Une révolution dans la distribution: American Airlines veut se passer des GDS

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C’est une petite révolution du business travel qui s’est amorcée outre-Atlantique il y a quelques jours. American Airlines bouleverse les codes de la distribution en déployant un nouveau modèle dans lequel ce sont les GDS et les agences qui payent pour avoir accès au contenu de la compagnie, et non plus l’inverse. Le but : réduire les coûts de distribution en court-circuitant les intermédiaires et faire de la distribution elle-même un générateur de revenus.

Direct Connect, voilà le nom qui suscite une énorme controverse au sein de l’univers du voyage d’affaires, et plus globalement une belle frayeur chez les systèmes de distribution. Il s’agit du nouveau modèle économique voulu par American Airlines. Et s'il fait tant de bruit depuis quelques jours de l’autre côté de l’Atlantique, c’est parce qu’il vise tout simplement à détourner les travel managers et voyageurs des GDS et des agences pour que les compagnies puissent traiter directement avec eux. Une information révélée par le Centre For Asia Pacific Aviation. La stratégie d’American Airlines est claire : réduire considérablement les coûts de distribution, et même générer des revenus en faisant payer les GDS pour accéder au contenu de AA.com. C’est aussi une manière pour la compagnie de contrôler son produit dans l’intégralité, du pricing au ticketting en passant par les frais annexes liés au dégroupage des tarifications. American veut traiter en direct avec ses clients corporates, sans aucun intermédiaire.

La réaction des intermédiaires en question ne s’est pas faite attendre. Car ce nouveau modèle de distribution pourrait totalement remodeler le paysage du business travel, en inversant les rapports entre les GDS et les compagnies, mais surtout en obligeant les entreprises, les TM et les voyageurs à repenser leurs canaux de réservations. Pour la Business Travel Corporation, dont les propos sont rapportés par le Centre For Asia Pacific Aviation, "c’est un retour à l’âge de pierre, quand les agents de voyages devaient appeler chaque compagnie pour obtenir les tarifs et disponibilités". La BTC estime que Direct Connect imputera également d’importants coûts de restructurations et d’investissements technologiques aux intermédiaires pour s'adapter et intégrer les différents systèmes «fermés» des compagnies.

American Airlines, et dix autres compagnies concernées par ce nouveau modèle mais dont les noms n’ont pas été cités, se défendent en expliquant que les acheteurs pourront contrôler plus facilement leurs réservations en traitant directement avec elles, notamment en matière de frais annexes liés au dégroupage des tarifications. Les transporteurs estiment que les GDS ne sont pas capables actuellement d’intégrer correctement tous ces paramètres. Ce qui n’est pas totalement vrai. Car les compagnies low-cost, à l’origine de cette tendance, travaillent depuis quelque temps à s’intégrer aux GDS pour accéder au marché du voyage d’affaires. Pour les compagnies aériennes, il s’agit surtout de réduire de 50% les coûts liées à la distribution, selon les estimations du président de Farelogix qui fournit la solution technologique Direct Connect.

La manœuvre d’American Airlines semble assez maladroite dans un monde du voyage d’affaires régit par une volonté de simplifier et réduire les canaux de réservations, un monde où les voyageurs et acheteurs veulent un guichet unique, un interlocuteur unique et des solutions de gestion centralisées. Pour les GDS, c'est une menace très sérieuse car c'est l'ensemble de leur modèle économique qui serait destabilisé, avec une perte de revenu et l'apparition de coûts supplémentaires, sans compter la refonte de leurs systèmes de réservation. Les entreprises n’attendent pas seulement des agences de travel management et des GDS un simple service de réservation, mais également un système leur permettant de suivre leurs dépenses et leurs voyageurs partout dans le monde. Ce que ne permettra pas le nouveau modèle de distribution soutenu par American Airlines.

Alexis Dufour