AFTM : évoluer ou végéter ?

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Les constats qui se font sur le terrain sont sans appel : le métier de TM change, et surtout se rapproche des grandes fonctions achats ou RH de l’entreprise. Inutile alors de faire l’autruche face à un « métier » que la technologie bouscule et que les consultants simplifient. La mutation des générations est engagée. Le nier conduirait à se couper de la réalité.

Les tendances économiques de cette rentrée 2014 ne sont pas favorables aux fonctions thématiques dont la finalité est proche de celles déjà exercées au sein de l’entreprise. L’entreprise concentre ses forces, réduit ses équipes et des choix, des arbitrages. Les missions « achats » ou « RH » démontrent que le savoir-faire spécialisé ne se contente plus d’une simple adaptation des besoins.

Les métiers du travel management évoluent, tout comme la relation de l’entreprise avec ses voyageurs. Faut-il y voir une mutation des fonctions ? Certainement, si l’on observe ce qui se passe aux USA, pays qui dans les années 80 a inventé le titre de « travel Manager ». Que ce soit aux États Unis, comme dans les pays du Nord ou en Grande Bretagne, la finalité du TM évolue. Comment transformer ce qui va, de toutes façons, nous toucher dans quelques mois ou quelques années? Plein feu sur l’avenir programmé l’AFTM.

L’AFTM devra changer de nom sans changer de sigle

Impensable de rester l’association du Travel Manager alors que l’évolution même de la fonction conduit des membres du bureau à rechercher de nouvelles pistes de travail. Devenir l’Association du Travel Management pour élargir son audience est inévitable. La modification des statuts engagée en avril 2014 doit se poursuivre pour ouvrir largement l’association aux métiers de la mobilité. Mais au-delà du seul constat qui conduit l’AFTM à regarder du côté des PME/PMI, il faudra moderniser le dialogue professionnel. Lui donner plus de réalité de terrain et moins d’attentisme. Il faut, par exemple, accepter les petites mains d’Amex touchées par les plans sociaux, et celles qui arriveront prochainement sur le marché pour les aider à se former dans ce métier de plus en plus technologique.

Restera enfin, le cas des consultants qui ne sauraient être « juges et arbitres » d’un débat où les intérêts économiques sont présents. Mais il serait dangereux de les éloigner tant ils portent les germes de l’avenir en matière de veille technologique.

Un changement de gouvernance qui s’annonce délicat

L’AFTM doit à Michel Dieleman sa réussite et son aura. Attentif, diplomate, consensuel (parfois trop), il a su donner l’impulsion et la direction à suivre. Sans lui, cette association n’existerait pas. Sa vision du futur, appuyée par l’arrivée de Thibault Barat (Délégué Général) qui a ouvert les pistes politiques de l’association, a été essentielle au renouveau de l’AFTM il y a 18 mois. Mais le départ annoncé de Michel Dieleman pour une retraite bien méritée (et active) pose la question de sa succession. Dans deux ans, elle sera effective.

Ouvrir l’AFTM à de nouvelles fonctions permettra à la structure de déceler les nouveaux talents nécessaires à son avenir. Les « dauphins » naturels ne sont pas toujours les héritiers d’un poste. Les égos parfois violents ne suffisent pas à donner un sillon à des idées. Le bureau de l’association, qui résume à lui seul la querelle des « modernes » et des anciens », doit évoluer entre bénévolat actif et analyse réelle des besoins. Seul son Délégué Général (qui doit vite devenir Directeur Général comme dans toutes les grandes associations professionnelles), patron opérationnel de l’association, pourra jouer le rôle d’architecte du prochain "bureau", en total adéquation avec les élus et le Président actuel. Non pas pour se substituer aux politiques mais pour leur donner les bonnes informations au bon moment. Ce qu’il a commencé à faire.

L’AFTM ne peut défendre une vision générique du métier en limitant la parole aux seuls sponsors financiers de l’Association

C’est un point sensible. On ne saurait défendre l’ensemble d’une profession en excluant du dialogue ceux qui ne seraient pas les sponsors financiers de la structure associative. Libérer la parole des contraintes économiques est nécessaire. Le silence de l’association lors de la grève SNCF (sponsor de la structure) est révélateur. Il paraît donc nécessaire pour l’AFTM de trouver de nouvelles (et durables) sources de développement économique. D’accepter en son sein tous les professionnels sans barrage financier d’entrée. Cette fameuse vision de l’Association Française du Travel Management.

Quelques sponsors regardent leurs investissements dans l’AFTM comme une simple opération marketing. C’est dommage, car tous les fournisseurs du domaine doivent être solidaires d’une structure dont la finalité leur est, directement ou indirectement, favorable. Ne pas agir dans le seul but de croiser des TM pour leur vendre quelque chose mais devenir des acteurs actifs du développement d’une activité professionnelle à part entière. Garder secrète la liste des membres de l’AFTM (alors que le fichier circule très largement dans les entreprises) est dommageable à la prise de parole de l’association. Chaque membre est un haut parleur actif et nécessaire. Croire que les chercheurs d'or ignorent leur existence serait d'une grande naïveté. Sans doute, faudra-t-il trouver de nouvelles voies de dialogue et d'échanges entre celles et ceux qui gravitent autour ou dans la structure.

Enfin, un simple constat fait peur : si 40% des gros sponsors quittent l’association, la survie de la structure sous sa forme actuelle sera difficile. Faut-il prendre ce risque?

La vision politique doit s’amplifier

Dans un pays qui compte plus d’un millier d’associations, groupements et autres représentativités professionnels, la défense du TM passe entre l’avenir des artisans plombiers ou de la Chambre Nationale des Artisans Taxis. Deux structures aux demandes tout aussi respectables que la défense du voyage d’affaires.

L’AFTM doit donc s’impliquer dans le tissu économique français. Sa vision du déplacement professionnel doit être installée dans le tissu économique national. L’AFTM devra être proche des structures qui exportent, proche de celles et ceux qui conseillent les entreprises. Elle doit dépasser le nombrilisme professionnel pour s’attaquer à une approche plus générique des déplacements professionnels.

Il faut dépasser le propre regard sur ce qui fait notre activité pour donner des informations aux entreprises, comme aux voyageurs, sur l'environnement concret des déplacements professionnels.

La stratégie doit être visible

Après 5 ans d’existence, la vision stratégique doit être claire et précise. Écrite de façon claire pour donner un sens aux actions. Rédiger avec des objectifs qui vont satisfaire les acheteurs comme les fournisseurs ou les structures politiques et économiques. Devenir les partenaires d’une foultitude d‘actions conduit à la mise en place d’un brouillard qui nuit à la perception du but. La création d’un «club achats», annoncé par Michel Dieleman, est confusante. Les acheteurs sont déjà, pour beaucoup, au fait du voyage au milieu d’autres spécialités.

Une seule association, un seul but. Politiquement, c’est essentiel de quitter l’affectif pour le concret. La vision européenne, qui s’est bornée à une association, doit aller plus loin. On le sait, Bruxelles n’écoute pas les professionnels, quelle que soit la structure qui les représente. Le lobbying est un mélange politique et associatif. Défendre le voyage d’affaires c’est défendre notre sens de l’exportation portée par nos voyageurs d’affaires. C'est nous défendre tous.

Mais cette analyse vaut aussi pour la GBTA France, hors de prix pour l'adhérent moyen et très éloignée du savoir faire américain, ou Marco Polo dont la finalité semble moins évidente ces derniers mois. Croître ne vaut que si l'on multiplie les bonnes idées et les actions. Les sujets forts du TM sont limités et les labourer à l'infini n'a d'intérêt que si les réponses aux questions complexes apparaissent.

L’AFTM appartient désormais à la profession. C’est tout son succès et le talent de son Président qui conduisent à ce constat. C’est donc à chacun, financièrement ou politiquement, de faire grossir une structure axée sur la perception d’un métier et de ses évolutions. Pas de critiques humaines ou d’attaques personnelles, mais des idées, des envies et des gestes qui, un à un, permettront de construire une puissante structure professionnelle.

Marcel Lévy