2013, les cinq pistes d’évolution du voyage d’affaires

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Beaucoup pensaient que 2013 allait marquer le début d'une mini-reprise dans l'univers du voyage d'affaires. Finalement, les TMC ne cachaient pas fin décembre 2012 leur inquiétude pour l'année qui s'annonce. Durcissement des politiques voyages, restriction du nombre de déplacements, réduction de la durée moyenne des voyages… Autant de contraintes susceptibles de pénaliser les investissements et de contrarier les déplacements professionnels.

2013, les cinq pistes d'évolution du voyage d'affaires
Dès l'EVP le ton était donné par Éric Audoin, le patron d'American Express qui, lors de la réunion avec la presse, ne cachait pas que 2013 allait être une année difficile. Et d'expliquer : «Ce sera une année où le contrôle des dépenses réalisées au sein des entreprises justifiera les contraintes imposées aux voyageurs d'affaires. Le rôle de l'agence de voyage sera double : optimiser les dépenses et permettre leur anticipation pour une meilleure approche tarifaire du déplacement». Une vision presque partagée par Bertrand Mabille qui reconnaissait que «2013 ne serait pas l'année de la reprise». En ce début d'année, force est de constater que peu de Travel manager ou d'acheteurs sont optimistes pour 2013. En l'occurrence, beaucoup pensent que cette fameuse peur de la crise a des conséquences plus importantes que la crise elle-même. «On nous a demandé de faire 20 % d'économies sur le budget voyage en 2013», précise Yann le Goff, Directeur des achats hors production de Sidel. «Si l'on regarde ce que nous avons fait en 2012, où le nombre de voyages chez nous a légèrement augmenté en volume mais baissé en valeur, il est clair que nous devenons de plus en plus des acheteurs de best buy, missionnés pour trouver les meilleures offres aux meilleurs prix. C'est une évolution sensible du Travel management qu'il faudra prendre en compte en 2013». Constat plus positif chez Limagrain où Pierre Blondeau reconnaît que 2013 sera pour l'entreprise une année d'investissement dans un groupe qui se tourne résolument vers l'international. «Nous n'avons pas eu de contraintes budgétaires sur 2013 car l'entreprise, qui a embauché 300 personnes en 2012, se développe très fortement à l'extérieur de nos frontières» détaille le patron des achats hors production, «Par contre, ce que nous avons fait, c'est de chercher constamment à mieux acheter tout en essayant de respecter au mieux le voyageur et ses attentes. C'est une part importante de notre travail que d'échanger avec les voyageurs et des les éduquer afin qu'ils puissent bénéficier du meilleur service aux meilleurs tarifs». Mais Limagrain, à l'évidence, est un cas à part. Car pour la plupart des Travel managers interrogés, l'heure est à la rigueur, voire la restriction. Ainsi au Figaro où pour Joël Rondole, le Travel Manager du groupe, l'année 2013 ne sera pas brillante. «Pour analyser 2013, je jette un regard en arrière. En 2012, sur les six premiers mois de l'année nous avons eu le même volume de déplacements qu'en 2011. Sur le second trimestre, le nombre de voyages s'est effondré car la politique a été plus rigoureuse et l'engagement des dépenses bien plus maitrisé».

Nul besoin d'être devin pour deviner que l'année 2013 sera placée sous le signe de l'économie mais également sur l'évolution de l'organisation et du choix des déplacements professionnels. Les entreprises devront et feront sans aucun doute le choix réfléchi des voyages dont la finalité ou le retour sur investissement sera aisément mesurable. Quelles sont les grandes tendances qui ressortent du terrain ? Voilà, selon nos différents interlocuteurs, ce qu'il faudra surveiller en 2013.

1 - Gérer l'anticipation

C'est incontestablement la capacité de l'entreprise à prévoir ses déplacements professionnels qui lui permettra d'assurer au mieux ses achats aériens et hôteliers. Si cette anticipation est évoquée très régulièrement et depuis des années par les professionnels du voyage d'affaires, le fait est que les salariés n'ont jusqu'ici pas été très rigoureux dans l'organisation prévisionnelle - autant que faire se peut - de leurs déplacements professionnels. «Il me semble que nous devrions être capables d'avoir une meilleure approche des besoins de l'entreprise en matière de déplacements afin de permettre aux acheteurs que nous sommes de trouver la meilleure solution aux déplacements souhaités», remarque Joël Rondole qui avoue que «Cela n'est pas forcément le cas malgré nos demandes et la sensibilisation permanente des salariés. Ce qui est évident pour nous ne l'est pas forcément sur le terrain. Cette anticipation ne fait pas encore l'objet d'une communication suffisamment pressante de l'entreprise. Mais on y vient». Y compris donc dans un média soumis aux aléas de l'actualité.

2 - Analyser le besoin réel

«Ne nous leurrons pas, nous avons tous appris à traquer les salariés qui aiment bouger», explique Joël Rondole au Figaro, «Aujourd'hui notre mission n'est pas de juger de l'intérêt du voyage mais de le construire lorsque nous avons la demande». De fait, le Travel Maining se développe fortement dans les pays anglo-saxons. A l'origine, un logiciel expert mouline toutes les données d'un voyage pour en déterminer son intérêt. Si ces outils sont en plein développement, bon nombre d'entreprise assurent "manuellement" cette analyse des besoins. «On constate que désormais, le voyage fait l'objet d'une analyse plus poussée de ceux qui sont en charge de valider la demande», souligne commente Joël Rondole. D'autant que le fameux ROI (retour sur investissement en français) que l'on croyait impossible dans le monde du voyage montre son nez. Les premières expériences menées sont positives. «Nous pensons que les outils de gestion des moyens de paiement sont les premières armes du ROI», nous confiait en août dernier John Baird Smith, patron d'AirPlus France. Et de fait, juger du besoin réel d'un voyage, c'est en maitriser le coût et la finalité. «Chaque entreprise aura ses propres matrices d'analyse et de mesure», souligne Yann le Goff, «La lisibilité du résultat sera à interpréter dans le cadre de la stratégie commerciale ou technologique. Mais on peut dire que l'analyse locale, et non plus globale, permettra d'affiner le jugement. C'est sans doute vers des outils de cette nature que le travel management évoluera».

3 - De l'achat, encore de l'achat… Toujours de l'achat

Quelles frontières entre le Travel management et l'achat ? Au fil des années, elles sont devenues de plus en plus complexes à définir. Voire même fragiles en raison de la pression économique qui pèse sur le dos des Travel Managers. Mais cette pression, souvent répercutées sur les voyageurs eux-mêmes, n'est pas sans conséquence au final. L'anticipation évoquée plus haut ne doit pas faire perdre de vue que le voyageur est un salarié dont la mission finale et de gérer au mieux son activité professionnelle. «J'ai toujours veillé à ce que nous trouvions un équilibre entre le prix et la qualité du voyage» explique Anne Houeix de la Brousse, Travel Manager de la SACD en charge de la collecte des droits d'auteur. «Bien sûr, économies obligent, nous avons modifié quelques points de la politique voyage comme le fait de se déplacer en train en seconde classe au lieu de la première. Mais nous avons aussi su conserver des éléments qui préservent le voyageur d'affaires comme la classe business sur le long-courrier ou l'accès en première classe sur le train européen. Nous avons naturellement beaucoup travaillé les achats pour les optimiser. Et comme beaucoup de mes confrères, le volume de voyages a augmenté mais pas la dépense».
Anne reconnait qu'elle jongle en permanence avec le marché. Le choix du best buy n'est pas une priorité même s'il reste la base de travail. «Le prix ne veut rien dire si on ne peut l'associer à la mission demandée. Je veille à l'équilibre voyage/voyageur». Une vision partagée par Pierre Blondeau qui reconnaît qu'en 2012, malgré un nombre supérieur de voyages, le volume en valeur a été stabilisé voire même inférieur à celui de 2011. «Je suis certain que la qualité des acheteurs de mon équipe explique ces bons résultats. Je pense qu'il y a toujours dans les relations que nous avons avec les fournisseurs des points qui se prêtent à la négociation ou qui peuvent s'optimiser». Mais cette vision n'est pas partagée par tous. Ainsi Joël Rondole : «Je n'ai jamais renégocié les contrats avec mes fournisseurs car globalement, je me suis très vite rendu compte que les tarifs négociés étaient souvent plus élevés que ceux que nous étions capables d'obtenir. Ce n'est pas une règle gravée dans le marbre mais un constat. Nous cherchons systématiquement, et principalement dans le transport aérien, le meilleur prix du marché pour le voyage demandé».

4 - Technologie quand tu nous tiens

C'est le rêve de toutes les grandes entreprises dont le budget voyages est considéré comme trop important : les supprimer ! Si toutes sont bien conscientes que la rencontre "face face" est indispensable aux bonnes relations commerciales, il n'empêche qu'effectivement, bien des déplacements pourraient être évités et remplacés par les outils technologiques. «Je suis persuadé que nous pourrions remplacer certains voyages par de la téléprésence», explique Pierre Blondeau, «Ce qui est certain, c'est que pour mettre en place de telles solutions, il faut en maîtriser les tenants et les aboutissants ce qui demande du temps et une petite connaissance des technologies qui seront mises en place. Mais la tentation est forte, y compris chez nos voyageurs, de développer de tels outils intermédiaires qui permettent entre deux déplacements de maintenir une relation suivie avec un client sans forcément avoir besoin de bouger pour le faire». 2013 sera-t-elle l'année de l'explosion de la téléprésence ! Pas sûr, à en croire les différentes études publiées aux États-Unis. Toutes démontrent que le marché grandit moins rapidement que les prévisions publiées il y a quatre ans. À peine 8 % de croissance attendue sur le continent nord-américain pour 2013. Sans doute un peu plus de 10 % pour l'Europe et ce, malgré le coût élevé des salles dédiées. «On imagine trop souvent que la technologie ne peut exister qu'avec des outils particulièrement chers et complexes d'utilisation», commente Henri Malhour, consultant spécialisé dans l'univers de la vidéo conférence, «Tout cela dépend du niveau technologique que l'on veut avoir lors de la réunion vidéo. On peut parfaitement travailler à distance avec une bonne qualité d'image et un son de très bon niveau en utilisant des outils dont le coût est inférieur à 1000 €. Cette télé-conférence individuelle commence à se développer très fortement aux États-Unis dans des groupes aussi puissants que Monsanto ou IBM. C'est la preuve que la maîtrise de la technologie permet de faire le choix d'outils efficaces, d'un rapport qualité-prix exceptionnel et capable de répondre à près de 80 % des besoins d'échanges dans l'entreprise».

5 - Redéfinir son poste

«Je crois très profondément que l'évolution de notre métier, et de notre fonction achats, doit nous faire repenser la finalité globale de notre poste», remarque Yann le Goff de Sidel. «Je crois qu'aujourd'hui, nous devons être capable de nous demander à quoi sert notre travail et comment faire en sorte que nous soyons à la fois à l'écoute des demandes économiques de l'entreprise mais également des attentes de nos voyageurs». C'est sans aucun doute l'une des évolutions majeures du Travel Management qui commence à apparaître depuis deux ans. Celle qui consiste à trouver le positionnement entre la connaissance du produit sur le terrain, les besoins économiques de l'entreprise et les attentes des consommateurs. Le Travel Manager tel qu'il était défini il y a trois ou quatre ans va disparaître au bénéfice sans doute d'un poste plus ouvert, dont la finalité sera à cheval sur plusieurs univers professionnels. «Au-delà du simple Travel Management, de l'achat et de l'éducation de nos propres voyageurs, nous devons être capables de trouver les meilleures solutions en matière de mobilité car je crois que c'est le mot essentiel de ces prochaines années» ajoute Pierre Blondeau, «C'est un poste à la fois simple et complexe de la structure, qui n'est pas encore totalement défini et qui intervient sur plusieurs strates dans l'entreprise». D'autant que la remise en question va bien au-delà de la simple capacité d'acheteur que peut manifester le Travel Manager. «Il y a une mission d'éducation entre le fournisseur et le voyageur», souligne Yann le Goff, «C'est une mission que nous nous devons d'assumer car la connaissance va permettre la mise en place d'une chaîne des décisions bien différentes de celle qui existe actuellement. Prenons l'exemple de l'anticipation, quand le voyageur en comprend l'intérêt économique pour lui et pour son entreprise, il fait beaucoup plus attention à l'organisation de ses voyages et les prépare suffisamment en amont pour nous permet de lui trouver la meilleure solution ». CQFD.

Enquête d'Hélène Retout et Marcel Lévy.