- il passé le bon temps ou les compagnies aériennes s’entendaient très officiellement sur les tarifs à  appliquer au sein des bureaux de IATA ? Oublions, cette pratique ne reviendra plus. Et sans aucun doute, ce sont les salariés des grands groupes constitués à cette époque qui vont en faire les frais. Or la coupe drastique des dépenses, pour nécessaire qu’elle soit, ne résoudra pas tout.

La bonne nouvelle de cette année est tout de même la chute brutale du cours du pétrole. Cela devrait avoir un effet considérable sur les résultats des grandes compagnies européennes, mais curieusement, peu d’entre elles communiquent sur cet aspect si positif, alors qu’on les entend beaucoup lorsqu' augmente le cours affiché par le PLATTs Oil Gramm, qui est la publication de référence. Sur un très grand transporteur du style IAG, Lufthansa ou Air France/KLM, l’effet positif pour 2015 devrait être largement au-dessus du milliard d’euros. Cela correspond tout de même à 20.000 salaires annuels moyens de 50.000 euros, ce qui ne doit pas être très éloigné des ratios dans ces compagnies. Voilà des économies énormes qui tombent du ciel. Or cette année les effets en seront beaucoup moindres car les compagnies ont acheté une couverture de leur carburant. On sait seulement qu’Air France s’est «protégée» à hauteur de 60% de sa consommation, mais on ne sait pas à quel niveau. Il serait judicieux que la compagnie communique sur ce qui sera tout de même un élément économique majeur de cette année. Seulement cela conduirait peut-être à ce que les clients s’interrogent sur le bien-fondé de la surcharge carburant et les transporteurs n’ont surtout pas envie de remettre cette pratique en cause.

Mais pour bonne qu’elle soit, cette baisse du prix du carburant ne résoudra pas l’écart de compétitivité avec les transporteurs « low costs » qui en seront les principaux bénéficiaires. Il est d’ailleurs à craindre que cet écart se creuse encore au cours de cette année, avec comme conséquence une baisse des tarifs qui viendra aggraver encore les difficultés des  transporteurs traditionnels.

Il faudra donc trouver autre chose. En fait, il n’est pas envisageable qu’une compagnie classique puisse rivaliser avec les performances économiques des deux ou trois grands « low costs » européens, bien que ceux-ci prennent « de la bouteille » et que, progressivement, leurs coûts augmentent.

Ce qui manque le plus au transport aérien classique, c’est l’imagination qui, seule, lui permettra d’assurer sa survie. Mais les dirigeants raisonnent tous avec les mêmes modèles anciens et avec les mêmes raisonnements. Il y a de nouvelles pistes à explorer dans le produit, le service et même la tarification. Il faudra bien trouver une manière de se différentier par rapport aux « low costs ». Il y va de la survie des compagnies.

 Jean Louis BAROUX