Vivre ensemble, le défi du transport aérien

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Le transport aérien est certainement l'un des secteurs d’activité les plus complexes à exploiter. Il n’est pas naturel de faire voler des machines de plusieurs centaines de tonnes, garnies de centaines de passagers, à une altitude de plusieurs milliers de mètres et le tout à des vitesses approchant le mur du son.

Or et le paradoxe est là : ce mode de transport est devenu le plus sûr au passager kilomètre transporté. Comment en est-on arrivé à ce degré d’excellence ?

C’est par la collaboration de tous les acteurs. Les constructeurs d’avions d’abord, mais aussi les contrôleurs aériens, les exploitants et bien entendu les autorités de régulation. En fait, dès la création du transport aérien moderne qui remonte à la Convention de Chicago en novembre 1944 (en pleine Deuxième Guerre mondiale, faut-il le rappeler), le pli a été pris. Le transport aérien serait mondial, construit sur des règles uniques applicables dans tous les pays et il serait sûr. Ainsi on a confié le respect des réglementations sécuritaires aux Etats qui doivent agir selon les instructions édictées par l’OACI (Organisation de l’Aviation Civile Internationale) où les Etats sont représentés par des délégués ayant rang d’Ambassadeurs. Et les délégués de l’OACI ont pour mission d’auditer la manière dont les pays exercent leur contrôle sur les exploitants. Si un pays est déclaré défaillant dans son rôle de contrôleur, les compagnies aériennes domiciliées sur son territoire sont immédiatement mises sur la liste noire. Voilà qui est dissuasif. Et voilà l’une des raisons pour lesquelles le transport aérien est devenu si sûr.

Les compagnies aériennes ont à leur tour compris qu’elles devaient coopérer entre elles. C’est pourquoi elles ont fondé un organisme destiné à régler les relations commerciales. Cela a donné IATA (International Air Transport Association), créée à La Havane en avril 1945. Depuis, cet organisme a pris de l’envergure en organisant les relations « interline » entre les transporteurs, créant le BSP (Billing and Settlement Plan) qui a si grandement facilité le travail de tous les acteurs de la distribution, imposant la billetterie électronique et même en ayant un œil attentif sur les aspects sécuritaires avec le label IOSA (Iata Operational Safety Audit).

Mais l’inévitable complémentarité entre les régulateurs et les exploitants ne saurait suffire à créer un transport aérien prospère. Il faut encore une gestion performante de l’espace aérien. Celui-ci progresse techniquement à pas de géants, mais il est freiné dans sa performance par les Gouvernements, si jaloux de la protection des leurs frontières, fussent-elles en altitude et par les corporatismes des contrôleurs aériens qui se sentent de toutes façons protégés par leurs administrations. Néanmoins, le contrôle aérien est de plus en plus performant et la pression des compagnies pour améliorer encore les routes aériennes aura certainement des effets bénéfiques. On estime à 8% de gain de temps de vol moyen en Europe en retaillant en profondeur les cheminements aériens.

Le transport aérien ne peut pas se passer non plus d’aéroports. Les investissements que ces derniers doivent faire pour absorber le doublement du trafic dans les douze années à venir sont considérables. Or il n’existe pas de coopération forte entre eux et leurs exploitants. D’ailleurs, le temps est une variable très différente entre les aéroports pour lesquels l’avenir est à plusieurs dizaines d’années et les compagnies qui ont un horizon à 5 ans au mieux.

Il reste une composante essentielle : la distribution de ce formidable produit. C’est encore le lot des intermédiaires que sont les agents de voyages. Ceux-ci continuent à représenter 70% du chiffre d’affaires du secteur. Oh, bien sûr, les méthodes ont changé. L’agence de quartier a de plus en plus de mal à vivre, par contre les opérateurs digitaux font fortune et représentent une force incontournable.

Or tous ces acteurs ont bien du mal à se parler. Chacun dans son coin fait ses propres rencontres au cours desquelles on explique que les difficultés du secteur sont justement la faute des absents. Tout cela n’est pas très constructif. Il manque un lieu de discussion entre tous ces acteurs. C’est ce qu’APG tente de faire depuis plus de 20 ans en réunissant pendant 3 jours tous ceux qui veulent échanger sur le seul sujet qui vaille : comment vivre ensemble harmonieusement. L'APG World Connect se tiendra cette semaine à Marrakech, du 28 au 30 octobre. 473 participants sont inscrits. Il y a des compagnies aériennes, des agents de voyages, des aéroports, le tout venant de 81 pays. Si cela peut faire avancer la coopération entre les acteurs, alors la Présidente d’APG, Sandrine de Saint Sauveur, sera heureuse.

Jean-Louis BAROUX