Voyages d’affaires et open booking: le travel manager va-t-il devoir passer la main au voyageur?

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Bousculé par les nouvelles générations et les nouvelles technologies, le voyage d'affaires est un secteur en constante croissance mais aussi en constant mouvement. L'Open Booking constitue depuis quelques années l'un de ces facteurs de changements qui n'a pas échappé à notre chroniqueur, Régis Chambert.

Un marché qui évolue : L’industrie du voyage d’affaires évolue au gré des nouvelles technologies et des applications qui fleurissent chaque semaine. Certains se plaignent que ce marché reste très conservateur et n’évolue pas.
Personnellement, je suis persuadé qu’il se transforme en profondeur sous l’impulsion de plusieurs facteurs devenus aujourd’hui incontestables et d’ailleurs incontestés.
La chevelure des voyageurs d’hier a blanchi et la nouvelle génération monte en puissance. Nous la disions « connectée » en l’annonçant il y a déjà dix ans : « ils arriveraient au monde un smartphone à la main », plaisantions nous ! Ils sont là, en effet toujours plus connectés. « L’ubérisation » des services et des offres dans le voyage intéresse ces nouveaux voyageurs qui trouvent quelques avantages dans le développement du tourisme collaboratif. Cette génération, plus ouverte sur l’international et souvent à la recherche de contacts humains lors de ses missions, apprécie une certaine liberté dans ses décisions d’achat, conciliant si possible besoins professionnels et attentes personnelles (balance of life comme disent les Américains).
Dans ce contexte, les acteurs en place continuent à se livrer une véritable guerre des prix. Celle-ci, conjuguée à la baisse du pétrole, a pour conséquence une baisse continue des tarifs moyens, alors que les transactions sont en légère hausse malgré les risques sécuritaires qui freinent les ardeurs des plus téméraires.
 
Les entreprises et leurs besoins : Les entreprises ont plus que jamais besoin de croissance et cherchent à développer leurs marchés. Pour ce faire, elles se déplacent toujours plus loin à la recherche de nouveaux clients qu’elles vont ensuite fréquenter assidûment pour s’assurer de leur fidélité. La recherche d’économies dans la gestion de leurs déplacements est plus que jamais leur priorité dans cet environnement global. L’optimisation des prix d’achats, mais aussi des processus liés est leur priorité numéro un. Elle est suivie de près par les problématiques de sécurité de leurs personnels (et de leurs informations). La satisfaction (ou le confort, le bien être) du collaborateur, « talent » à retenir pour se donner les moyens de gagner dans cette compétition globale est le troisième enjeu soutenu par les DRH !
 
Et les travel managers, dans ce contexte ? : Il y a 40 ans, les premiers « chargés de voyages » au sein des entreprises étaient souvent des secrétaires de direction à qui le patron confiait cette responsabilité. Leur rôle se bornait alors à réserver les billets d’avion, de train, les chambres d’hôtel et les voitures de location. Ils faisaient appel pour cela à une agence de voyages. Quelques années plus tard (années 80), la gestion des voyages a relevé des Services Généraux qui ont professionnalisé cette fonction. Puis les Ressources Humaines ont pris la relève dans les années 90, associant à cette responsabilité la notion de couverture sociale et la gestion des expatriés.
Nous savons le rôle joué par les achats depuis les années 2000. Ceux-ci ont apporté de la méthode dans la relation fournisseur, considérant souvent la gestion des déplacements professionnels comme une activité de commodité sans réelle valeur ajoutée pour laquelle l’objectif primordial est la baisse du coût de transaction.
Ce coût de transaction est « facialement » tombé au plus bas, certaines agences ont même tenté le 0 fee !
Le travel manager est aujourd’hui face à deux chemins qui se séparent. Lequel prendra-t-il ? Deux écoles s’affrontent.
 
Certaines entreprises considèrent avoir fait le tour du problème, ne reconnaissent pas de valeur ajoutée à cette fonction ni à l’agence et réfléchissent à faire le choix de l’openbooking (tracké par des systèmes permettant de suivre en temps réel les déplacements du voyageur, les sujets de sécurité éventuellement liés et la dépense). Leur pari est fondé sur les prix bas pratiqué par les différents acteurs qui se livrent une guerre sans merci. Adieu Politique Voyage, bonjour la (pseudo) liberté du collaborateur qui voyagera dans des conditions de plus en plus difficiles, satisfait dans un premier temps de sa liberté gagnée.
 
D’autres ont compris que ce poste a deux activités distinctes, même si leur ensemble constitue la globalité d’une fonction à ne pas négliger.
Le voyage d’affaires implique la gestion d’un très grand nombre de transactions. Cette activité de commodité doit être dématérialisée, automatisée au service du voyageur et des décisions d’achat de l’entreprise et l’objectif est d’en diminuer le plus possible le coût. Cette mission relève cependant d’une véritable conduite du changement que l’entreprise doit confier à un professionnel. Ce « chef d’orchestre » a la responsabilité de coordonner les différents services (RH / DSI / D.juridique / SG…), les utilisateurs et les voyageurs. Il doit s’assurer de la fluidité des processus mis en place et démontrer leur valeur ajoutée en interne pour contribuer à une adhésion maximale au projet. Le travel manager doit exceller dans le fonctionnement en matrice.

La seconde activité est plus intellectuelle. Elle réside dans la veille technologique de ce domaine en pleine évolution. Les décisions d’organisation, de choix de plateformes, de services ne peuvent rester figées. Elles seront régulièrement remises en question par de nouvelles offres et de nouveaux besoins. Le Travel Manager doit être actif et moteur dans cette veille. Il doit aussi développer les synergies d’achats avec d’autres familles telle, le Mice dans lequel transporteurs, agences et hôteliers interviennent au service de l’entreprise et la facturent pour des budgets quelquefois aussi importants que le déplacement professionnel. La sécurité est enfin une responsabilité à part entière dans laquelle il doit prendre sa part, car il est à l’origine du déplacement. Ce rôle a considérablement évolué et ce poste fait aujourd’hui appel à des compétences en terme de communication, coordination, gestion de projets.
La reconnaissance de cette fonction et de la valeur ajoutée liée transforme à nouveau ce poste aujourd’hui rebaptisée « Mobility Manager ». Nous assistons, pour ces raisons, à un retour à la case « départ ». Ce mobility manager reporte très souvent aux Services Généraux. Mais son profil a bien changé !
 
Ceux qui supportent les travels managers n’ont pas tort de croire dans l’évolution de cette fonction au sein de l’entreprise. Le Travel Manager doit évoluer avec son environnement et doit savoir maîtriser les offres disponibles sur le marché, véritables opportunités pour réussir dans son double challenge de gestionnaire de commodité et de change management. Il doit faire preuve d’aptitudes dans le fonctionnement matriciel car il devra de plus en plus conjuguer les compétences des différents services de l’entreprises (achats, systèmes, rh, sécurité) au service de sa mission : la mobilité.
 
Régis Chambert
A propos de RC2       
 
RC2,  Régis Chambert Consulting, est une SARL créée en 2010 dans le but de mettre à la disposition de ses clients un savoir faire, une expérience de plus de 30 années dans le management d'entreprises Françaises, puis internationales, dotées d’organisations très diverses, traditionnelles ou matricielles et globales.
 
Régis Chambert a été Vice président - Directeur Général d'American Express Voyages puis présidé Avexia Voyages de 2011 à fin 2013.
La réflexion stratégique, la marque, la conduite du changement, la formation et le coaching sont les principaux domaines dans lesquels Régis Chambert intervient.
 
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