Voyageurs d’affaires, prudence les 23 et 24 mai prochain en Egypte pour cause d’élections présidentielles

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Le Bureau Veille et Analyse Risques Pays du Groupe GEOS vient de publier une analyse détaillée sur les prochaines elections présidentielles en Egypte. Les derniers mouvements de foule au Caire, qui s'en sont pris aux étrangers de passage dans la capitale, demandent de l'attention de la part des voyageurs d'affaires, invités à ne pas quitter leur chambre ou leur bureau en cas de manifestations populaires.

Voyageurs d'affaires, prudence les 23 et 24 mai prochain en Egypte pour cause d'élections présidentielles
Comme le précise Geos, le 1er tour de la première élection présidentielle égyptienne de l’ère post-Moubarak se déroulera les 23 et 24 mai prochains, dans un contexte politique particulièrement tendu, du fait de l’invalidation de plusieurs candidatures et de l’incertitude partagée quant à la réelle volonté du Conseil Suprême des Forces Armées (CSFA) de se retirer du pouvoir au profit de représentants de la société civile. Alors que plusieurs événements avaient fait naître le doute quant à l’effectivité de sa tenue, notamment le dépôt d’une réclamation visant à faire annuler le scrutin par un gouverneur, la première élection présidentielle depuis le succès du soulèvement populaire de février 2011, également considérée comme la première élection présidentielle libre et transparente de l’Egypte contemporaine, se tiendra la semaine prochaine. Cet événement historique majeur, dont les résultats définitifs seront annoncés le 21 juin, et qui portera inévitablement, pour la première fois depuis 1954, un Egyptien issu de la société civile à la tête de l’Etat, se tiendra néanmoins dans un contexte d’instabilité politique aigüe.

La campagne électorale a en effet été marquée par de nombreuses polémiques, symptômes d’un contexte post-révolutionnaire alimenté par les luttes entre les différents acteurs politiques et les particularités de la sphère politique égyptienne contemporaine (poids de l’armée et place des islamistes dans le processus politique, insécurité dans la Péninsule du Sinaï…). La décision de la Commission électorale d’invalider les candidatures de 10 personnalités (dont l’une de celles des Frères musulmans, et celle du parti salafiste Al-Nour) a jeté le doute sur son indépendance, et été source de nouvelles violences, illustrant l’intense degré de conflictualité sous-jacent (20 morts fin avril dans des affrontements avec les forces de sécurité au Caire). Par ailleurs, les tensions entre les Frères musulmans et le CSFA se sont également intensifiées, du fait des régulières accusations de l’organisation islamique visant l’ « autoritarisme » de ce dernier, et des appels répétés à la chute du gouvernement de Kamal Ganzouri, nommé par l’autorité militaire en novembre dernier. Les Frères musulmans n’ont pas hésité à menacer de « raviver la Révolution » dans le cas où le CSFA refuserait de se plier à ses revendications, tandis que ce dernier, qui dirige de fait le pays depuis la chute d’Hosni Moubarak, les a, en réponse, invité à ne « pas oublier l’histoire », dans une référence à peine voilée à la violente répression qu’avaient subie leurs prédécesseurs à la fin des années 1950, lors de leur opposition à Gamal Abdel Nasser.

Dans ce contexte, la décision du Tribunal administratif du Caire de suspendre la Commission chargée de la rédaction de la nouvelle Constitution – du fait de la surreprésentation des partis islamistes en son sein – a également alimenté la confusion politique, et posé la problématique de la cohérence temporelle de l’architecture institutionnelle. La future Constitution ne pouvant désormais être adoptée avant la prise de fonction du nouveau Président, ce dernier sera investi sans voir son rôle, ni celui des pouvoirs législatif, judiciaire et militaire, clairement définis par un texte constitutionnel (le pays est régi depuis mars 2011 par un corpus de textes constitutionnels approuvés par référendum, mais définissant uniquement la gestion de la période de transition).

Dans ce climat particulièrement instable, les premiers sondages ont néanmoins donné de précises indications sur les favoris pour la fonction suprême. Amr Moussa, ancien chef de la Ligue Arabe et candidat du parti libéral Wafd, arrive en tête des estimations, devant Aboul Foutouh, ancien membre des Frères musulmans, considéré comme modéré, et le candidat de ces derniers Mohamed Morsi.

La tâche du nouveau Président, lorsqu’il disposera de prérogatives clairement établies et d’une marge de manœuvre efficiente, sera cependant particulièrement complexe. Le relèvement économique, le rétablissement d’un climat sécuritaire apaisé, ainsi que la consolidation du lien social, notamment vis-à-vis des coptes, et les relations avec Israël représenteront les principaux défis du futur vainqueur. Le poids des immenses attentes de la population demandera également une résistance et un dynamisme exemplaire de la part du nouveau Président, afin que le pays le plus peuplé du monde arabe, et à la civilisation millénaire rayonnante, retrouve sa place de leader régional, pour permettre à cette région stratégique de résoudre ses multiples conflits, et progresser pas à pas vers un avenir commun pacifié.

Phare historique du Moyen-Orient, objet de fascinations millénaires, l’Egypte a marqué le « printemps arabe », et l’Histoire de la région, d’une empreinte sans précédent. La tenue de la 1ère élection présidentielle depuis le renversement d’Hosni Moubarak, attendue avec ferveur par la population, et observée avec passion par les peuples arabes, devrait, si elle ne devient pas le théâtre de nouveaux affrontements partisans susceptibles de plonger le pays dans une profonde crise politique, permettre au pays d’enclencher une nouvelle étape de son Histoire, plus d’un an après son spectaculaire soulèvement.