A chantage, chantage et demi pour l’Europe

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L'Europe ne reste pas inerte face à la décision chinoise de bloquer les commandes d'Airbus, et menace elle aussi Pékin de mesures de rétorsion si jamais le blocage était confirmé. Mais attaqué à l'Est, Bruxelles doit aussi faire face à un front sur l'Ouest : les compagnies américaines demandent à Washington de monter pour elles au créneau.

La Commission européenne l'affirme et le réaffirme : elle ne retirera pas sa taxation du carbone produit par l'aviation tant qu'une solution ne sera pas trouvée pour réduire la production de CO2 des avions. Et elle en appelle à l'OACI pour trouver une solution. Une Organisation internationale de l'aviation civile qui a été saisie par plusieurs pays pour trouver une solution mais n'a pas l'air de s'affoler sur le sujet. En attendant, l'Europe reste groupée pour faire front. Elle ne semble pas vraiment croire au blocage évoqué par Hong Kong Airlines et Airbus, même si pas moins de 45 Airbus sont en jeu, et parle toujours au conditionnel ""Si des pays décident des mesures discriminatoires contre des sociétés européennes, la Commission prendra immédiatement les mesures appropriées, en étroite collaboration avec les autorités des Etats membres concernés" par ces rétorsions, a ainsi averti la commissaire européenne chargée du Climat, Connie Hedegaard, au cours d'une réunion des ministres de l'Environnement de l'UE à Bruxelles. Une position confirmée par le candidat Nicolas Sarkozy dans son discours de Villepinte ce dimanche 11 mars.
Il reste que les américains se sont engouffrés dans la brèche ouverte par les Chinois: l'Association Airlines for America demande à Washington de lancer une procédure judiciaire « Article 84 » auprès de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) pour annuler la taxe européenne et faire revenir les Européens à la table des négociations". Elle se sent d'autant plus forte qu'il existe un précédent, datant de 1999. L'Europe, piteuse, avait dû renoncer à interdire les avions les plus bruyants de son ciel alors qu'elle avait déjà commencé à dresser une liste précise des appareils interdits. Mais cette fois le contexte a changé. D'une part il n'est pas certain que le gouvernement américain, en pleine campagne électorale, se lance dans une telle procédure. Il risque d'autant moins de le faire qu'il s'inquiète du chantage chinois, qui pourrait frapper d'autres pays si jamais l'Europe cède dans le bras de fer. Il n'est pas impossible au contraire que, par souci de ne pas créer de précédent et pour contribuer à l'image pro-environnementale d'Obama, il agisse en coulisse pour encourager l'OACI à trouver une solution mondiale pour réduire le CO2. C'est toute la planète qui y gagnerait.

Hélène Retout