AFTM, le changement dans la continuité

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Comme pour les législatives, l’abstention aura été forte à l’Assemblée générale de l’AFTM où seuls 160 votes ont été enregistrés (sur un peu plus de 320 adhérents) pour l’Assemblée générale de ce 13 juin. Un beau résultat néanmoins pour une association qui a accueilli physiquement 60 personnes et géré une centaine de pouvoirs. Rien de bien surprenant quand on sait qu’un grand nombre est adhérent "au cas où", comme nous l’expliquait en mai dernier un acheteur de province.

"On aurait pu avoir un retour à la vision associative mais on a préféré le business qui s’appuie sur les sponsors et non sur la totalité du marché", explique le soutien d’un candidat malheureux. Et de détailler sa vision : "Aujourd’hui, seuls ceux qui payent ont un accès à l’association alors que le monde associatif est par définition ouvert à l’ensemble des partenaires d’un domaine". Et de le démontrer, avec un sourire un brin agacé : "L’AG elle-même était sponsorisée par Emirates et le groupe hôtelier Jumeirah".

Rien de choquant pour d’autres adhérents qui savent que le fournisseur est un partenaire essentiel du voyage d’affaires et un financier nécessaire à la vie associative. "Tous les acheteurs n’ont pas accès aux nouveautés et aux informations proposées par les entreprises et je reste persuadé qu’en province, c’est même perçu comme un plus", constate un autre adhérent, un peu choqué par ces critiques permanentes sur le financement de la structure.

Côté résultats (voir notre article), la belle élection de Michel Dieleman et de son Trésorier (plus de 150 voix sur 160) devrait conforter l’association sur son avenir, avec une élection de bureau prévue le 28 juin. La vision consensuelle des dossiers, au-delà de la vision régionale, devrait faire la part belle aux sponsors. "On se moque à mots couverts de la GBTA et de la myriade de fournisseurs au CA", détaille un candidat, "Mais à l’AFTM on fait la même chose sans l’assumer. On croit fermement que le fournisseur est seulement là pour son amour du travel management. Illusoire". Michel Dieleman, candidat à sa propre succession, balaie d’un revers de main cette assertion : "Nous ne sommes pas des bisounours et nous savons tout cela mais chacun doit tenir la place qui lui est attribuée, on y veille".

Pour d’autres adhérents présents ce 13 juin, c’est avant tout la victoire de Thibault Barat qui s’est exprimée. A-t-il réellement œuvré pour "avoir un bureau à sa main ?", c’est ce que pensent deux candidats écartés du Conseil d'administration. Et au sein du prochain bureau, cette approche ne devrait pas plaire à tout le monde. Beaucoup sont persuadés qu’il est "le seul et vrai patron" de l’AFTM et lui imputent les trop nombreux développements commerciaux tenus, tissés avec les fournisseurs. Il est vrai que sur les 50 à 60 événements annuels, plus de 80 % sont animés par les partenaires y compris dans les délégations de province. Mais sur ce point là aussi, les adhérents sont perplexes : "Nous n’en serions pas là où nous en sommes sans l'action de Thibaut", reconnait l'un d'eux qui reflète la pensée d'une grande majorité de personnes interrogées et qui ajoute "les fournisseurs font partie de notre univers quotidien. Ce sont autant des commerciaux que des sources d'informations".

"Il y a eu sans doute quelques arrangements politiques entre amis", explique un autre candidat déçu. Et d’y voir la patte d’un groupe qui ne voulait aucun changement. "Il fallait à peine bouger les lignes. Pas de transformation massive". Les candidatures rejetées d’Aziz Bougja (Véolia), Yann Marx ou de Jérôme Drevon Bareaux confortent la vision de certains votants. Une approche loin d’être partagée par tous même si Jérôme avait été invité par le bureau à ne pas se présenter en raison de sa situation professionnelle. "Pourquoi avoir alors accepté ma cotisation et ma présence au bureau si je n’étais pas légitime ?" laisse entendre le candidat battu. Une vraie question sur le fond. Pas sur que le candidat en reste là.

Le résultat de ces élections rassurent les sponsors, bien décidés à garder la main mise sur la structure qu’ils financent à plus de 95 %. L’un d’entre eux ne cachaient pas sa satisfaction aujourd’hui : "Nous ne pouvons pas nous permettre d’être éloignés de la seule association qui joue un rôle de go between entre nous et nos clients potentiels".

Michel Dieleman devrait conserver la Présidence de l’AFTM. C’est une bonne et mauvaise chose. Bonne car il est pugnace, constructif et décidé, et dispose de temps pour suivre la vie de l'association. Mauvaise, car l’idée d’un renouvellement construit sur des acheteurs en activité quotidienne était une bonne approche, Michel restant le Président référent, toujours présent. "A l'AFTM il n'y aura pas eu d'effet Macron" affirme en souriant un élu du CA.

Il reste la question de l'absence d’une vision politique clairement exprimée sur de grands dossiers (nous l’avions déjà évoqué), qui éloigne l’association du voyageur d’affaires. C’est un point noir qui reste en suspens pour une association qui veut aujourd’hui représenter le travel management…. Mais qui joue plus la carte du travel que du management. En devant l'Association Française du Travel Management, la structure va pouvoir accueillir en son sein de nouveaux adhérents comme les cabinets d'études ou les consultants. Une idée que réfutaient jusqu'à ce jour certains membres du conseil qui y voient une concurrence professionnelle qui limiterait les missions actuellement confiées à des TM sans poste fixe. Le débat sera nécessaire tant le consulting est devenu le fer de lance de l'innovation, des process et des technologies dans le business travel. L'apport d'un Julien Chambert comme le savoir d'Epsa ou d'Areka, entre autres, est une force constructive qu'il serait dommage de ne pas intégrer à l'association.

Bref, le changement dans la continuité est bien engagé. Qui voulait réellement le contraire ?

Marcel Lévy