Tristan Dessain-Gelinet, Travel Planet: « Les TMC traditionnelles sont appelées à disparaître »

447

Il n'a pas sa langue dans sa poche et ne cache pas ses ambitions. Tristan Dessain-Gelinet veut dresser les contours de la TMC du 21ème siècle. Avec un volume d'affaires qui dépassera les 120 millions en 2017, et des embauches massives pour faire face au développement de Travel Planet, il sait déjà que l'enjeu sera de taille : aller chercher des comptes au-delà du million d'euros de budgets voyages.

C'est son leitmotiv, son crédo et il l'affirme haut et fort :"Le business travel n'a pas évolué depuis des années alors que le tourisme a profondément changé". Et d'égrener ce qui freine aujourd'hui le développement du voyage d'affaires : "Le manque de relation-client, essentiel à la gestion d'un grand compte". Et pour y répondre, Travel Planet fait le grand écart. Un maximum de touchless (sans contact) très technologique et un service clients disponible 24 heures sur 24. "On ne construit pas aujourd'hui une offre comme on le faisait il y a dix ans. C'est illusoire de croire qu'un acheteur grand compte succombera au seul chant d'une sirène comptable si rien ne vient accompagner son voyageur au quotidien".

A TMC du 21ème siècle, outil du 21ème siècle, "Avec le numérique, nous développons des services qui vont directement répondre aux demandes d'un client", explique Tristan dont le portail unique avait séduit le jury des Lauriers du voyage d'affaires, recueillant ainsi le Grand Prix Thalys en septembre dernier. "Nos services, nous ne les concevons pas comme le font nos concurrents. Nous les recréons avec des fonctionnalités nouvelles, des associations d'idées que personne n'avait engagé. Bref, nous concrétisons ce que nous demandent les acheteurs. Nous avons la volonté de dire qu'à une époque où l'information est reine, nous devons fournir en temps réel toutes les informations sur un déplacement professionnel". Avec 80 salariés aujourd'hui, 120 demain, Travel Planet veut s'insérer très vite dans le cercle des grands. Rencontre avec un homme pressé qui sait que le temps, c'est de l'argent.

DéplacementsPros : Selon vous, les TMC traditionnelles sont appelés à disparaître. Pourquoi ?

Tristan Dessain-Gelinet : Pour être exact, je dis à disparaître ou à évoluer. On voit bien aujourd'hui ce qui se passe sur le marché. On a des structures très traditionnelles qui restent persuadées que l'on peut acheter des comptes avec des offres financières auxquelles on ne peut résister. C'est une vision passéiste qui ne s'appuie pas sur la réalité des faits. Aujourd'hui, le client veut plus que du service. Il veut de la data pour piloter ses dépenses, il veut de l'audit pour optimiser ses déplacements et il veut des outils pour simplifier le voyage de ses salariés. Il veut enfin, et c'est essentiel pour moi, de la relation humaine avec son fournisseur mais seulement quand il en a besoin.

Tout cela c'est une matrice plus dynamique que celle proposée aujourd'hui. Travel Planet veut répondre à cette palette. Des frais à zéro quand c'est la machine qui va gérer la demande et une relation de partenariat pour être présent quand le besoin s'en fait sentir. Dit ainsi, cela semble simple mais au quotidien, c'est un vrai travail qu'il faut engager pour atteindre l'objectif.

DéplacementsPros : Pensez-vous que les clients souhaitent réellement cette évolution de leur TMC ?

Tristan Dessain-Gelinet : Avec Betty Seroussi, codirigeante de Travel Planet, nous faisons le même constat tous les jours : de plus en plus d'entreprises du CAC 40 nous contactent. Que disent-elles ? La taille importe peu, c'est la réponse apportée qui est prioritaire. Que répondons-nous ? Que nous allons au-delà d'une simple promesse pour créer une relation de confiance. Nous sommes conscients que le client est roi et que si nous ne correspondons pas à ses attentes, il ne reviendra pas.

Aujourd'hui nous avons un taux d'adoption en ligne de 85% avec environ 2.500 voyages gérés par jour. La technologie est le second poste de dépenses de l'entreprise après les salaires car nous pensons qu'il faut réserver l'humain aux taches plus complexes, aux services attendus par les clients. C'est une philosophie nouvelle dans le monde du voyage d'affaires. Mais elle impose aussi des règles. Nous avons éliminé tous les budgets inférieurs à 1 million d'euros pour permettre à cette relation de confiance de reposer sur un juste équilibre financier.

Nous le constatons tous les jours : la structure est exactement la même pour gérer 1 million ou 60 millions de budgets voyages. Chez nous, le mariage avec la techno nous conduit à avoir 20 personnes là où les autres ont en 60.

DéplacementsPros : La technologie est-elle la seule solution au développement des TMC ?

Tristan Dessain-Gelinet : Pas du tout. C'est un outil et sans les hommes, il n'y a pas d'outils. Je dis simplement que ce qui peut se faire sans l'humain, comme réserver un billet de train ou d'avion, ou une chambre d'hôtels doit se faire sans frais, en toute simplicité. C'est ce que veut le voyageur. Mais le voyage d'affaires va au-delà de la logistique. Il y a du reporting, de l'analyse de la dépense, de la gestion du savoir. Et là, l'humain est essentiel.

C'est le rôle d'une agence que de le faire pour son client. Et pour le mettre en œuvre, nous imaginons les solutions technologiques, nous concevons des applications innovantes et nous avons de nouvelles grilles de lecture à proposer aux clients. Nous travaillons beaucoup sur les profils "voyageurs" et regardons comment intégrer leurs dépenses dans les outils d'analyse. A ce jour, nous sommes les seuls à offrir cette vision du business travel. Je le dis, l'humain c'est l'intelligence pure. C'est elle qui conduit à la réflexion et donc à la solution.

DéplacementsPros : En résumé, vous voulez une TMC à la carte ?

Tristan Dessain-Gelinet : Oui mais ce serait réducteur. Regardez ce qui se passe pour le consommateur lambda. Il a un besoin et des offres. En quelques années, il a changé son regard sur la relation avec un fournisseur. Amazon a profondément modifié le parcours clients car il offre la multiplicité des produits, des services, un droit au changement de produit... Bref, il a inventé la consommation moderne. Travel Planet travaille, un peu, de la même façon. La pression sur les prix est forte.

Nos confrères pensent que le marqueur est dans le tarif. Je ne le crois pas. Au-delà du prix, il y a la capacité du fournisseur à anticiper la demande ou à la gérer quasi instantanément avec tous les paramètres financiers attendus. Nous avons lancé notre propre carte logée avec notre banque pour diminuer les frais bancaires et optimiser les circuits de dématérialisation. Ce sont autant de petits détails qui rendent performante notre offre, qui la sécurise pour un acheteur et lui donne la confiance que j'évoquais.

DéplacementsPros : A la carte veut dire une autre gestion du client ?

Tristan Dessain-Gelinet : Non pas forcément mais une adaptabilité de la TMC. Aujourd'hui nous avons trois populations distinctes. La première, c'est le travel manager/acheteur sensible au prix et qui nous demande de gérer au moindre coût les demandes de ses voyageurs. Il établit des règles et en changera si on lui démontre que celles proposées sont meilleures.
Autre population, celle des assistantes et chargé(e)s de voyage qui veulent être efficaces et aller au plus rapide car le voyage n'est qu'une petite partie de leurs fonctions. Et, troisième segment, loin d'être le moins important : le voyageur. Il veut une interface rapide et facile qui réponde à sa demande d'aller d'un point à un autre voire d'organiser un déplacement complexe.

Ces trois familles ont au final le même besoin mais pas forcément la même approche. L'un voudra de la mobilité, l'autre du reporting, le troisième de la réassurance sur le bon déroulement du voyage. Bref, nous allons répondre à la fois par la technologie et par l'humain. C'est notre force que de développer des outils qui ne sont pas sur le marché mais qui répondent aux demandes de nos trois populations.

DéplacementsPros : Et le voyageur ?

Tristan Dessain-Gelinet : Tout le monde l'évoque, mais qui s'y attaque réellement ? On constate désormais une réelle autonomie du voyageur via les outils mobiles et les SBT. Cela veut dire que la politique voyage maîtrisée permet cette liberté de choix et la simplicité nécessaire à l'organisation d'un déplacement. Nous sommes pleinement dans l'outil dédié.

Dans l'innovation numérique déjà évoquée. Il faut concevoir la relation voyageur avec un regard neuf. Simplifier ne suffit pas, il faut aussi l'assister que ce soit en matière de sécurité ou d'attentes immédiates. Nous offrons un service 24/24 – 7 jours sur 7 pour cette raison.
Au-delà de la techno, il y a les hommes qui vont gérer une difficulté, modifier un parcours et s'adapter ainsi aux besoins du voyageur… Dans le respect des attentes de l'acheteur.

C'est une vision à 360° du voyageur d'affaires qui ne doit pas être gérée par le prix mais par le service réellement rendu. Nous faisons en sorte que toutes nos propositions intègrent des solutions pour le voyageur. Je vous donne un exemple: tous les billets que nous émettons sont flexibles, mais vendus 20% moins cher que le tarif flex affiché. C'est nous qui prenons le risque pour le client. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, le choix est bon car il simplifie le quotidien du voyageur qui n'a pas à se soucier de gérer des frais supplémentaires et de son acheteur qui sait que le salarié sur le terrain trouvera une solution à un changement d'horaires..

DéplacementsPros : Quelle est votre relation aux GDS ?

Tristan Dessain-Gelinet : Nous ne voulons pas imaginer un instant qu'une TMC est réduite au rôle d'émetteur de billets. Nous voulons être responsable de bout en bout de nos propositions et de nos préconisations. Nous avons besoin du GDS comme outil mais en aucun cas il ne va piloter nos choix ou l'organisation de la TMC. Au-delà, cela pose une vraie question : qui demain va piloter la data qui arrive au-delà du GDS ? Notre réponse : la TMC, via des outils d'intégration directe.

Voilà, pour nous, une nouvelle vision de la relation client qui repose sur la TMC et non les outils mis à sa disposition par les fournisseurs. C'est la preuve même que l'on peut acheter et disposer d'un service à bon prix et en toute transparence. Nous sommes aujourd'hui persuadés que la responsabilisation n'est plus seulement chez le voyageur ou l'acheteur, elle aussi dans la TMC qui doit imaginer des offres qui prennent en compte l'évolution du marché et les attentes générationnelles au sein des entreprises.

DéplacementsPros : Le marché français n'est-il pas trop petit pour vous ?

Tristan Dessain-Gelinet : On travaille sur le local mais aussi sur le global et à l'international. Nous sommes désormais présents en Australie. Nous avons implanté à Melbourne un centre de services qui a aussi pour mission de développer notre activité dans le pays.

Nous portons un regard sur l'Asie dont on connaît tous les potentiels et qui, contrairement à ce que l'on croit, n'est pas aussi avancée en matière de technologie d'acquisition des voyages. Nous devrions en dire plus dans quelques mois.

Entretien réalisé par Marcel Lévy.