Voyages d’affaires : on « wifise » comme on respire

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En dix ans, le Wifi est devenue essentiel à la bonne exécution d'un déplacement professionnel. On l'exige à l'hôtel, on le souhaite dans les avions, on l'espère dans les bus ou les taxis, on s'inquiète de ne pas l'avoir dans la rue… Bref, l'expression phare du XXIe siècle sera sans conteste : "Rester connecté en permanence".

Pas une enquête quotidienne dans le monde n'évoque, parmi les attentes majeures du voyageur d',ce besoin d'être connecté. Un besoin permanent qui se traduit principalement à l'étranger, là où les accès 3 ou 4G sont particulièrement onéreux. Mais rester connecté est une exigence souvent remise en cause par les voyageurs eux-mêmes confortés dans l'idée qu'il faut, à l'occasion d'un déplacement professionnel, conserver quelques heures à soi. La curiosité, qui a disparu depuis longtemps dans les voyages d'affaires, semble pourtant revenir au goût du jour. Mais là encore, une curiosité très connectée qui passe par des outils en ligne de réalité augmentée, d'aide à la découverte ou, plus simplement, de résumés touristiques de la ville ou du pays que l'on visite. On veut savoir, partout et tout le temps.
Une récente étude, menée par l'université de Californie, démontre que ce besoin d'être connecté fini par être préjudiciable à la réflexion personnelle. Il semblerait même, selon le professeur Kuelch que "L'assistanat systématique dans la recherche d'informations conduit à une sorte de fainéantise de l'esprit qui empêche d'avoir la lucidité nécessaire lors de la prise d'une décision importante". Dans l'enquête menée sur 400 professionnels de la finance aux États-Unis, plus de 86 % d'entre eux se sont connectés à un site spécialisé pour répondre à une question simple. Pourtant, lorsque l'on a retiré le portable ou la tablette à ces mêmes professionnels, 68 % ont répondu juste à la question posée sans avoir besoin de se connecter à Internet. Concrètement, cela signifie que même lorsque l'on possède le savoir, le besoin de le conforter immédiatement passe par une connexion à un outil d'information. Pour les responsables de cette étude, les jeunes générations, habituées à travailler directement avec Internet, sont moins capables de prendre une décision instantanée et juste que leurs confrères plus âgés. Pour John Kuelch, cette situation est préoccupante tant elle rend dépendante à Internet une bonne partie de la population active aux États-Unis. Et pour lutter contre ce phénomène, l'université de Californie va sortir une série de jeux exclusivement basés sur la mémoire dont la finalité sera de faire travailler le cerveau sans faire appel à des outils extérieurs. Un peu comme on le fait aujourd'hui avec les malades d'Alzheimer, pour leur permettre d'entretenir au mieux leur mémoire. Seule différence, ici on ne parle pas à des personnes âgées mais à des cadres âgés de moins de 30 ans.

Marcel Lévy