Turkish Airlines : « Big is not enough »

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Napoléon Bonaparte disait : "Si la Terre était une nation, Istanbul en serait la capitale". Rapporté au monde du transport aérien, cette citation est plus que jamais d’actualité pour la compagnie aérienne Turkish Airlines. A l'occasion de sa conférence Turkish Airlines Corporate Club, organisée fin septembre à Istanbul elle a affiché ses grandes ambitions. La nouvelle route de la soie, la plus logique géographiquement, s'attaque aux compagnies du Golfe.

Forte de sa flotte et de sa position géographique (Istanbul est, sur un planisphère, le centre de la représentation du monde), Turkish Airlines poursuit sa croissance et sa montée en gamme, sans faire le buzz, mais en restant fidèle à elle-même. Elue meilleure compagnie aérienne européenne depuis 6 années consécutives, elle collectionne les distinctions données par la profession et par les voyageurs. Elle possède l'une des plus récentes flottes du monde avec 328 avions dont l’âge moyen est de 6 ans. C’est, à ce jour, la compagnie qui dessert le plus grand nombre de destinations avec 303 points d’arrivée.

Mais c’est sur le côté innovation que ça va faire mal et même très mal car, pour rester en tête, il faut investir et Turkish Airlines a décidé de s’en donner largement les moyens. En réunissant à Istanbul les professionnels du déplacement professionnel, elle a voulu démontrer que, contrairement aux idées reçues, tout n'est pas "politique" dans le pays.

Trop à l’étroit dans l’aéroport Atatürk d’Istanbul, la compagnie va investir un nouvel aéroport au quatrième trimestre 2018. Cette plateforme sera, à la fin du programme de construction prévu en 2030, la plus grande du monde et comportera 5 pistes parallèles de 3750 m, plus une transversale de même dimension.
Pas moins de 350 boutiques permettront aux 200 millions de passagers visés (environ 2 fois le nombre de passagers traités annuellement par les aéroports de Paris) de faire des achats hors taxes à condition toutefois de ne pas avoir envie de quitter le salon qui occupera 3 étages de 2000 m² chacun.
Le débarquement par bus et les créneaux de départ limités, talon d’Achille de l’aéroport Atatürk, seront gommés grâce aux quelques 165 quais d’embarquement annoncés (contre 40 actuellement) et aux 6,500,000 m² de tarmac permettant de parquer 500 avions. Des chiffres qui donnent le tournis et dévoilent une partie de la stratégie que met en place le transporteur.

Quant à la flotte, elle va évoluer en fonction. Turkish Airlines vient d’annoncer son intention d’achat pour 40 Boeing 787 et négocie l’achat de 40 Airbus A350 modernisant et étendant ainsi son parc d’appareils avec des avions de dernière génération, plus silencieux et moins gourmands en kérosène. Elle travaille également sur l’introduction d’avions de moindre capacité (comme le CJ100 de Bombardier). Et les dirigeants d'expliquer : "Turkish Airlines ne veut pas copier quiconque. Elle veut donner le tempo et écoute pour cela les passagers et les clients".

Sur le plan business, THY (c'est son code OACI – TK pour IATA) intéresse de plus en plus de travel managers et d’acheteurs voyages qui voient en elle des opportunités techniques (confort, service et destinations) et commerciales attractives. Elle est appréciée par les voyageurs d’affaires pour les services facilitant les déplacements (connectivité WIFI/GSM, salons, prises pour recharger les appareils…). Elle se présente comme une alternative crédible sur les routes asiatiques, plus particulièrement pour les passagers de province qui doivent avoir une correspondance. Le nouvel aéroport devrait offrir des opportunités pour améliorer le circuit voyageur.

Sur le plan commercial, la compagnie se veut de plus en plus présente car avoir des ambitions et s’en donner les moyens, c’est une chose, mais atteindre les objectifs fixés en est une autre. C’est la raison pour laquelle cet outsider des appels d’offres veut créer des opportunités en Europe.

Il reste, enfin, l'incertitude politique du pays, partagé entre un retour à un islamisme modéré et la laïcité prônée par le fondateur de la première république, Mustafa Kemal Atatürk. Pour les dirigeants, une compagnie aérienne transporte des passagers sans se soucier de la couleur politique. C'est maintenant aux voyageurs d'affaires de se positionner.

Jean Plouhinec