Un client Airbnb n’est plus un client de l’hôtellerie traditionnelle

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Selon une étude PhoCusWright, citée dans la dernière lettre du réseau québécois Veille en Tourisme, plus un voyageur séjourne dans des logements privés, moins il aura tendance à réserver des chambres d’hôtel au cours de la même année. Dans le travail d’Aude Lenoir que nous publions ci-dessous, le constat sur l’évolution de l’hébergement marchand est un peu sombre pour les hôteliers « traditionnels ».

Le marché de la location de résidences privées n’a pas échappé à la vague déferlante du Web, et on y trouve aujourd’hui une offre diversifiée sur des sites spécialisés. Selon PhoCusWright, aux États-Unis, le taux de pénétration de ces réservations en ligne est passé de 12% en 2008 à 24% en 2012. L’arrivée de start-ups issues de l’économie collaborative comme Airbnb et l’amélioration des sites déjà bien installés sur ce marché, à l’instar de HomeAway, ont contribué à l’accélération de cette évolution.
Ainsi, de cette tendance est née une «nouvelle génération de loueurs», dont le comportement de voyage se dissocie de ceux qui utilisent d’autres modes d’hébergement. Cette comparaison a été effectuée dans le cadre d’une première analyse portant sur le profil de ces voyageurs, tirée d’une étude de PhoCusWright. La firme s’est aussi penchée sur leurs habitudes de planification et de réservation en ligne; voici les résultats.

La «nouvelle génération de loueurs» est très active sur le Web
Lorsqu’il s’agit de planifier ses séjours d’agrément, la «nouvelle génération de loueurs» est plus susceptible de consulter Internet sur un appareil mobile (32%) ou une tablette (29%) que les autres voyageurs (voir le graphique 1). De plus, elle utilise davantage de sources d’information telles que les recommandations de parents ou d’amis, les publicités en ligne et les courriels promotionnels. Les autres loueurs adoptent un comportement qui se rapproche de celui des voyageurs qui ne louent pas de logement privé.

 
Les trois catégories de voyageurs consultent les mêmes principales sources sur le Web pour la planification en ligne de leurs séjours (voir le graphique 2). Les agences de voyages en ligne telles qu’Expedia ou Priceline arrivent en tête, suivies des moteurs de recherche et des sites de commentaires comme TripAdvisor. Néanmoins, la «nouvelle génération de loueurs» navigue sur  plus de sites pour comparer et choisir les composantes de ses voyages. Près de 40% de ces nouveaux loueurs utilisent les réseaux sociaux, comparativement à 11% des autres loueurs et 12% des non-loueurs. Cet écart se vérifie aussi pour les guides et les magazines de voyages en ligne, les sites d’actualité, ainsi que pour les sites de location de logements privés. Ces derniers sont tout de même consultés par une proportion importante des autres loueurs (20%).
 

 
Quels contenus recherchent-ils en ligne?
La «nouvelle génération de loueurs» a un appétit débordant pour les contenus en ligne liés aux voyages (voir le graphique 3). Ces voyageurs consultent les commentaires et les avis, les photos et les vidéos de professionnels et d’amateurs, ainsi que les publications des prestataires, pour planifier au moins la moitié de leurs séjours. À noter qu’ils sont beaucoup plus nombreux que les autres loueurs et les non-loueurs à visualiser ces informations sur les réseaux sociaux.
 

 
Inspiration et personnalisation
Pour cette nouvelle génération, l’aspect inspirant du site est très important, puisque 41% y recherchent de nouvelles idées de voyages, alors que cet objectif n’est partagé que par 28% des autres loueurs et 29% des non-loueurs. De plus, elle souhaite effectuer une expérience de navigation plus personnalisée que les autres voyageurs. En effet, 27% optent pour un site qui conserve leurs informations personnelles afin de les reconnaître à chaque visite, en comparaison à 12% des autres loueurs et 9% des non-loueurs.

La «nouvelle génération de loueurs» est spontanée
La catégorie des autres loueurs réserve leurs séjours plus en avance que les autres segments; 57% le font au moins un mois avant le départ, alors que c’est le cas pour 41% de la «nouvelle génération de loueurs» et pour la moitié des non-loueurs (voir le graphique 4). Les voyageurs de la nouvelle génération sont proportionnellement plus nombreux à se préparer à la dernière minute. Ils sont 43% à réserver moins de trois semaines avant le début de leur séjour, comparativement à 33% des autres loueurs et à 31% des non-loueurs.
 

 
Adeptes de la consommation collaborative
La «nouvelle génération de loueurs» qui, selon PhoCusWright, a tendance à utiliser des sites collaboratifs comme Airbnb pour réserver leur logement, est aussi attirée par d’autres services similaires pour se déplacer. Ainsi, 21% de ces voyageurs, également des adeptes des nouvelles technologies, ont utilisé une application d’autopartage durant leur séjour, alors que seulement un faible pourcentage des autres loueurs (6%) et des non-loueurs (2%) s’en sont servi. Ils sont aussi plus nombreux (25% en comparaison à respectivement 11% et 6%) à avoir voyagé à bord d’une voiture de tourisme avec chauffeur à l’aide d’applications telles que Uber et Sidecar.

L’hôtellerie traditionnelle doit-elle s’inquiéter?
Concrètement, chaque location de logement privé effectuée par un voyageur diminue de 24% les possibilités qu’il réserve une chambre d’hôtel au cours de la même année.

PhoCusWright a effectué des calculs de probabilité basés sur la fréquence des séjours d’agrément des voyageurs. Il en ressort que chaque location de logement privé effectuée par un voyageur diminue de 24% les possibilités qu’il réserve une chambre d’hôtel au cours de la même année. De la même manière, si un voyageur séjourne dans deux locations durant l’année, les chances qu’il loge à l’hôtel chutent de 50%. Ainsi, plus un voyageur réalise de séjours dans des logements privés, moins il aura tendance à réserver une chambre d’hôtel. Malgré ce calcul qui peut sembler alarmant pour les hôteliers, il ne faut pas oublier qu’en 2013, seulement 14% des voyageurs américains ont loué un appartement ou une maison privé, et 3% ont réservé une chambre ou un lit chez un particulier; c’était le mode d’hébergement le moins populaire.

Changement fondamental ou tendance passagère?
Les adeptes de la consommation collaborative, qui sont en grande partie issus de la génération Y, continueront-ils à voyager de la sorte en vieillissant? Difficile de présager l’avenir, mais il est certain que leur utilisation d’Internet et des multiples outils technologiques est ancrée dans leurs comportements de voyage de manière durable. Les prestataires d’hébergement n’ont alors d’autre choix que d’y réagir et de s’adapter!
 
A propos d'Aude Lenoir

La Bretagne, terre de ma jeunesse, a soufflé sur moi un vent de passion pour le tourisme et j’ai très vite surfé sur la vague de l’inconnu. J’exerce alors différents emplois dans l’industrie, en France et au Québec, sans pour autant négliger mes études. Une fois diplômée d’une maîtrise en Tourisme, spécialité gestion hôtelière, je m’installe à Montréal et j’occupe un poste de supervision dans un hôtel. Le rythme effréné ainsi que l’interaction avec les clients et les employés me plaisent beaucoup, mais l’envie de plonger davantage dans le monde de l’industrie touristique me tenaille. Ce fut une grande opportunité pour moi que de joindre l’équipe du Réseau de veille en tourisme en 2010.

Je me passionne pour le réseau de distribution, en particulier l’hôtellerie et les agences de voyages, et je cultive un vif intérêt pour l’e-tourisme. Selon moi, développer un produit ou aménager un lieu touristique, c’est réaliser que cette richesse, ce patrimoine doit être connu et reconnu. Les acteurs québécois, de par leur foi en leurs régions et leur dynamisme, ont créé une offre diversifiée et de qualité. Les enjeux auxquels ils font face nous préoccupent, c’est pourquoi notre rôle est de les aider à mieux comprendre l’évolution du tourisme, son actualité et les tendances à travers le monde.

« Au delà de ce qui est nécessaire, il y a ce qui rend heureux » (proverbe Breton)